Poussés par
l'irrépressible envie de nous dégourdir les jambes, épuisés par
des séances de No Life
justifiées par un froid et par un vent de plus de cent
kilomètres/heure, c'est motivés que nous avons décidé hier matin
de nous offrir une séance de cinéma. C'est sous l'impulsion d'Anna
qu'elle et moi avons opté pour le dernier long-métrage du cinéaste
français Louis-Julien Petit qui après Discount et
Carole Matthieu
semble confirmer sa vision d'un cinéma dit « social »
s'ouvrant sur le quotidien des petites gens dont les derniers
auxquels il a choisit d'offrir la parole incarnent à merveille ceux
que l'on dit invisibles. Parce qu''elles incarnent tout ce que leurs
congénères redoutent un jour de devenir, les héroïnes des
Invisibles
revêtent une forme d'honorabilité et de pudeur que l'on avait
peut-être trop tendance à oublier. Derrière l'image de ces laissées
pour compte trop souvent décrites comme des êtres sales et
malodorants, l’œuvre de Louis-julien Petit est tout d'abord un
très bel hommage à ces femmes qui comme l’héroïne incarnée par
l'actrice Audrey Lamy sacrifient jusqu'à leur propre existence pour
sauver celle d'âmes en perdition. Aux côtés de la formidable
Corinne Masiero, qui connaît bien le sujet pour avoir connu la rue,
la drogue et la prostitution avant de devenir actrice, ainsi que
Noémie Lvovsky, la sœur d'Alexandra Lamy interprète l'une de ces
femmes qui consacrent au quotidien une part immense de leur temps aux
autres. A ces femmes marginalisées, sans emplois, sans toit et
généralement oubliées de leurs concitoyens.
Et
ces femmes justement, qui plutôt que d'être incarnées par des
actrices grimées sont interprétées par de véritables Sans
Domiciles Fixes que le cinéaste met en lumière de manière aussi
généreuse qu'authentique. Si hier encore, la plupart d'entre nous
seraient sans doute passés devant elles en feignant de ne pas avoir
remarqué leur présence, aujourd'hui, et pas seulement grâce à
Louis-julien Petit mais d'abord à ces « Invisibles »
dont
la présence à l'écran submerge le spectateur d'émotion, sans
doute aurons-nous un regard différent pour ces femmes, mais aussi
ces hommes qui vivent dans la rue. Jamais larmoyant, et pourtant
parfois terriblement éprouvant, Les Invisibles
est un modèle du genre qui évite de culpabiliser le spectateur. Le
film dresse tout d'abord un état des lieux de la condition de ces
femmes face à une administration aussi lente qu'inefficace. Après
que la décision de fermer le centre d'accueil de jour pour femmes
SDF « L'Envol »
ait été prise, celles qui se démènent pour aider les autres
prennent une décision radicale : désormais, et ce, dans le
plus grand secret, ce dernier les accueillera également de nuit.
Maintenant qu'il ne reste plus que trois mois avant que la justice
intervienne, Audrey, Manu et Hélène vont tout tenter pour réinsérer
dans la vie active une quinzaine de femmes que la société à choisi
d'abandonner.
Louis-Julien
Petit, plutôt que d'opter pour un misérabilisme un peu trop facile,
choisit de traiter son sujet sous la forme d'une comédie dramatique.
Si Les Invisibles
est souvent l'occasion de
grands moments d'émotion, le cinéaste n'oublie cependant pas d'y
injecter une forte dose d'humour qui dans ce contexte tragique fait
beaucoup de bien. Non seulement aux spectateurs, mais également à
ces femmes qui sans le soutien de cette « famille »
improvisée ne
parviendraient sans doute jamais à se sortir de la merde dans
laquelle elles vivent depuis des années. Marquées par la rue, le
froid, l'alcool, la drogue et parfois la prostitution, le visage de
ces SDF à lui seul évoque les épreuves qu'elles ont enduré. Mais
heureusement, Les
Invisibles change
de ton en permanence. Après avoir beaucoup ri à l'évocation des
surnoms pris par chacun d'entre elles (je vous laisse la surprise de
les découvrir), on est bouleversé de les voir ensuite chassées à
cinq heures du matin et dans le froid du camp de fortune où elles
tentaient jusqu'ici de survivre. L’œuvre de Louis-Julien Petit est
un ping-pong d'émotions admirablement incarné par cet épatant
mélange d'actrices professionnelles et d'anonymes extraites du
trottoir le temps d'un hommage. Nous ne sommes pas prêts d'oublier
Adolpha Van Meerhaeghe, Marianne Garcia, Marie-Christine Descheemaker
et leurs compagnes. Louis-Julien Petit réalise une œuvre d'une
grande humanité qui permet d'aborder ces femmes sous un angle
nouveau, loin de l'indifférence et de la mythologie crasse qu'elles
inspirent en général. Un film beau, drôle, et émouvant. Une très
belle expérience de cinéma...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire