Les dystopies n'étant
pas légions sur le territoire cinématographique français, il est
semble-t-il de bon ton de s'y arrêter un instant lorsqu'un
réalisateur a la bonne idée de se pencher sur ce sous-genre de la
science-fiction passionnant offrant une vision généralement
angoissante de notre avenir. Il y a dans L'été nucléaire
de Gaël Lépingle comme le pressentiment d'un avenir tout sauf
radieux. Une œuvre qui, si elle sonne comme ces dizaines de
longs-métrages opportunistes qui furent produits durant ou après la
pandémie de Covid-19,
est pourtant antérieure à ce qui retint l'attention de notre
gouvernement, des médias et du public durant plus de deux ans. Un
film qui paraît à priori se rapprocher de l'excellente surprise que
fut le 2021 du
suisse Cyril Delachaux, son premier, réalisé, écrit et interprété
par ses soins. Avec un budget se montant à quatre-vingt milles
francs suisses (soit environ quatre-vingt quatre milles euros), le
film se montrait brillant et anxiogène. À priori, L'été
nucléaire
ne semble tout d'abord pas avoir coûté beaucoup plus cher. Encore
faut-il avoir payé les acteurs qui passent ici de l'unique
personnage à la poignée de potes qui à la suite d'un accident
survenu dans une centrale nucléaire vont être contraints de se
réfugier à l'intérieur d'une ferme. Parmi eux, l'actrice Carmen
Kassovitz, fille du réalisateur, acteur et... complotiste (ce qu'il
peut m'agacer celui-là!) Mathieu Kassovitz qu'il eu avec Julie
Mauduech, Shaïn Boumedine que l'on a pu récemment voir dans Placés
de Nessim Chikhaoui ou le plus connu d'entre tous, l'acteur Dominique
Thomas qui depuis près de quarante ans vogue entre théâtre,
télévision et cinéma (Élisa
de Jean Becker en 1995, Le Placard de
Francis Veber en 2001 ou L'Immortel de
Richard Berry en 2010)...
A
une époque où la France prévoyait la fermeture de quatorze
réacteurs nucléaires d'ici 2035, le film pouvait s'observer comme
un objet de propagande pro-dénucléarisation ! C'est du moins
l'impression que semble avoir donné le film auprès d'une partie du
public, rageant devant l'ambition d'un projet cinématographique qui
n'était peut-être au fond qu'un pur produit de militantisme visant
à corrompre les esprits encore réfractaires à l'idée de
démanteler les centrales nucléaires ! L'été
nucléaire
ne nous indique tout d'abord rien sur les origines territoriales de
nos cinq ''héros'', jetés au beau milieu d'un champ situé non loin
de Nogent-sur-Seine. Mais à moins que le ''parler-racaille'' se soit
étendu jusque dans nos vertes contrées, il est probable que l'un ou
plusieurs d'entre eux proviennent d'un milieu nettement plus urbain !
Ces cités faites de béton que le film a l'excellente idée de nous
épargner. Ce qui paraît paradoxal, d'ailleurs, est ce vent frais,
ces espaces verdoyants qui donnent envie d'y déployer ses voies
respiratoires alors que l'on sait le danger qui vient de s'y
déclarer. Cet ennemi invisible, sournois, qui tue silencieusement à
court, moyen ou long terme : les radiations ! Sujet
passionnant qui fut notamment à l'origine de l'excellent
documentaire La bataille de Tchernobyl
de Thomas Jonhson en 2006 ou de la formidable mini-série Chernobyl
de Johan Renck en 2019. Une fiction et un documentaire inspirés tout
deux par le drame bien réel de la catastrophe qui survint le 26
avril 1986 à la centrale nucléaire soviétique Lénine de Prypiat.
Dans le cas de L'été nucléaire,
fort heureusement, il ne s'agit que d'un récit fictif. Et pourtant,
Gaël Lépingle ayant lui-même vécu dans sa jeunesse près de la
centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, les questions se bousculent dans
son esprit après avoir tout d'abord passé une enfance tranquille,
sans questionnement quant aux risques éventuels liés à une
catastrophe...
Contrairement
à la vague de science-fiction dystopique à caractère
post-apocalytique qui devait notamment s'abattre sur l'Italie et les
États-Unis dans le courant des années soixante-dix/quatre-vingt,
L'été nucléaire ressemble
davantage à une œuvre auteurisante dans laquelle le réalisateur
donne la parole à de jeunes acteurs majoritairement inexpérimentés.
On sent ainsi pointer dans l'approche de Gaël Lépingle son
''passé'' de documentariste. Son œuvre aborde non seulement la
question d'une éventuelle catastrophe liée à un accident nucléaire
mais aussi celle du confinement qui, fruit du hasard, s'abattra sur
notre pays peu de temps après. Tourné à la pellicule, on a parfois
l'impression d'assister à un cours éducatif sur la manière dont on
doit se comporter en cas de catastrophe. Encore plus infantilisant
que ne le furent les conseils prodigués à longueur de journées par
nos médias et nos politiques de santé, les messages diffusés en
boucle à la télévision ont la naïveté de ceux auxquels,
adolescents, nous pouvions assister en cours de biologie. Naïfs et
donc relativement désuets! Le spectateur se positionne tout comme
les personnages en tant qu'observateur d'une situation qu'il ne
contrôle pas. Heureusement que les médias relèguent d'ailleurs en
permanence les informations vu que les activités de nos cinq
adolescents se montrent relativement restreintes. Maladroitement, le
réalisateur tente d'ajouter une pincée de sel à un récit plutôt
fade qui fait alors appel à l'angoisse de certains de ses
personnages. Claustrophobie, anxiété, coups de sang... Le film est
surtout sauvé par une ambiance parfois intrigante. Les plans
extérieurs, vides, agrémentés par la menace prochaine d'un nuage
contaminé et par une bande musicale signée du compositeur Thibaut
Vuillermet plutôt discrète demeurent encore les aspects les plus
intéressants du long-métrage. Le fait est que le film se mord la
queue en enfermant ses protagonistes et aurait sans doute gagné en
intensité si le script les avait davantage plongé au cœur de son
village totalement vidé de ses habitants plutôt que de nous imposer
de longues séquences de confinement sans trop d'intérêt...
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