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vendredi 10 mai 2019

Le Portrait de Dorian Gray d'Albert Lewin (1945) - ★★★★★★★★☆☆



Cela tombe très bien, voilà un quart de siècle tout juste que le sujet m'intéresse. Et pourtant, ça n'est pas à travers le roman d'Oscar Wilde que j'ai découvert pour la première fois le mythe du portrait de Dorian Gray mais en découvrant une œuvre pourtant loin d'être scrupuleusement fidèle à l'original, l'extraordinaire Le Portrait du Mal du non moins fascinant écrivain écossais Graham Masterton, auteur d'une foule de chefs-d’œuvre de la littérature d'épouvante parmi lesquels on retrouve notamment de nombreux ouvrages consacrés à la démonologie (Le Djinn, La Maison de Chair, Le Trône de l'Enfer, Le Miroir de Satan, etc...), l'écrivain se penchant parfois sur des thématiques bien différentes (Rituel de Chair et son restaurant proposant des mets délicats préparés à base de viande humaine). Le Portrait de Dorian Gray d'Albert Lewin n'est peut-être pas le premier long-métrage cinématographique à s'être penché sur le sujet du roman publié en 1890 (trois adaptations furent produites en 1910, 1913 et 1915, et sont respectivement d'origine danoise, américaine et russe), c'est pourtant le premier sur lequel j'ai décidé de me pencher...

Le réalisateur, producteur et scénariste américain y décrit un Londres tantôt aisé, tantôt corrompu. Celui des bas-fond à une époque où sévissait le plus redoutable et le plus célèbre tueur en série de toute l'histoire criminelle mondiale, un certain... Jack l'éventreur. C'est dans ce contexte social parfois élégant mais plus généralement sinistre qu'Albert Lewin restitue assez fidèlement l’œuvre littéraire de l'écrivain irlandais Oscar Wilde, décrivant le bouge dans lequel le héros Dorian Gray se précipite chaque fois qu'il en a l'occasion afin d'y retrouver celle dont il est tombé amoureux la première fois qu'il l'a rencontrée (la chanteuse Sybil Vane interprétée par la toute jeune Angela ''Arabesque'' Lansbury). Quelques temps auparavant, le jeune homme s'est laissé corrompre par les propos de Lord Henry Wotton, ami proche de Basil Hallward, celui-là même qui peint le portrait de Dorian Gray avant de le lui offrir en présent. Alors totalement obsédé à l'idée de vieillir, le jeune homme promettait jusqu'à offrir son âme contre la jeunesse éternelle. Et par on ne sait quel miracle, son vœu est exaucé. Son autoportrait régnant désormais chez lui, c'est ce dernier qui vieillit tandis que Dorian Gray conserve sa jeunesse. Refusant alors d'épouser la belle Sybil Vane après qu'il fut une fois de plus influencé par les propos du Lord Henry Wotton, Dorian apprend que la jeune femme s'est suicidée. Dès lors, l'éternel jeune homme va vivre une véritable existence de paria, suspecté par tous d'être un sinistre personnage. Autour de lui, les morts s'accumulent sans qu'il en soit cependant responsable. Pourtant, autour de lui, certains prédisent que son éternelle jeunesse est en rapport avec la disparition de certains membres de son entourage. Lui qui rêvait de la jeunesse éternelle, Dorian Gray est désormais condamné à vivre dans le secret de ce qu'il croyait être une bénédiction mais qui se révèle être en réalité, une malédiction...

Albert Lewin signe une œuvre remarquable, désenchantée, triste, portrait d'un être qui à la recherche de sa Fontaine de Jouvence s'est perdu dans une existence morne et solitaire, et condamné à vivre seul. Un film bouleversant, tragique... merveilleusement incarné par un Hurd Hatfield en phase avec son personnage. Si le jeu cynique de George Sanders stupéfait, c'est bien l'interprétation de celui qui incarne le rôle-titre qui rend le film si poignant. Une œuvre éminemment romantique, filmée dans un noir et blanc somptueux à peine traversé par quelques rares séquences en Technicolor (en fait, les rares plans du portrait peint par l'artiste). Ce Portrait de Dorian Gray de 1945 est une œuvre majeure parmi les classiques du fantastique du milieu du vingtième siècle. Albert Lewin marque définitivement la conscience du spectateur qui ne peut sortir de cette vision que totalement chamboulé...

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