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samedi 20 avril 2019

Teorema de Pier paolo Pasolini (1968) - ★★★★★★★☆☆☆



Considéré par beaucoup comme LE chef-d’œuvre du poète et cinéaste italien Pier Paolo Pasolini, Teorema est beau et étrange à la fois. Adapté de l'ouvrage éponyme écrit par le cinéaste lui-même publié l'année de sortie du long-métrage, ce dernier est d'abord accusé d’obscénité par un avocat de Rome qui tente de le faire saisir par un juge qui le considère au contraire comme une œuvre d'art idéologique et mystique. Lorsque l'on connaît Pier Paolo Pasolini, l'idéologie transparaît effectivement très couramment. Quant au mysticisme qu'évoquait alors le juge lors du procès, il prend ici la forme du Visiteur, cet inconnu qui s'impose tout d'abord dans une famille bourgeoise pour devenir ensuite indispensable, prodiguant tel un esprit saint guérison et bien-être aux membre d'une famille détachés les uns des autres (le cinéaste italien les révèle effectivement à tour de rôle, ne les réunissant véritablement qu'au moment venu où le Visiteur à choisit de les quitter...).

Pier Paolo Pasolini fait souvent l'économie des dialogues pour laisser parler les images lors de séquences parfois curieusement montées et qui laissent ainsi s'exprimer l'emprise du Voyageur (le troublant acteur britannique Terence Stamp) sur ses hotes, et l'attirance qu'éprouvent à son égard les membres de cette famille bourgeoise constituée du père Paolo (Massimo Girotti), la mère Lucia (Silvana Mangano), de la fille Odetta (Anne Wiazmsky), et du fils Pietro (Andrés José Cruz). La bonne elle-même, incarnée par l'actrice italienne Laura Betti (qui tournera notamment auprès de Sergio Corbucci, André Téchiné, Bernardo Bertolucci ou encore Jacques Deray et Agnès Varda) tombera sous le charme de cet étranger venu apposer ses mains sur les maux d'une famille rigide et silencieuse qui sous son influence va laisser s'exprimer ses désirs profonds. On imagine aisément ce que dû ressentir l'avocat qui tenta de mettre à mal l'oeuvre de Pier Paolo Pasolini lorsqu'il découvrit sans doute quelques années plus tard son sulfureux Salò ou les 120 Journées de Sodome, car à côté de cet objet cinématographique parfois outrancier, Teorema fait œuvre de simplicité dans son traitement.

Nous sommes en 1968 et Pier Paolo Pasolini ne transgresse pas encore tous les tabous. Et lorsqu'il lui prend l'envie d'en franchir certaines limites, le cinéaste le fait avec un luxe de précautions. Teorema, outre une introduction exposant les ouvriers d'une entreprise face aux questions de reporters sur le thème de la bourgeoisie, se dote de deux actes bien distincts. Le premier révèle la présence impromptue et inexpliquée d'un jeune homme séduisant chaque membre d'une même famille, se rendant tout à fait indispensable, et possédant des capacités hors du commun (il soigne par simple apposition des mains, la maladie de Paolo, le père, cloué jusque là sur son lit ou dans un fauteuil roulant). La présence du Visiteur exalte littéralement tous ceux qu'il approche, les révélant, leur donnant une conception de leur existence qu'ils semblaient renier jusqu'à maintenant. Qu'il s'agisse de la fille, terriblement timide, de la mère réprimée sexuellement, du fils perclus de doutes ou de la bonne, une pieuse femme, chacun se transforme à son contact. Mais son départ va avoir des conséquences dramatiques ou inattendues sur chaque membre de la famille... si certains parviendront à s'élever, d'autres, malheureusement, s'effondreront...

D'une certaine manière, le cinéaste italien offre l'opportunité à ses personnages d'ouvrir enfin les yeux sur le monde réel et non plus celui que délimitent les contours de leur propriété à travers un acte sacré perpétré par un individu se posant en un Christ révélateur des pulsions cachées et inassouvies de ses hôtes (sexuellement frustrée, la mère multipliera les aventures sexuelles avec de jeunes prétendants, alors que ces séquences semblent d'abord signifier sa volonté de retrouver l'ivresse qu'elle connut au contact du Visiteur). Si dans le fond, le sujet de Teorema est passionnant, dans la forme, Pier Paolo Pasolini approche son œuvre sous forme d'abstraction. Tout y est nimbé d'un soupçon d'imaginaire où la religion prend une importance considérable (de retour chez les siens, la bonne est dotée de pouvoirs de guérison et lévite, haut dans le ciel). Malgré la mauvaise réputation qu'ont voulu lui offrir certains individus à l'époque de sa sortie, Teorema n'est pas le vilain petit canard que l'on croit. Beau comme un poème, affubler du terme de chef-d’œuvre le film de Pier Paolo Pasolini paraîtra sans doute un peu exagéré. Toujours est-il qu'il s'agit là encore d'une proposition de cinéma tout à fait honnête et bouleversante...

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