Aborder l’œuvre du
cinéaste Peter Greenaway est osé, périlleux et délicat. Quatre
années se sont écoulées depuis son admirable Le Cuisinier,
le Voleur, sa Femme et son Amant lorsque sort The
Baby of Mâcon. Dire que ce film est grandiose,
éblouissant et bouleversant est un euphémisme. D'un point de vue
esthétique, on a rarement vu une œuvre aussi magnifiquement mise en
scène. Décors, costumes, musique et interprétation atteignent un
tel degré de perfection que l'on a presque du mal à croire que cela
puisse être possible.
Plus qu'un film, The
Baby of Mâcon
est une pièce jouée dans un décor aux contours définis par les
limites imposées de la scène sur laquelle est interprété ce drame
authentiquement "gore".
Un
enfant naît d'une femme monstrueuse et malade. Alors que dehors les
récoltes ne donnent plus rien, que les animaux sont devenus
stériles, que les vergers ne produisent rien de bon, que l'eau si
précieuse à la vie s'amenuise, et qu'hommes et femmes sont devenus
stériles, l'arrivée de cette petite créature sonne comme un
renouveau. L'espoir d'un retour à une vie normale dans cette cité
de Mâcon touchée par la maladie. Une jeune femme va pourtant
bouleverser l'ordre établi par quelques-uns en s'appropriant la
maternité de l'enfant. Mère autoproclamée et demeurée pourtant
vierge, la jeune femme va rencontrer de multiples problèmes. En
l’occurrence, elle va devoir échapper aux méfiances d'un jeune
homme, un scientifique qui remet en cause l'idée qu'une vierge est
capable de mettre au monde un enfant.
Sans
en dévoiler plus, The
Baby of Mâcon risque
d'en décontenancer certains. Le traitement qu'inflige Peter
Greenaway n'a rien de neuf pour ceux qui connaissent bien son œuvre
mais pour les autres, le calvaire va peut-être commencer dès les
premières minutes. Déjà, en traitant son film à la manière d'une
pièce de théâtre cependant remarquablement maîtrisée, il
s'écarte des habituels points de vue du cinéma traditionnel. En
filmant de faux plans-séquences dont le montage est pourtant très
aisément identifiable, il met en place un récit extraordinairement
bien réfléchi et préparé. Des centaines de figurants plongés au
cœur d'une intrigues aux multiples ramifications, The
Baby of Mâcon
est une succession de tableaux vivants qui n'ont pas à rougir face à
des œuvres aussi picturalement belles que La
dernière Tentation du Christ de
Martin Scorsese. Le rouge domine, comme pour marquer cette violence
latente qui va exploser vers la fin d'une œuvre parfois presque
insoutenable.
Peter
Greenaway écorche l'image de l’Église en lui soumettant des
propos et des intérêts autrement plus sordides et crapuleux que les
motivations de cette jeune "Putain
de Babylone"
qui veut faire de l'enfant son fond de commerce. On évoque ici la
lutte entre religion et sciences, chacun tirant la couverture à
soit, Peter Greenaway donnant une image plus sombre à la première,
la seconde revêtant le visage pur de l'excellent comédien Ralph
Fiennes.
Le
cinéaste filme avec un talent rare ses principaux comédiens, mais
aussi et surtout ses dizaines, ses centaines de figurants dont on ne
peut s'empêcher parfois de regarder le visage déformé par l'envie,
la soif de posséder. Bouleversant est le film du cinéaste
britannique. Une fois le principe accepté, on ne peut plus détacher
son regard de cette très éprouvante pellicule, magnifiquement mise
en scène, et qui marque les esprits durablement. The
Baby of Mâcon est
effectivement gore. Mais pas dans le sens dans lequel on a l'habitude
de l'entendre. D'une violence parfois inouïe, des séquences
entières (et même avouons-le, le film dans sa totalité), maculent
l’œuvre d'un sentiment proche du dégoût. Le film fascine, donne
une image intéressante et peu glorieuse de ceux qui représentent
l’Église et l’État. Peter Greenaway en profite pour forcer la
caricature de ces hauts dignitaires poudrés, se reluquant durant des
heures dans leur miroir et presque totalement détachés des
événements terrifiants qui découlent de ce désir qu'à chacun de
posséder une relique vestimentaire (et même au delà) de l'enfant.
C'est
définitivement une certitude : aborder l’œuvre de Peter
Greenaway est osé, périlleux et délicat. On voudrait tant en dire
et en même temps, ne pas trop livrer d'information pour que ceux qui
un jour auraient le privilège de la découvrir ne soient pas
spoliés. Trouver les mots justes, exprimer par l'écrit ce
tourbillon d'émotions ressenties, les unes balayant les autres à
une allure fulgurante. Croyez-le si vous le voulez, The
Baby of Mâcon est
l'une des quelques œuvres AU-THEN-TI-QUE-MENT et TO-TA-LE-MENT
indispensables qu'il faut absolument avoir vu. The
Baby of Mâcon,
alors, ne demeure plus seulement un film mais devient vite une véritable
passion...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire