Pour sa première
incartade dans les salles de cinéma en tant que réalisateur, on ne
peut pas dire que le premier des soucis de Panos Cosmatos fut de se
soucier du confort des spectateurs qui allaient assister à une
première œuvre s'éloignant très largement des carcans habituellement
projetés sur grand écran par son père George Cosmatos, célèbre
pour avoir notamment réalisé Le Pont de Cassandra,
Rambo 2,
Cobra,
ou encore Tombstone.
Le fiston choisit donc dès l'année 2010 de prendre le contre-pied
de son géniteur avec un Beyond The Black Rainbow
carrément expérimental. Un récit new-age et psychédélique dominé
par des teintes tantôt incommodantes, tantôt rassurantes. Comme un
retour dans le ventre de la mère. Dans ce liquide amniotique
nourricier contrebalancé par des bleus bien plus chaleureux que ne
le seront jamais les rouges accueillant effectivement le malaise des
spectateurs peu habitués à ce genre d'expression artistique
hermétique. Ici, tout n'est que langueur. Les caméras se baladent
dans un complexe anxiogène que n'aurait sans doute pas renié en un
temps désormais révolu le génial David Cronenberg. D'ailleurs, au
sujet de celui-ci, comment ne pas faire de rapprochement entre
l'héroïne Elena (l'actrice Eva Bourne), cette gamine contrainte de
rester enfermée dans ce complexe que l'on définit tout d'abord
comme principalement hospitalier, avec les 'Scanners'
du long-métrage éponyme que réalisa le cinéaste canadien au tout
début des années quatre-vingt ?
Si
au départ, on prend fait et cause pour cet étrange docteur qui
veille à maintenir un contrôle sur la gamine grâce à un étrange
appareil prismatique lumineux de forme triangulaire, peu à peu, le doute s'installe quant
aux réelles intentions de cet individu au visage anguleux fort
impressionnant (Michael Rogers). Peu à peu, le cinéaste Panos
Cosmatos découvre le véritable visage de Barry Nyle, le disciple du
fondateur de l'institut Arboria.
Un être pervers qui renvoie alors directement aux faits-divers
sordides qui de temps en temps nous rappellent qu'il existe des
prédateurs qui enlèvent des enfants et les enferment dans leur
cave pour de nombreuses années.
Visuellement,
Beyond The Black Rainbow
est une œuvre d'art. Là dessus, aucun doute. Panos Cosmatos
s’évertue à homogénéiser l'ensemble et y parvient tout à fait.
Les monochromes dominent la quasi totalité des séquences,
lesquelles sont accompagnées par les troublantes compositions
analogiques de Sinoia Caves. Impossible de parler de son premier film
sans évoquer les quelques longs-métrages auxquels il semble faire
référence. Si très officiellement Panos Cosmatos reconnaît avoir
été inspiré par les Manhunter
et The Keep (La
Forteresse Noire)
de Michael Mann et si la photographe Norm Li évoque de son côté le
Dark Star de
John Carpenter, le Suspiria
de Dario Argento ou le THX 1138
de George Lucas, on pourra également comparer Beyond
The Black Rainbow
au chef-d’œuvre de Gaspar Noé, Enter the
Void.
Toutes proportions gardées car en dehors d'une esthétique qui
renvoie très nettement aux années quatre-vingt, et même parfois à
la décennie qui les précéda, Beyond The Black
Rainbow
pêche malheureusement par un scénario qui demeure finalement assez
faible. Car au sortir de la projection, il paraît évident que le
cinéaste n'a fait qu'appliquer au scénario qu'il a écrit de ses
propres mains, des monologues énigmatiques ne servant que la forme
et laissant de côté le fond qui ne demeure alors plus qu'une simple
histoire opposant un dingue à la jeune fille qu'il a kidnappée.
Pourtant, on louera cette tentative inédite. Cette forme qui
justement évite à Beyond The Black Rainbow
de n'être qu'un objet d'usage cinématographique courant. Si
l'exercice n'est pas aussi brillant que celui de Gaspar Noé,
l'expérience vaut d'être vécue. L'acteur Michael Rogers s'y pose
en scientifique-psychopathe parfois vraiment flippant. Une œuvre
qu'aurait finalement pu réaliser lui-même en son temps l'auteur du
très curieux God Told Me To,
Larry Cohen...
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