Tinto Brass est le nom
d'un cinéaste mythique qui en un seul film a construit sa légende.
C'était en 1979, et le réalisateur italien signait son démentiel
Caligula.
Une adaptation libre retraçant l’histoire de l'empereur romain du
même nom. Une œuvre à travers laquelle Tinto Brass repoussait les
limites de la décadence sous l'impulsion du producteur Bob Guccione
qui décidait d'y ajouter un certains nombres de scènes
pornographiques contre l'avis même du cinéaste, le film avoisinant
ainsi les deux heures trente... également connu pour ses films
érotiques, Tinto Brass réalisait quatre ans avant Caligula
l'un des premiers Nazisploitations,
terme regroupant les films d'exploitations, érotiques ou non,
incluant des nazis à l'écran. Le titre de ce film réalisé en
1975, Salon Kitty,
tient son nom d'un bordel luxueux ayant réellement existé dans la
capitale allemande avant d'être détruit lors d'un raid aérien en
1942...Sur un scénario écrit à six mains par Tinto Brass, Ennio De
Concini et Antonio Colantuoni, le long-métrage décrit à travers de
nombreux arguments, les activités premières de cet établissement
qui accueillait à bras ouverts des dignitaires allemands mais aussi
d'autres pays. Séduits par des prostituées triées sur le volet et
toutes dévolues à la cause du führer Adolf Hitler, ces jeunes
femmes couchaient avec leurs clients, les enivrant afin de récupérer
de leur part des informations pouvant servir le régime nazi.
Réalisé
la même année que Salò ou les 120 Journées
de Sodome,
Salon Kitty
est le parent pauvre du chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini, et cela
même alors qu'il véhicule lui-même des propos parfois dérangeants
mais servant objectivement l'intrigue. Au regard du Caligula
qui naîtra quatre ans plus tard et qui bousculera le public et la
critique, Salon Kitty
ne paraît pas être davantage aujourd'hui que simplement polisson. A
part peut-être les quelques séquences qui ouvrent le bal. Entre les
images d'abattage d'animaux dans un abattoir au beau milieu duquel
des nazis festoient, entourés de cadavres de porcs suspendus à des
crochets après avoir été égorgés, et les propos tenus par
certains nazis comparant le modèle aryen à un individu de race
noire supposé intellectuellement et physiquement inférieur. Et que
dire encore du test d'évaluation corporel que subissent avec plus ou
moins de volonté les jeunes femmes sélectionnées pour faire partie
des prochaines locataires de salon tenu par la propriétaire
Kitty Kellerman ? Chacune d'entre elle est exposée dans une cellule,
en compagnie d'un individu difforme, ou non représentatif de la race
aryenne : nain bossu, homme-tronc, retardé mental, et même,
oui, un prisonnier juif qui laisse très clairement imaginer le peu
de considération que font les allemands de leurs semblables de
confession judaïque...
En
regroupant lors des quinze ou vingt premières minutes du film les
séquences les plus ignobles (des images qui n'atteignent cependant
jamais le degré d'horreur du long-métrage de Pier Paolo Pasolini),
Tinto Brass condamne la suite des événements à n'être qu'une
succession de scènes dénudées sans charme véritable. Tout au
plus, une œuvre érotique améliorée. Rien de véritablement
offensant donc. Des pubis aux fourrures épaisses, des poitrines, des
culs et même des pénis... mais de nos jours, qui s'offusquerait de
telles images devenues le quotidien de films dits grand public ?
On y croise l'autrichein Helmut Berger dans le rôle de Helmut
Wallenberg, la suédoise Ingrid Thulin dans celui de Kitty Kellermann
(et qui interprétait notamment chez nous le rôle de Hélène aux
côtés de Lino Ventura dans le huis-clos La Cage
de Pierre Granbier-Deferre), la britannique Teresa Ann Savoy dans la
peau de la jeune prostituée Margherita ou encore l'albanais Bekim
Fehmu dans celle de Hans Reiter. Une œuvre internationale
franco-italo-allemande de l'ouest qui sans doute à l'époque dû
avoir un impact certain mais qui de nos jours paraîtra bien
puérile...
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