Quand la culpabilité
ronge un homme jusqu'à l'os, il arrive parfois qu'il bâtisse un mur
autour de sa conscience pour tenter d'oublier, ou du moins de nier,
la réalité. C'est très certainement ce qui arrive au personnage
central de Possum
qui traîne derrière lui un lourd passé. Un individu hanté par un
drame, et même plusieurs si l'on y ajoute les quelques éléments
qui laissent supposer qu'il ne fut pas étranger à la tragique
disparition de ses parents lors d'un incendie. Vivant dans une maison
sordide en compagnie de son oncle Maurice, Philip est dérangé. Du
bulbe, s'entend. Parcourant les terres désolées de son enfance
alors qu'il est de retour dans la région, cet ancien marionnettiste
affublé d'une créature qu'il conserve précieusement enfermée dans
un curieux bagage éprouve toutes les difficultés du monde à
exprimer ses sentiments. Alors que les médias retransmettent en
continu des informations relatant la disparition d'un gamin de
l'ancienne école où Philip était élève, les soupçons se portent
très rapidement sur lui, d'autant plus qu'il y rode très
régulièrement...
Pour
son premier long-métrage, on ne peut pas dire que l'acteur,
scénariste et réalisateur britannique Matthew Holness ait facilité
la tâche des spectateurs qui se retrouvent donc plongés dans un
univers particulièrement sombre, pessimiste et autiste. C'est de
patience et de courage qu'il faudra que ce dernier s'arme pour
dénouer une intrigue parfois complexe, parsemant des éléments
nonsensiques, troubles, et aux confins d'une horreur psychologique
dénuée de toute séquence baignant dans une quelconque mare de
sang. Ici, le réalisateur s'intéresse de très près à la psyché
de son principal personnage, divinement interprété par un Sean
Harris déjà coutumier du cinéma d'horreur puisqu'on le découvrit
notamment au début des années 2000 dans les dérangeants Creep
de Christopher Smith et Isolation
de Billy O'Brien. Dans Possum
(qui signifie chez nous opossum, un mammifère marsupial d'Amérique),
le cinéaste tente avec une certaine réussite de montrer quelle
forme peut prendre l'existence d'un homme qui confronté dès son
plus jeune âge à l'horreur absolue, en a gardé des séquelles
extrêmement profondes. Le sujet tournant autour de l'opossum et
servant de litanie, tout comme cette marionnette en forme d'araignée
à tête humaine vraiment inquiétante forment une symbolique que
Matthew Holness cultive jusqu'aux derniers instants de ce conte cruel
et macabre tiré de sa propre nouvelle éponyme à l'origine écrite
pour l'anthologie The
New Uncanny : Tales of Unease.
A
l'origine, la nouvelle et le film qu'a donc réalisé lui-même
Matthew Holness reposent sur les théories de l'étranglement de
Sigmund Freud. Le spectateur pourra quant à lui y déceler un
certain nombre de signes rattachés à ses propres angoisses. Comme
cette araignée qui d'une certaine façon représente la mère que le
héros a perdu dans un incendie, ou bien cette idée préconçue
assez rapidement qui voudrait que la valise que porte en permanence
Philip ne contienne pas une marionnette mais bien le corps du jeune
disparu...
Matthew
Holness développe une intrigue sournoise, jouant avec les certitudes
du spectateur. En cela, son œuvre rejoint celle toute aussi
dérangeante et réaliste du réalisateur américain Lodge Kerrigan
qui signait en 1995 un Clean, Shaven
redoutablement
étouffant. Mise en scène sobre, mais alambiquée, visuels
régulièrement proches de l'Œuvre Picturale, bande-son remarquable
composée par différents membres du Radiophonic
Workshop de
la BBC (créée en 1958 par Daphne Oram e Desmond Briscoe), et
surtout, oui, surtout, incroyable performance de Sean Harris,
totalement ''habité'' dans le rôle de Philip, et de Alun Armstrong
dans celui de Maurice. A ranger aux côtés de Clean,
Shaven,
de Crazy Murder
de Doug Gerber et Caleb Pennypacker., et de toute autre plongée dans
la psyché d'individus intellectuellement perturbés...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire