Cela tombe très bien,
voilà un quart de siècle tout juste que le sujet m'intéresse. Et
pourtant, ça n'est pas à travers le roman d'Oscar Wilde que j'ai
découvert pour la première fois le mythe du portrait de Dorian Gray
mais en découvrant une œuvre pourtant loin d'être scrupuleusement
fidèle à l'original, l'extraordinaire Le
Portrait du Mal
du non moins fascinant écrivain écossais Graham Masterton, auteur
d'une foule de chefs-d’œuvre de la littérature d'épouvante parmi
lesquels on retrouve notamment de nombreux ouvrages consacrés à la
démonologie (Le
Djinn,
La Maison de
Chair, Le Trône de l'Enfer,
Le Miroir de
Satan,
etc...), l'écrivain se penchant parfois sur des thématiques bien
différentes (Rituel
de Chair
et son restaurant proposant des mets délicats préparés à base de
viande humaine). Le Portrait de Dorian Gray
d'Albert Lewin n'est peut-être pas le premier long-métrage
cinématographique à s'être penché sur le sujet du roman publié
en 1890 (trois adaptations furent produites en 1910, 1913 et 1915, et
sont respectivement d'origine danoise, américaine et russe), c'est
pourtant le premier sur lequel j'ai décidé de me pencher...
Le
réalisateur, producteur et scénariste américain y décrit un
Londres tantôt aisé, tantôt corrompu. Celui des bas-fond à une
époque où sévissait le plus redoutable et le plus célèbre tueur
en série de toute l'histoire criminelle mondiale, un certain... Jack
l'éventreur. C'est dans ce contexte social parfois élégant mais
plus généralement sinistre qu'Albert Lewin restitue assez
fidèlement l’œuvre littéraire de l'écrivain irlandais Oscar
Wilde, décrivant le bouge dans lequel le héros Dorian Gray se
précipite chaque fois qu'il en a l'occasion afin d'y retrouver celle
dont il est tombé amoureux la première fois qu'il l'a rencontrée
(la chanteuse Sybil Vane interprétée par la toute jeune Angela
''Arabesque''
Lansbury). Quelques temps auparavant, le jeune homme s'est laissé
corrompre par les propos de Lord Henry Wotton, ami proche de Basil
Hallward, celui-là même qui peint le portrait de Dorian Gray avant
de le lui offrir en présent. Alors totalement obsédé à l'idée de
vieillir, le jeune homme promettait jusqu'à offrir son âme contre
la jeunesse éternelle. Et par on ne sait quel miracle, son vœu est
exaucé. Son autoportrait régnant désormais chez lui, c'est ce
dernier qui vieillit tandis que Dorian Gray conserve sa jeunesse.
Refusant alors d'épouser la belle Sybil Vane après qu'il fut une
fois de plus influencé par les propos du Lord Henry Wotton, Dorian
apprend que la jeune femme s'est suicidée. Dès lors, l'éternel
jeune homme va vivre une véritable existence de paria, suspecté par
tous d'être un sinistre personnage. Autour de lui, les morts
s'accumulent sans qu'il en soit cependant responsable. Pourtant,
autour de lui, certains prédisent que son éternelle jeunesse est en
rapport avec la disparition de certains membres de son entourage. Lui
qui rêvait de la jeunesse éternelle, Dorian Gray est désormais
condamné à vivre dans le secret de ce qu'il croyait être une
bénédiction mais qui se révèle être en réalité, une
malédiction...
Albert
Lewin signe une œuvre remarquable, désenchantée, triste, portrait
d'un être qui à la recherche de sa Fontaine de Jouvence s'est perdu
dans une existence morne et solitaire, et condamné à vivre seul. Un
film bouleversant, tragique... merveilleusement incarné par un Hurd
Hatfield en phase avec son personnage. Si le jeu cynique de George
Sanders stupéfait, c'est bien l'interprétation de celui qui incarne
le rôle-titre qui rend le film si poignant. Une œuvre éminemment
romantique, filmée dans un noir et blanc somptueux à peine traversé
par quelques rares séquences en Technicolor
(en fait, les rares plans du portrait peint par l'artiste). Ce
Portrait de Dorian Gray de
1945 est une œuvre majeure parmi les classiques du fantastique du
milieu du vingtième siècle. Albert Lewin marque définitivement la
conscience du spectateur qui ne peut sortir de cette vision que
totalement chamboulé...
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