Comme l'annonce le
réalisateur belge Jean-Jacques Rousseau qui s'est lui-même
autoproclamé cinéaste de l'absurde, les spectateurs se doivent de
faire attention lors du visionnage de Irkutz 88. En
effet, s'agissant d'une œuvre expérimentale assez particulière,
l’œuvre du cinéaste indépendant, auteur de plus de quarante
films, peut avoir des répercussions violentes chez certaines
personnes.
Forcément, une fois le
message passé et les treize minutes restantes d'un court-métrage en
comptant au total un peu moins de vingt et une écoulées, on a
surtout très envie de sourire devant une œuvre sur laquelle son
auteur insiste pour nous faire comprendre que sa réalisation est à
caractère expérimental et non commercial, tous ceux qui y ont
participé l'ayant fait sans avoir été rémunérés. On peut déjà
soupirer à l'idée que personne n'a touché de cachet quand on voit
combien le résultat est navrant, mais au fond aussi, assez touchant.
Avec une économie de moyens inégalée, Jean-Jacques Rousseau
délivre un message quelque peu naïf en resserrant son intrigue sur
quelques-uns des événements historiques les plus tragiques de notre
histoire.
Un soldat de l'armée SS,
né au goulag 16, créé génétiquement par son propre père à
l'aide d'un maelstrom de spermes congelés en 1945 (dans le
texte) avant d'être fait prisonnier par les russes. Voici donc le
héros de ce récit totalement borderline, relevant ses manches et
plongeant les mains dans un bain de liquide amniotique dans lequel
flotte un nourrisson (en fait, une poupée en plastique). Le projet
de ce savant fou : injecter son propre sang dans le corps
d'autres individus (tel le nourrisson) afin d'en faire des êtres
génétiquement supérieurs. Des surhommes.
Les acteurs jouent mal.
Quant à l'unique actrice, elle sourit même durant la prise. Et
comme Jean-Jacques Rousseau est en manque de personnel féminin, la
seule parade qu'il a trouvé est d'affublé l'un de ses interprètes
mâles d'une perruque. L'effet est très amusant, voire grotesque. Un
peu comme ce type qui a côté gesticule de manière un peu ridicule.
L'art du grand n'importe quoi prend ici une tournure inédite.
Jean-Jacques Rousseau a bien raison de s'autoproclamer cinéaste de
l'absurde car il l'est sans conteste.
Tourné en 2004, Irkutz
88
se sert du cadre désolant d'une centrale nucléaire désaffectée
(l'ombre de la catastrophe de Tchernobyl survenue en 1986 planant au
dessus du sujet) pour nous abreuver de scènes et de cartons
d'intertitres dont la logique ne peut être assimilée que si l'on
est soit même doté du même processeur et des mêmes barrettes de
mémoires que le belge lui-même. Voix-off en langue française avec
un fort accent belge, on entend parfois des bribes de conversation en
langue russe sans que Rousseau n'estime qu'il soit nécessaire de les
traduire. D'une manière générale, c'est son œuvre toute entière
qu'il faudrait traduire pour saisir le ou les messages que le
cinéaste tente de transmettre... ou pas d'ailleurs puisque l'on se
demande parfois dans quelle mesure Irkutz 88
aurait
été tourné dans le seul but de satisfaire le besoin personnel de
son auteur.
Apparemment,
ses acteurs, tous amateurs comme il se doit, font partie d'un petit
cercle d'amis fidèles au cinéaste et parmi lesquels on reconnaîtra
le fameux entarteur belge Noël Gaudin. Produit par Belfilm
(association fondée en 1989 par Pazul Geens), celle-ci gère les
droits d’œuvre originaires de Belgique et s'occupe de distribuer
ces dernières dans les salles de cinéma ainsi qu'à la télévision.
Irkutz 88 est
à n'en pas douter à ranger dans la section Z du septième art et
demeure, de part sa rareté, une véritable curiosité pour tous les
amateurs de films produits en marge des circuits traditionnels. Difficile de lui donner une note cohérente, donc.
Jean-Jacques Rousseau qui s'enorgueillissait de tourner des films à
micro-budgets qui ne dépassaient jamais les deux-mille cinq-cent
euros s'est éteint le 5 novembre 2014 à presque soixante-huit ans...
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