Alors qu'adapter sur
grand écran le Fantômas de Pierre
Souvestre et Marcel Allain n'est probablement pas la meilleure idée
qu'aient eu le réalisateur Christophe Gans et le producteur Thomas
Langmann, il y a parmi les films qui ne verront sans doute jamais le
jour, quelques projets déjà beaucoup plus excitants. Maître
incontesté et incontestable de l'horreur organique et psychologique,
le canadien David Cronenberg fut en effet entre 1975 et 2002 (de
Shivers
à Spider)
l'auteur d'une douzaine de longs-métrages principalement axés sur
l'étude du corps, de ses difformités (Chromosome
3)
et de sa dégénérescence (La Mouche)
ainsi que sur celle de l'atteinte psychologique profonde
(Faux-Semblants).
Alors qu'en 1981 son cinquième long-métrage Scanners
remporte un franc succès en salles en rapportant environs sept fois
la mise de départ rien qu'en Amérique du Nord, l'homme qui depuis
deux films (celui-ci ainsi que Chromosome 3
et plus tard Videodrome)
participe à la carrière de David Cronenberg en tant que producteur
exécutif, Pierre David, propose au canadien de tourner une nouvelle
adaptation du célèbre roman de l'écrivain britannique Mary
Shelley, Frankenstein
ou le Prométhée Moderne...
Un
projet particulièrement séduisant et une proposition parfaitement
logique s'inscrivant tout à fait dans l'approche d'un cinéma
cronenbergien lorsque l'on connaît la spécialité du canadien en
matière de cinéma d'horreur et d'épouvante. Alors que le
producteur prévoit déjà de nommer le film sous le titre David
Cronenberg's Frankenstein,
David Cronenberg apprécie tout particulièrement l'idée. D'autant
plus que pour l'auteur des futurs Festin Nu,
Crash
et Existenz,
approcher l’œuvre de la britannique pour la triturer et en
apporter une vision neuve est là encore, une idée fort séduisante.
Sans doute emporté par l'engouement de David Cronenberg, le
producteur Pierre David n'attend pas d'avoir l'accord définitif du
réalisateur pour lancer une campagne de pub autour du projet alors
même qu'aucune signature sur aucun contrat n'a encore été apposée.
Une attitude qui aurait pu, à minima, agacer le roi de l'horreur
épidermique mais qui n'aura finalement aucune conséquence sur les
rapports entre les deux hommes puisqu'à nouveau, ils se retrouveront
sur le projet suivant du canadien, le fameux Videodrome
que beaucoup de fans du maître considèrent encore aujourd'hui comme
son meilleur film...
Avouant
lui-même avoir cependant réfléchi sur ''sa'' créature, David
Cronenberg avait pour désir de la rendre bien plus intelligente et
sensible que le portrait qu'en ont généralement fait les cinéastes
qui se sont penchés avant lui sur le roman de Mary Shelley. Pierre
David aurait-il semé une graine dans l'esprit de David Cronenberg en
cette année 1981 ? Car si son David
Cronenberg's Frankenstein
n'a jamais vu le jour, le canadien a récupéré la mise en scène du
remake de La Mouche Noire
(Kurt Newmann, 1958) que la 20th
Century Fox avait tout d'abord mis entre les mains du réalisateur
américain Tim Burton qui, coincé par des projets personnels dut
abandonner l'idée de faire revivre ce génial scientifique se
transformant en mouche à échelle humaine. On peut voir dans la
vision de David Cronenberg, un parallèle entre le travail d'un
docteur Frankenstein donnant naissance à sa créature et un Seth
Brandle incarnant involontairement celle-ci après qu'une mouche se
soit introduite dans l'un de ses télépodes. Finalement le canadien
aura, consciemment ou inconsciemment, mis en scène le projet que lui
proposait de réaliser Pierre David cinq ans auparavant. Il n'empêche
que l'on aurait aimé également découvrir sa vision ''officielle''
du mythe de Frankenstein. Mais au vu de la tournure qu'à pris la
carrière de David Cronenberg, il y a peu de chance qu'elle se
concrétise dans un proche avenir...
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