Dans sa volonté de
vouloir tout régenter, l'homme oublie parfois que nos instincts les
plus vils ou les plus primaires sont impossibles à effacer et qu'à
un moment ou un autre, ils reviennent à la charge. Premier
long-métrage du cinéaste français Michel Gondry dont on retrouve
notamment la patte visuelle chère à certains clips qu'il réalisa
pour la chanteuse islandaise Björk, Human Nature
est une comédie qui semble parfois si légère que l'on en
oublierait presque le message profond qu'il adresse au public et par
là même, à l'humanité. Il y a deux, et sans doute davantage de
façons d'aborder Human Nature.
Un peu comme si le récit de cet homme des bois contraint par un
scientifique névrosé d'apprendre les bonnes manière était
remplacé par le thème récurent des extraterrestres. S'agissant de
ces derniers, ceux qui nient leur probable existence ont un ego tel
qu'ils ne peuvent concevoir une intelligence supérieure à la leur.
Nathan (excellent Tim Robbins) est sans doute sympathique, excusable
vu son passé d'enfant victime d'une éducation rigoriste
(administrée par ses parents, interprétés par Mary Kay Place et
Robert Foster), voire touchant dans son apparente naïveté, il
n'empêche qu'il représente justement celui qui s'érige en dieu en
réorganisant l'existence de cet homme-singe découvert dans les bois
(Rhys Ifans). En façonnant Puff à son image, sans doute
exorcise-t-il sa propre existence ?
Mais
Human Nature
ne repose pas seulement sur cet affligeant constat. Il narre
également le récit d'une histoire d'amour bancale entre le
scientifique et Lila Jute (Patricia Arquette), une jeune femme
atteinte de hirsutisme. Une anomalie génétique qui voit son corps
se recouvrir d'une abondante pilosité surgissant sur des parties
inappropriées au corps féminin. Complexée et désespérée de ne
pouvoir connaître l'amour, son amie Louise, esthéticienne chargée
de lui ôter ses poils abondants et disgracieux lui parle de Nathan.
Myope comme une taupe, timide et complexé par un pénis de toute
petite taille, il semble être le candidat idéal pour Lila. Si
l'amour naît entre ces deux individus, il est rapidement contrarié
lorsque la chaude assistante de Nathan lui avoue qu'elle l'aime et
surtout, lorsque le scientifique découvre que Lila se rase le corps
tout entier chaque soir dans la salle de bain avant de le rejoindre
dans leur lit. Human Nature
aborde dans le cas présent, le rejet de la différence chez l'autre
et rejoint directement la thématique de l'homme-singe dont on essaie
d'ôter la nature profonde pour en faire une image présentable
devant la société...
Avec
cette poésie visuelle qui caractérise son œuvre, Michel Gondry ne
réalise peut-être pas là son meilleur film (Eternal
Sunshine of a Spotless Mind
demeurant
indétrônable) mais propose une histoire formidable, qui ne donne
jamais vraiment de leçon tout en essayant par l'humour décalé
d'ouvrir les consciences. S'il y a peu de chance que Human
Nature y
soit parvenu auprès d'une partie d'entre nous, ce premier
long-métrage reposant sur l'excellent scénario de Charlie Kaufman
demeure une expérience enrichissante qui jouit de la présence de
Tim Robbins, du britannique Rhys Ifans et de Patricia Arquette qui
sans mauvais jeu de mots, accepte littéralement de se mettre à
poils devant la caméra. Brouillon relativement chaud de la passion
que semblaient partager le scientifique et la secrétaire de Eternal
Sunshine of a Spotless Mind,
celle qu'entretiennent Nathan et Gabrielle (Miranda Otto) fait monter
la température d'un cran tandis que l'attitude parfois inappropriée
de Puff prête à rire. Sur fond de comédie décalée, Michel Gondry
propose une œuvre originale, ponctuée de messages plus ou moins
subliminaux et de séquences surréalistes évoquant parfois (mais
heureusement, très rarement) l'univers Disney (l'atroce séquence
chantée en témoigne). Un joli conte qui repose avec délicatesse
sur une charge contre l'Homme s'érigeant en roi de la nature. Et
comment ne pas craquer devant ces deux excellents interprètes que
j'allais oublier de citer ? Ces deux adorables souris qui
ferment le livre de ce conte fantaisiste...?
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