Le réalisateur italien
Marco Ferreri a déjà atteint les quarante ans et a déjà derrière
lui huit longs-métrages (si l'on ne tient pas compte de ses diverses
participations à des films à sketchs) lorsque sort Dillinger
è morto (Dillinger est mort).
Dans la série des OFNIs,
celui-ci en tient une sacrée couche. L'évocation du gangster
américain John Dillinger ne dépassant pas le strict cadre des
médias télévisuels et de la presse papier (le personnage principal
interprété par Michel Piccoli découvrant dans l'un des meubles de
sa cuisine un revolver protégé par la double page d'un quotidien
annonçant la mort du truand), le film tourne autour de Glauco, un
dessinateur industriel qui participe à l'élaboration de masques à
gaz ! Marié à Sabine dans le rôle (et sous les draps) de
laquelle se glisse l'actrice italo-allemande Anita Pallenberg, notre
bonhomme côtoiera également Annie Girardot dans le rôle de la
domestique, Ginette. Dillinger è morto
participe de l'élaboration d'un mythe. Celui de son auteur qui une
poignée d'années plus tard fera scandale avec La
grande bouffe
et ses quatre amis se suicidant en mangeant ou La
dernière femme
dans lequel Gérard Depardieu finira par se couper le sexe à l'aide
d'un couteau électrique ! Pourtant, dans ce neuvième
long-métrage, pas la moindre trace de provocation. Il intègre pour
la première fois dans un casting l'acteur Michel Piccoli mais pour
la seconde fois Annie Girardot après l'excellent La
donna scimmia
(Le mari de la femme à barbe)
tourné cinq ans auparavant...
Mieux
vaut se garder de visionner Dillinger è morto
un jour de grande fatigue car alors l'assoupissement devrait
logiquement emporter toutes celles et ceux qui n'auront pas
suffisamment dormi la veille. Il faut dire que le grand, l'immense
Marco Ferreri se fiche un peu de notre gueule. Car en effet, monsieur
semble se complaire en produisant ici le minimum syndical et en
laissant faire son principal interprète en n'intervenant surtout pas
lors du tournage. D'où cette absence d'ellipse ou de réel montage,
ce qui donne lieu à une œuvre toute entière consacrée à la
cuisine et au nettoyage d'une arme. Et rien de plus ! Allez donc
savoir quel message a voulu nous transmettre le réalisateur italien
à travers un film qui ne raconte rien de vraiment fondamental dans
l'existence d'un homme. Un long-métrage qui ne raconte rien, ET qui
n'explique pas davantage où se situe l'intérêt d'y voir Michel
Piccoli cuisiner et ainsi ajouter ici un condiment, là un peu
d'huile d'olive. S'il faut se contraindre à apporter sa propre
explication à ce monument du vide, pourquoi pas. Allez, je me lance.
Je n'irai pas jusqu'à évoquer les allégories que d'autres purent
cerner de leur côté au moment de découvrir
Dillinger è morto.
Heureusement, il ne m'aura pas fallut longtemps pour ''comprendre''
peut-être l'objet principal de cette œuvre, il faut le dire, dénuée
de toute tension, de rythme et, oserais-je l'affirmer, d'intérêt.
Car si une explication semble apparaître comme la plus pertinente,
c'est sans aucun doute cette vision d'abandon du couple qu'offre
l'épouse du héros, cloîtrée dans son lit (malade ?
Épuisée?), incapable de nourrir son homme de retour au bercail
autrement qu'à travers les plats peu appétissants préparés par
Ginette, leur employée de maison. Se profile alors peut-être à
l'horizon, une solution des plus radicale...
D'où
cette idée quelque peu saugrenue de se débarrasser de l'épouse
gênante afin de recouvrer la liberté. S'explique peut-être alors
le choix du cinéaste d'opter pour un certain minimalisme visible
dans l'acte de cuisiner ou dans celui de dégripper une arme afin d'y
renforcer peut-être le réalisme. Les pièces du puzzle semblent peu
à peu reprendre leur place d'origine. Comme ces films en Super
8
que projette Glauco, souvenirs d'un passé heureux qui n'a plus lieu
d'être mais dont la projection tient peut-être lieu de réflexion
pour le personnage qui se demande sans doute s'il doit passer à
l'acte ou bien ranger l'arme où il l'a trouvée. Marco Ferrero
semble traiter son sujet avec un certain dédain. Sans direction
d'acteurs ou de réelle mise en scène. Un film où le découpage se
résume à très peu de chose (nous n'assistons pas non plus à un
long plan-séquence de quatre-vingt quinze minutes) et qui peut
épuiser à force de contraindre le spectateur à se poser des
questions quant aux images qu'il est en train de découvrir. Tiens !
Me vient une idée en tête : et si le réalisateur italien
avait tout simplement rêvé d'un Dogme95
en y posant les toutes première fondations vingt-six ans avant même
que les réalisateurs danois Lars von Trier et de Thomas Vinterberg
n'en aient eu ne serait-ce que l'embryon d'une idée ?
Visionnaire Marco Ferreri ? Pas sûr car les films comme
Dillinger è morto
ne courent (mal)heureusement pas les rues. Aussi étonnant
qu'ennuyeux pour ma part...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire