Retour sur un Bebel de
qualité mais un Bebel sans doute moins populaire... Parce que moins
fou, moins ''exhibitionniste'', traitant son personnage avec moins de
dérision et d'excès. Cette marque qu'il imprimera par la suite
beaucoup plus couramment, quel que soit son personnage. Le Bebel des
années à venir, passionnant les foules venues se délecter de ses
cascades, de ses gaudrioles, de sa verve théâtrale mais qui dans le
cas qui nous intéresse ici incarne Azad, qui aux côtés de trois
complices (dont la délicieuse Nicole Calfan, au temps de sa jeunesse
et de sa grande beauté) va braquer le domicile d'un riche homme
d'affaire athénien. Nous sommes au tout début des années
soixante-dix et forcément, le matériel employé par Azad, Ralph
(Robert Hossein qui dix ans plus tard campera l'antagoniste
commissaire Rosen dans le superbe Le professionnel
de Georges Lautner) et Renzi (l'acteur italien Renato Salvatori) nous
paraîtra désuet. Certains gestes feront même peut-être tiquer
certains agités du bocal se prenant un peu trop la tête, mais déjà,
cette seule séquence installe un principe qui parcourra le film de
long en large. Ce suspens étirant certaines d'entre elles afin de
maintenir une pression chez le spectateur. Car tout aussi bien
équipée que puisse être notre équipe de cambrioleurs, le destin
ne va pas les ménager. S'introduisant donc dans la demeure d'un
certain monsieur Tasco (l'acteur espagnol José Luis de Vilallonga)
en pleine nuit, un flic (Omar Sharif dans le rôle d'Abel Zacharia)
va passer par là et trouver étrange la présence d'une voiture
garée non pas à l'intérieur de la propriété mais le long du
trottoir. Une situation dont parviendra cependant à se dépêtrer
l'astucieux Azad. Mais les choses allant de paire, une fois l'acte
répréhensible commis, les quatre complices qui s'attendaient à
quitter le pays mallette de bijoux en mains à bord d'un navire dès
le lendemain matin vont malheureusement devoir patienter cinq jours
en ville...
Voici
donc comment nous est présenté Le casse.
Un casting brillant et hétéroclite, un metteur en scène de grande
valeur particulièrement rigoureux, mais aussi et surtout, un Ennio
Morricone à la baguette, signant l'une de ces partitions qui vous
hantent et n'ont pas besoin d'être nommées pour deviner qui se
cache derrière. Plus que des scènes d'anthologie qui se succèdent
(impossible d'oublier l'incroyable course-poursuite en voiture entre
Jean-Paul Belmondo et Omar Sharif dans les rues d'Athènes,
orchestrée par Rémy Julienne et son équipe, et dont la durée
donne encore de nos jours le vertige), le film est un duel entre deux
hommes. On pourrait à nouveau évoquer la confrontation entre le
commandant Josselin Beaumont (Belmondo) et l'effroyable commissaire
Rosen du Professionnel
mais le couple Belmondo/Sharif fait ici des merveilles. Une
œuvre dans laquelle personne n'est ni vraiment mauvais, ni vraiment
bon. Course-poursuite : imaginez que le personnage incarné par
Jean-Paul Belmondo croise à nouveau la route de celui interprété
par Omar Sharif. C'est alors la fuite. Dès qu'il claque la portière
de sa Fiat 124
Special T
rouge, le compteur démarre et c'est alors parti pour neuf minutes et
seize secondes d'un duel dans les rues d'Athènes lors de laquelle le
flic poursuit le voleur de bijoux à bord de son Opel
Rekord A
noire. Si le boulevard qui s'ouvre devant les deux hommes paraît
d'abord avantager leur circulation, il faudra moins de temps qu'il ne
le faut pour le dire pour se rendre compte de la mise en danger de
ceux qui sont au volant et de celle des badauds qu'ils croiseront en
chemin. Une pointe d'humour : Cette procession religieuse dont
les bougies s'éteignent devant le souffle produit par le passage des
deux véhicules. Et que dire de ce spectacle produit par des danseurs
de sirtaki dans un amphithéâtre, lequel se mue alors en une arène
à l'extérieur de laquelle les spectateurs ont déjà oublié ceux
qu'ils étaient venus applaudir au profit des deux bolides fonçant à
toute allure ? Un duel de taule froissée démentiel dont une
question persistera jusqu'à son terme : lequel des deux hommes
en sortira vainqueur ? Le rugissement des moteurs laisse la place à
un silence presque ''assourdissant'' et le polar se mue alors en
western...
C'est
en réalité presque là que débute vraiment Le
casse.
Dont le titre aurait tendance à nous divertir quand la véritable
raison du film est ailleurs. Dans ce face à face entre deux monstres
du cinéma dont les personnages, pour être tout à fait honnête, se
valent très largement d'un point de vue morale. Car on le découvrira
par la suite, raisonner notre cambrioleur ou pire, les envoyer ses
complices et lui derrière les barreaux ne va pas être la priorité
d'Abel Zacharia. Mais chut... ! Les dialogues ont beau avoir
parfois l'air ceux d'un roman de gare et non pas ceux d'une grande
œuvre littéraire (Henri Verneuil s'est chargé lui-même de leur
écriture), la chose ici n'a pas vraiment d'importance. Tout tient en
fait dans le regard et le sourire plein de malice d'Omar Sharif et
dans cette fausse candeur que lui soumet parfois Jean-Paul Belmondo.
On appréciera (ou pas) le message sous-jacent que le réalisateur
s'est amusé à ''graver'' sur pellicule. Ce mépris qu'il semble
avoir pour ces riches notables, hautains et arrogants. C'est
peut-être là, qui sait, que lui est venue l'idée de faire du flic,
ce personnage ambigu et au fond, pas vraiment intègre. Mais
n'oublions pas que le film est tout d'abord l'adaptation du roman
signé de l'écrivain américain David Goodis, The
Burglars.
Notons également que le roman fut déjà adapté sur grand écran en
1957 par le réalisateur américain Paul Wendkos sous son titre
éponyme traduit chez nous sous celui du Cambrioleur.
Bon, après, le film n'est pas dénué de défauts. Comme ces sept
minutes environs, sortant totalement le film de son contexte et
situées entre la rencontre du héros avec un mannequin de charme et
un spectacle de cabaret dont on cherche encore l'intérêt !
Interprété par de grands acteurs et surtout, devrais-je dire, DEUX
grands interprètes, Le casse
est ce que l'on pourrait appeler un ''grand Belmondo''. Ce qu'il est
au demeurant. Mais tellement davantage encore...
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