Alors que dans notre
réalité, les années soixante furent celles de la révolution
sexuelle, celles de la légalisation de la contraception et de
l'avortement, le cinéaste français Jean-Pierre Mocky semblait, lui,
préoccupé par un tout autre sujet. Un aspect et un comportement
humain qui n'a eu de cesse que de progresser dans des proportions
dramatiques, lobotomisant ainsi les masses en les faisant
intellectuellement régresser. Si à l'époque, la chose pouvait
amuser, La Grande Lessive (!)
que l'on peut aujourd'hui considérer comme une œuvre visionnaire a
laissé la place à une forme de communication autiste, chacun
demeurant chez soit et ne s'adressant à l'autre qu'à travers
diverses technologies (réseaux sociaux, téléphones mobiles, sites
d'hébergement vidéos, etc...). C'est donc à une réalité
alternative que nous conviait Jean-Pierre Mocky. Un monde dans lequel
un professeur de lettres, Armand Saint-Just, et quelques amis acquis
à sa cause allaient oser prendre le taureau par les cornes et
affronter le média télé, monstre tentaculaire et Dieu tout
puissant réunissant déjà à l'époque, plus de paroissiens que
l’Église elle-même. Une France non plus dirigée par un chef
d’État mais hypnotisée par le gourou Jean-Michel Lavalette et par
ses sbires de la police nationale.
Jean-Pierre
Mocky, sous couvert d'une comédie un brin farfelue menée par l'un
de ces vieux professeurs de lettres qui n'existent malheureusement
plus de nos jours (les jeunes profs d'aujourd'hui ont les dents
longues), réalise une satire plus féroce qu'il n'y paraît. Il faut
voir ces couples qui une fois leur journée de travail accomplie se
laissent bercer par la douce mélodie de leur petite lucarne dont les
dimensions à l'époque ne dépassaient pas celles d'une petite
rôtissoire. Tellement obnubilés par de bêtifiantes émissions
diffusées par les deux seules chaînes de l'ORTF se partageant le
monopole des programmes (les deux chaînes abandonneront
respectivement leur place au profit de TF1
et Antenne2
le 6 janvier 1975), qu'ils en oublient jusqu'à l'éducation même de
leur propre progéniture. C'est donc pour combattre ce véritable
cancer, ce fléau contre lequel l'éducation ne peut opposer aucune
arme de défense qu'Armand Saint-Just, le docteur Loupiac et le
professeur de gymnastique Missenard vont bénéficier des talents du
chimiste Benjamin pour brouiller les antennes situées sur les toits
parisiens. Mais pas n'importe lesquelles : au nombre de
quarante, les trois hommes s'attaqueront à celles qui empêchent les
quarante élèves du professeur de lettres d'étudier le soir, à la
maison. Une escapade périlleuse car les trois hommes auront dans
leur sillage les inspecteurs Toilu et Barbic...
Sympathique
mais pas transcendantal, La Grande Lessive (!)
vaut
d'abord pour son message qui cinquante ans avant notre époque
signalait (ou non) sur un mode humoristique, les dangers de la
télévision sur le comportement des téléspectateurs. Qui aurait pu
deviner que les enfants si sages du long-métrage de Jean-Pierre
Mocky allaient laisser place aux zombies ''nouvelle génération''
qui de nos jours passent la tête plongée dans l'écran de leur
smartphone ? Le film vaut également pour la présence de
l'indétrônable Bourvil, de Francis Blanche dans le rôle du Docteur
Loupiac, de Roland Missenard dans celui du prof de gym ou encore du
duo de flics formé par Marcel Pérès et Jean-Claude Rémoleux. À
noter la présence de Michael Lonsdale dans le tout petit rôle de
Monsieur Delaroque et de Jean Poiret dans celui du ''gourou des
ondes'', Jean-Michel Lavalette. La Grande Lessive
(!) reste
plaisant à revoir même s'il a pris un sérieux coup de vieux...
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