Comme ce grand monsieur
du cinéma d'épouvante et même du cinéma tout court méritait
mieux qu'une simple stèle à son effigie, je reviens donc fort
logiquement sur sa carrière qui depuis mon adolescence
n'a jamais cessé de me poursuivre. Cinémart lui a consacré
plusieurs articles dont la majorité fut consacrée à la saga qui le
fit connaître à travers le monde. C'est grâce à George Romero que
j'ai découvert que le cinéma d'horreur et d'épouvante pouvait
refléter autre chose qu'un simple spectacle grand-guignolesque à
l'attention exclusive des amateurs de gore et de frissons. Le sien,
le cinéaste New-yorkais s'en est servi pour charger presque chacune
de ses œuvres d'un message politique, sociologique ou
environnemental percutant allant à l'encontre de l'image propre et
lisse que pouvaient déjà véhiculer bon nombre de longs-métrages à
l'époque de leur diffusion. George Romero et les morts-vivants est
une vieille histoire qui remonte à près de cinquante ans. Le 1er
octobre 1968, la sortie de The
Night of the Living Dead révolutionne
le genre en faisant du mort-vivant un individu anthropophage (un
'détail' qui deviendra par la suite monnaie courante). Cette
fois-ci, le zombie n'est plus un être victime d'une malédiction ou
d'un empoisonnement le condamnant à errer simplement dans la
campagne environnante mais une créature à la recherche exclusive de
nourriture. De la viande humaine dont il se repaît jusqu'à ronger
sa victime jusqu'à l'os. Le succès du film est phénoménal mais
en raison d'une absence de copyright, The Night of the Living
Dead tombe directement dans le domaine public (n'importe qui
pouvant ainsi l'exploiter d'une manière ou d'une autre sans avoir
recours à la moindre permission). Fort du succès de son premier
long-métrage, on aurait pu supposer que George Romero donnerait une
suite immédiate à son chef-d’œuvre (comme il est coutume de
faire de nos jours) mais non.
Trois ans plus tard, il consacre son
deuxième long-métrage, There's Always Vanilla, au
drame. Puis en 1972, le voilà qu'il revient avec un petit téléfilm
consacré à la sorcellerie, Season of the Witch.
L'année suivante sort The Crazies (que les
distributeurs français ont l'opportunité (et surtout la bêtise) de
traduire chez nous sous le titre La Nuit des Fous Vivants.
Un budget deux fois plus conséquent que celui de son premier film et
qui pourtant offre un résultat à presque similaire. Une œuvre
fauchée, pas toujours très bien interprétée mais, dans un sens,
assez visionnaire de ce à quoi ressemblera le cinéma post-zombies
des années deux-mille puisque l'on y assiste à la première
véritable pandémie cinématographique mettant en scène des
infectés. De ceux que l'on rencontre communément dans le cinéma
d'horreur qui ceux qui se définissent comme les enfants illégitimes
de George Romero. The Crazies ayant toujours fait
figure de brouillon au phénoménal Dawn of the Dead,
il faudra cependant attendre cinq années avant de découvrir sur nos
écrans le second volet de la saga consacrée aux morts-vivants.
Entre temps, George
Romero aura eu le temps de réaliser Martin, un petit
film que beaucoup d'amateurs considèrent alors comme l'un de ses
meilleurs films, et en tout cas, comme une approche du vampirisme
assez personnelle et originale puisque l'on s'éloigne ici très
sensiblement de l'ouvrage de Bram Stoker, Dracula
en ancrant le récit tournant autour de son personnage, un jeune
homme malade, persuadé d'être un vampire, dans un univers urbain et
contemporain.
1978,
soit dix ans après son tout premier long-métrage, George Romero
signe l’œuvre phare de sa filmographie. LE film de zombies par
excellence, ou du moins, l'un des très rares (avec son ancêtre The
Night of the Living Dead
), à servir encore aujourd'hui de source d'inspiration au genre
(qu'il s'agisse de bande-dessinée, de cinéma ou de télévision).
