Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


vendredi 19 avril 2019

Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini (1975) - ★★★★★★★★☆☆



On a eu beau raconter des tas de choses sur le dernier long-métrage du réalisateur italien Pier Paolo Pasolini... Qu'il s'agissait d'une œuvre arty mêlant horreur et scatologie, critique de l'Italie Fasciste et cri de révolte, censure (italienne) jusqu'au bannissement, acceptable sur le papier, mais répugnant à l'écran, extrême et angoissé, historique et sociopolitique... mais qu'en demeure-t-il au fond, une fois les critiques digérées et surtout, ses images consommées... ? Une œuvre visionnaire, oui, sans aucun doute possible. Il suffit pour cela de se rendre aujourd'hui sur la toile pour y assouvir le fruit de n'importe quel fantasme, même le plus déviant, le plus explicite et le plus repoussant. Et pourtant, Salo ou les 120 journées de Sodome fut, lui, inspiré, adapté (il s'agit d'une adaptation libre des Cent Vingt Journées de Sodome du Marquis de Sade), imaginé sur pellicule alors même qu'Internet n'existait pas encore. Il fallait donc trouver le moyen d'assouvir, d'abord, sa curiosité sur grand écran... mais encore fallait-il vivre dans un pays acceptant de passer dans les salles obscure cet objet innommable. Infernal. Dégueulasse. Abject. Plus proche des critères que connaissent ceux qui s'intéressent de près au cinéma déviant et underground qui circule non plus sous le manteau mais sur le ''Dark Web'', que du cinéma de papa ou familial qui repose uniquement sur le divertissement rose-bonbon...

Afin de bien comprendre l'objet du délit, il faut tout d'abord se remettre dans le contexte. Mais ici, il ne s'agit pas de dresser une quelconque analogie avec l'Italie Fasciste de Benito Mussolini, mais plutôt de comparer les habitudes du spectateur lambda nourrit en cette même année 1976 (nous prendrons comme exemple la sortie française du long-métrage, le 19 mai) d'un nombre important de films et qui aurait pu se satisfaire des quelques Douze Travaux d'Astérix ou L'Aile ou la Cuisse hexagonaux et non pas du dernier chef-d’œuvre de Pier paolo Pasolini. En matière ''d'horreurs'', quelques cinéastes allaient cependant franchir un pas très important dans la digression cette année là : on pense notamment à Martin Scorsese et son pessimiste et cultissime Taxi Driver, à Ettore Scola et son remarquable et très réjouissant Affreux, Sales et Méchants, ou plus près de chez nous, au misogyne mais néanmoins fort délectable Calmos de Bertrand Blier... Rien de vraiment méchant ou de dangereux donc, mais le genre de mises en bouche qui auraient pu ou dû préparer le spectateur au choc, au tsunami, Salo ou les 120 journées de Sodome...

Plus de quarante ans après, et malgré l'aura persistante que conserve le film, il faut reconnaître que Salo ou les 120 journées de Sodome a quelque peu perdu du charme de son abominable contenu. La faute, sans doute, à une descendance plus ou moins reconnue et assumée comme telle, ayant repoussé les limites contenues dans chacun des compartiments que compte l’œuvre du cinéaste italien. Quatre ''cercles'' durant lesquels divers représentants de la bourgeoisie s'adonnent dans ces temps troublés, à des actes barbares sur de jeunes filles et garçons rendus à l'état de viande, torturés psychologiquement, physiquement, dans le seul but d'assouvir leur ''vénérables'' bourreaux dans un institut qui a tout l'air du respectable internat mais qui demeurera leur geôle durant les cent-vingt prochains jours... c'est toute l'inhumanité qui sommeille en chacun de nous que révèle Pier paolo Pasolini à travers cette fresque décadente qu'une certaine Rome Antique coïncidant avec la chute de l'empire romain aurait pu lui jalouser. Libéré de toute contrainte morale, l'homme dans ses plus hautes institutions s'y adonne aux plus viles bassesses. Des milieux ruraux, il vient piocher dans le vivier de la jeunesse italienne pour en faire les martyrs de ses fantasmes les plus inavouables...

Supporter tant d'horreur sans fermer les yeux, c'est forcément être du côté des salopards...

Alors c'est vrai, Salo ou les 120 journées de Sodome n'a sans doute pas conservé toute sa puissance évocatrice. Sans doute les dernières générations de spectateurs ne comprendront jamais pour quelles raisons le public et les critiques d'alors s'emballèrent à ce point... Pourtant, est-ce dû à l'effet boomerang ? Toujours est-il que pour celui qui découvrit l’œuvre de Pier Paolo Pasolini au milieu des années soixante-dix, ou pourquoi pas la décennie suivante, il demeure des évocations qui résistent au temps et à la surenchère actuelle. Comment, en effet, rester de marbre devant le ''Cercle de la Merde'', dans lequel on punit et l'on nourrit ses enfants à l'aide de leurs propres excréments ? Aujourd'hui encore, ces quelques séquences finissent par donner la nausée au point que le spectateur finit par avoir un sale goût dans la bouche. Mais plutôt que de s'arrêter là, le cinéaste en rajoute encore une couche. Surtout lors du dernier acte. Qui repousse encore plus loin le principe du voyeurisme puisque c'est le spectateur lui-même qui finit par être le témoin direct des atrocités perpétrées dans la cours extérieure au bâtiment. Jusqu'ici, il pouvait encore se cacher derrière les personnages, même les plus immondes d'entre eux. Mais lorsque Pier Paolo Pasolini le contraint à assister à toute une série de torture filmées à travers une paire de jumelles, c'est le spectateur qui choisit lui-même (ou non) d'aller jusqu'au bout et d'y assister. 

A lui de faire le choix entre subir ou détourner le regard... Le cinéaste jauge ainsi de manière plus consciente qu'il n'y paraît l'appétence du spectateur pour les actes les plus immoraux. Il semble vers lui, pointer un doigt accusateur et sentencieux, proférant que s'il est capable de regarder en face toutes ces horreurs, c'est qu'il est du côté des bourreaux. Si la forme a pris quelques rides, le fond, lui, reste toujours aussi choquant, l'esthétisation du propos n'y étant sans doute pas tout à fait étrangère. Un classique indispensable qu'il faut, au pire, n'avoir vu qu'une fois dans sa vie, ou au mieux, avoir eu le courage d'y replonger bien des années après. Une œuvre dans laquelle brillent par leur cruauté, les acteurs Paolo Bonacelli, Umberto Paolo Quintavalle, Giorgio Cataldi, Aldo Valletti, Caterina Boratto, Elsa de Giorgi, Hélène Surgère et par leur sacrifice, ces jeunes filles et ces jeunes garçons qui ont donné de leur personne pour que prenne vie l’œuvre de Pier Paolo Pasolini...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...