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mardi 13 juin 2017

Taxidermia de György Pálfi (2003) - ★★★★★★★★☆☆




1973 : La Grande Bouffe de Marco Ferreri. Le film est sifflé et provoque le chaos au Festival de Cannes. Ses interprètes sont sifflés eux également. Insultés, même. La pauvre Andréa Ferréol n'a que vingt-six ans et s'en prend plein la gueule. Le film est jugé de scandaleux. Une réputation que certains jugent encore aujourd'hui d'actualité. L'année suivante, toujours à Cannes, c'est au tour du cinéaste yougoslave Dusan Makavejev et de son Sweet Movie avec Carole Laure d'être critiqué, malmené, conspué. Trente ans et des milliers de longs-métrages plus tard, le cinéaste hongrois György Pálfi nous rappelle au bon souvenir de cette époque où, croyait-on, la liberté d'expression n'était pas la même, très réduite, que nous connaissons aujourd'hui. Taxidermia fait partie de cette frange du cinéma qui se fourvoie dans le foutre et la nourriture pour délivrer un message qui ne sera pas forcément identifiable au premier regard. Une œuvre à sketches déroulant l'histoire de trois individus de la même famille à trois époque différentes.
Le premier d'entre eux se nomme Morosgoványi Vendel. C'est un soldat qui sous les ordres de son supérieur effectue des tâches ménagères ingrates. Affublé d'un bec de lièvre, il s'enferme dans une minuscule cabane en bois et y laisse s'exprimer ses fantasmes. A la solde d'un capitaine dont les deux jeunes filles évoquent à Morosgoványi les plus vils appétits sexuels, le jeune soldat commence à mélanger vie réelle et fantasme. Voyeurisme, masturbation, humiliation et frustrations sont le lot quotidien d'un homme qui pour soulager ses envies, ira jusqu'à se fourvoyer dans une pratique sexuelle déviante particulièrement rare : la zoophilie nécrophile. De cet acte jusqu’au-boutiste aussi magnifiquement mis en scène que sordide naîtra un rejeton affublé d'une queue de cochon. Tandis que le sort de Morosgoványi sera scellé, son supérieur réparera autant qu'il le pourra cet « incident » en coupant la queue de l'enfant...

Un enfant qui a bien grandit lorsque débute le second sketch. Alors que le premier contenait un propos sexuel ouvertement explicite (coït non simulé, gros plan sur une verge en érection suivi d'une éjaculation), celui-ci se situe à l'air de l'Union Soviétique et met donc en scène Balatony Kálmán, le fils de Morosgoványi, élevé par le lieutenant qui donna la mort à son géniteur. Dans un sens, et outre le fait que l'intrigue s'articule autour de la descendance de Morosgoványi, le récit semble perpétuer la fascination de son auteur pour les transgressions physiques. Autour des personnages de Balatony Kálmán et Aczél Gizi (respectivement interprétés par Gergely Trócsányi et Adél Stanczel), on assiste médusés à un concours de nourriture avec tout ce que cela peut engendrer en terme de fascination ou de dégoût. De gargantuesques personnages se goinfrant et libérant ensuite des litres de fluides par la bouche. De quoi retourner l'estomac des plus fragiles. Après la zoophilie, le cinéaste György Pálfi enfonce un peu plus le clou en dévoilant d'outrageantes scènes d'émétophilie. Une pratique outrée contrebalançant l'image respectueuse d'un pays (la Hongrie) renommé pour être l'une des patries européennes les plus riches en matière de gastronomie. Et tout ceci, sur fond de romance entre un champion hongrois sur lequel repose tous les espoirs d'une patrie et celle qui l'épousera, championne dans sa catégorie : la viande. De leur union naîtra le héros du troisième et dernier sketch qui donne son nom au long-métrage.

Ce héros, c'est Balatony Lajoska, fils de Balatony Kálmán et petit-fils de Öreg Balatony Kálmán. Rejeton rachitique d'une lignée d'individus hors du commun. Après que son grand-père (adoptif) ait exécuté son grand-père (naturel), que son père ait épousé Gizi et lui ait donné un fils, c'est à dire Balatony Lajoska lui-même, ce dernier s'est lancé dans un commerce bien particulier consistant à empailler des animaux. Alors que sa réputation ne cesse de grandir, dans l'arrière-salle du magasin qui lui sert également de logis, Lajoska continue d'engraisser son père dont les proportions n'ont jamais cessé d'évoluer depuis le départ de son épouse. Pesant plusieurs centaines de kilos (au juger, cinq ou six-cent), incapable de se mouvoir, c'est son fils qui s'occupe de le torcher et de le nourrir. Un régime alimentaire exclusivement constitué de barres chocolatées que Lajoska achète par lots de huit-cent. N'espérant plus projeter sa passion pour son ancien métier sur son fils malingre de fils, Kálmán exerce par l'entremise de Lajoska trois félins enfermés dans une cage. Humiliant Lajoska à l'excès et ce dernier n'en pouvant plus, Kálmán se retrouve seul et, par accident, face à l'un des félins qui alors l'éventre et se nourri de ses intestins. Cela devient une habitude avec lui mais le hongrois György Pálfi appuie une nouvelle fois là où ça fait mal. Derrière les coups moraux portés par le père envers son fils, cet épisode de la vie des Balatony demeure sans doute le plus émouvant. 
Un père torturant l'esprit d'un fils incapable de se construire une histoire personnelle. Derrière un physique disgracieux, l'acteur berlinois Marc Bischoff offre une composition chaleureuse, malgré toute l’ambiguïté qu'arbore son personnage, un trait de caractère commun à tous les membres de cette étrange famille. L’œuvre se conclue sur une image terrible de sens. Horrible diront certains, mais demeurant sans doute comme l'un des symboles les plus forts et les plus remarquables sur la filiation entre deux générations d'une même famille. Au final, Taxidermia est trash, drôle, esthétisant, tragique, bouffon, admirablement mis en scène (quelques mouvements de caméra sont étonnants). Les décors sont magnifiques, la photographie est superbe, la bande originale du célèbre compositeur électronique brésilien Amon Tobin éclectique et l'interprétation magistrale. Une petite tuerie !

1 commentaire:

  1. Film étonnant, certes... mais trois fois BOF ! En fait, deux fois, vu que je ne suis pas allé au bout - peut-être était-ce une erreur - mais autant la Grande Bouffe (malgré une photographie certes moins léchée que celle de Taxidermia) m'avait subjugué, autant Taxidermia m'a laissé sans passion. Peut-être justement parce les coups du dégueulis, de la merde, des perversions sexuelles avaient déjà été exploités.

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