Ici, le cinéaste y laisse s'exprimer tous les obsessions dont il a
déjà émaillé une partie de sa filmographie : on y parle
d'armée, de racisme, de consommation et de médiatisation. A
l'origine, film-fleuve de plus de deux heure-trente, le cinéaste
italien Dario Argento a œuvré ou que Dawn of
the Dead
gagne en puissance et en vélocité là où il perdait en longueurs.
La bande-son est revue et corrigée par l'excellent groupe de rock
progressif italien Goblin (lequel a signé bon nombre de
bandes-originales) et de sévères coupes sont imposées par Dario
Argento. Des coupes nécessaires, surtout si l'on a eu la chance de
comparer les deux versions. A la suite de Zombie, George Romero
tourne Knightriders
(un film de bikers déguisés en chevaliers!!!) puis, en 1982, il
s'attaque à Creepshow.
Une excellente anthologie de courts-métrages horrifiques tous
réalisés par le maître lui-même mais scénarisés par l'écrivain
Stephen King. Constitué d'un prologue et de cinq segments, Creepshow
est un petit chef-d’œuvre d'humour macabre dans lequel on découvre
notamment les acteurs Ed Harris, Ted Danson et Leslie Nielsen, mais
également Stephen King lui-même, ainsi que le maquilleur Tom
Savini, responsable des effets-spéciaux de plusieurs longs-métrages
de Romero dont ceux de Day of the Dead, le prochain volet du cycle
consacré aux morts-vivants. Le film sort en 1985 et donne l'occasion
au cinéaste de se lâcher en terme de critique et à Tom Savini en
terme d'effets-spéciaux. Le spectacle est total. L’œuvre confronte
armée et scientifiques dans une base souterraine commandée d'une
main de fer par l'inflexible Capitaine Henry Rhodes (l'acteur Joseph
Pilato). Pour la première fois, George Romero évoque la possibilité
de dompter les morts grâce à l'étude d'un savant fou effectuée
sur le spécimen nommé Bub. Le sujet relance le thème et le film
demeure parmi l'un des meilleurs de son auteur. En 1988, Romero
réalise Monkey Shines
dont le sujet lui vaudra notamment l'Antenne d'or au festival
d'Avoriaz en 1989. En 1990, George Romero débarque avec Deux Yeux Maléfiques conjointement réalisé avec Dario Argento, une vieille connaissance, chacun réalisant l'un des deux uniques segments constituant le film. Romero retrouve également Stephen King deux ans plus tard en adaptant son excellent ouvrage La Part des Ténèbres. Si le résultat n'est pas à la hauteur du roman dont il s'inspire, le film n'est pas mauvais, loin de là. Bruiser, lui, évoque l'histoire assez étrange d'un individu dont la particularité est de se réveiller un matin sans visage. Le cinéaste introduit ici la notion de perte d'identité et le film réserve quelques bonnes surprises.
Dès
2005, le cinéaste new-yorkais ne semble plus vouloir se consacrer à
autre chose qu'à sa fameuse saga des morts-vivants puisqu'entre 2005
et 2009, il réalisera respectivement, Land of the Dead, Diary of the
Dead, ainsi que Survival of the Dead, la qualité s'en ressentant peu
à peu. En nous quittant le 16 juillet dernier, le grand bonhomme
(par le talent et par la taille) a laissé un immense vide. Un trou
comme diront sans doute certains d'entre nous. Depuis 2010, deux
projets demeurèrent en jachère et avec la mort de leur auteur,
difficile de croire que nous les découvriront un jour. Solitary
Isle,
dans lequel un groupe d'individus échoués sur une île devaient
être confronté à des forces obscures (Allociné).
Puis Diamond Dead,
une comédie musicale matinée d'horreur... R.I.P George. Nous nous
reverrons dans l'Enfer terrestre si bien décrit dans
Dawn of the Dead...
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