En découvrant la nuit
dernière le documentaire du cinéaste allemand Werner Herzog,
Grizzly Man,
je réalisait qu'un jour il me faudrait faire le bilan de ma
dévorante passion pour le septième art. Découvert il y a fort
longtemps lors d'un cycle sur Arte
qui lui fut consacré, Werner Herzog est rapidement devenu l'une de
mes principales obsessions de cinéphage. Pourtant, lorsque j'y
repense, rares furent les occasions d'évoquer son œuvre, immense,
belle, folle et démesurée. Qu'il s'agisse de fiction ou de
documentaires. Surtout, lorsque m'est offerte l'occasion de parler
cinéma avec des passionnés qui comme moi demeurent intarissables,
je dois reconnaître que l'évocation de Werner Herzog a tendance à
se faire rare. Comme un secret que je voudrais égoïstement et
jalousement garder pour moi, c'est ainsi que j'évoque tout d'abord
Cronenberg, Lynch, Lang et quelques autres tandis que Werner Herzog,
en général, n’apparaît qu'en dernier, lorsque la conversation
finit par se tarir. Vouant une grande partie de son existence pour
sa passion envers les ours et notamment les grizzly, l'écologiste
Timothy Treadwell est sans doute mort de les avoir trop aimé.
Emportant avec lui sa compagne Amie Huguenard... Werner Herozg
n’apparaît pas un seul instant à l'image. Ce qui est finalement
assez rare lorsqu'il se lance dans la réalisation de documentaires.
Dans le cas de Grizzly Man,
nous l'entendons surtout commenter en voix-off les aventures de
Timothy Treadwell à grand renfort d'images d'archives enregistrées
par l'écologiste lui-même. Quelques intervenants extérieurs
offriront un éclairage plus ou moins pertinent sur ce personnage
étonnant mort à l'âge de quarante-six ans. Né le 29 avril 1957
dans le village de Mineola situé sur l'île de Long Island dans
l'état de New York, ses talents de nageur lui permettront d'obtenir
une bourse lors de son intégration à l'Université Bradley de
Peoria dans l'état de l'Illinois. L'existence du jeune homme aurait
pu prendre une tournure totalement différente si l'acteur Woody
Harrelson ne lui avait pas ''coupé l'herbe sous le pied'' en 1985 en
interprétant à sa place le rôle de Woody Boyd dans la série
télévisée humoristique Cheers.
Timothy Treadwell plonge alors visiblement dans la dépression et se
met à boire au point de devenir alcoolique...
Comme
il nous l'apprendra lui-même ensuite dans le documentaire, sa
survie, il la devra aux ours. A priori, en dehors de la fin tragique
du quadragénaire et de sa compagne, Grizzly Man
peut apparaître anodin. Voire même trop long. Pourquoi accorder
plus de cent minutes à un individu apparemment ''perché'', assez
fou pour se frotter à des animaux dangereux qui n'ont visiblement
aucune espèce d'amitié pour l'intrus (certains témoignages
critiqueront le comportement de Timothy Treadwell) ? Pour une
raison tout d'abord assez simple : parce que Timothy Treadwell,
aussi inconscient ou marginal qu'il pu paraître s'avère éminemment
attachant. Avec sa voix juvénile (il est d'ailleurs conseillé de
découvrir le documentaire en version originale sous-titrée en
français) et son comportement parfois enfantin, il a tout l'air d'un
gamin enfermé dans un magasin de jouets ou de bonbons. Werner Herzog
laisse en grande partie parler les images, souvent saisissantes et
devant lesquelles il n'est pas rare de frissonner lorsque l'un ou
l'autre de ses ''compagnons'' à fourrure brune s'approche
''nonchalamment'' de Timothy. Grizzly Man montre
une communion entre un homme et la nature aussi bizarre que puisse
paraître cette expérience qui dura pas moins de treize années.
L'occasion de faire de magiques rencontres comme avec ce renard que
Timothy surnommera Ghost.
À dire vrai, la plupart des témoignages apportés par les pros et
anti Timothy Treadwell n'apportent en substance pas grand chose au
récit. Il en demeure même un qui nourrit une certaine animosité
crasse. Mais pour l'essentiel, Grizzly Man
est un documentaire réellement touchant. Si cela n’apparaît pas
forcément à l'écran, Werner Herzog a effectué un travail de
montage de titan puisqu'il lui a fallut traiter plus de cent heures
de vidéos tournées par Timothy lui-même. Plus qu'un simple
documentaire, Grizzly Man est
un vibrant hommage de la part d'un immense cinéaste à un homme hors
du commun qui emporta avec lui sa dernière compagne dans sa passion
et, malheureusement, dans la mort aussi. Une formidable expérience...
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