Acteur régulier pour son
compatriote allemand Rainer Werner Fassbinder et réalisateur d'une
soixantaine d’œuvres cinématographiques et télévisuelles, Ulli
Lommel est surtout connu auprès des cinéphiles pour avoir mis en
scène en 1973 l'incroyable Die Zärtlichkeit der Wölfe
connu chez nous sous le titre La tendresse des
loups.
Il serait pourtant dommage de réduire la carrière de ce cinéaste à
ce seul long-métrage relatant le cas réel du tueur en série
cannibale allemand Fritz Haarmann qui sévit entre 1918 et 1924,
période durant laquelle il tua vingt-sept jeunes garçons et adultes
avant d'être surnommé par la presse le Boucher
de Hanovre et
d'être guillotiné le 15 avril 1925... Dix ans plus tard, Ulli
Lommel revenait avec une autre histoire de criminalité s'inscrivant
cette fois-ci dans de la pure fiction. Olivia (parfois titré A Taste of Sin).
Un titre simple pour une œuvre qui sent parfois le souffre et qui
dans certaines proportions met mal à l'aise. Avec son ouverture à
la Sœurs de sang
(Brian de Palma, 1973) filmée à travers le trou d'une serrure, le
film place le spectateur dans la position du voyeur, le rendant très
attentif à la situation qui se déroule devant ses yeux puisque les
contours de l'image le contraignent à fixer son regard très
exactement là où Ulli Lommel veut l'emmener ! Porté par une
ambiance relativement malsaine appuyée par la partition électronique
du compositeur américain Joel Goldsmith (fils du célèbre Jerry
Goldsmith), Olivia
n'est alors qu'une nouvelle itération d'un genre qui met
généralement en lumière des individus abîmés par la vie et dont
le désordre psychologique qui en découle les pousse au meurtre. Car
la très jolie Suzanna Love interprète ici le rôle titre, celui
d'Olivia, qui à l'âge de cinq ans fut témoin de l'assassinat de sa
mère. Une mère qui se prostituait tandis que sa propre fille devait
patienter dans sa chambre d'enfant jusqu'à ce que les clients aient
fini d'obtenir ce pourquoi ils étaient venus sonner à la porte de
ce qui aurait dû n'être qu'un foyer protecteur pour cette gamine
alors bouleversée. Un meurtre horrible filmé en gros plan mais
aussi à travers ce trou de serrure contre lequel Olivia collait son
œil pour assister aux ébats de sa mère désormais décédée.
Quinze ans plus tard, Olivia est devenue une très belle jeune femme
de vingt ans qui vit toujours à Londres.
Elle
est désormais mariée à Richard (Jeff Winchester), un ouvrier macho
qui préfère entendre la jeune femme se plaindre de s'ennuyer,
enfermée toute la journée chez eux, que d'accepter qu'elle prenne
un travail afin de se divertir et de se sentir utile. Alors, en
cachette, lorsque Richard travaille, Olivia sort, vêtue d'une courte
robe, et se fait passer pour une prostituée. Malheureusement, pour
ses clients, le souvenir du drame passé ressurgit dans l'esprit de
la jeune femme dont la voix de sa mère (incarnée au début du récit
par Bibbe Hansen) résonne dans la tête et lui dicte de tuer les
hommes qu'elle rencontre. Plus tard, elle fait la connaissance de
Michael Grant (Robert Walker Jr., célèbre acteur vu dans de
nombreuses séries télévisées et longs-métrages
cinématographiques). Un architecte américain venu évaluer la
possibilité de rénover le Pont de Londres où s'il faut le défaire.
Le film s'inscrit d'ailleurs dans le contexte de son démantèlement
qui survint en 1967 avant son acquisition par l'entrepreneur
américain Robert P. McCulloch qui le fit remonter pierre après
pierre à Lake Havasu City, ville nouvelle fondée alors tout
récemment dans le comté de Mohave, en Arizona. Entre Olivia et
Michael, c'est le coup de foudre. Les deux amants se retrouvent
régulièrement en cachette mais un jour, Richard les aperçoit
s'embrasser sur le Pont de Londres. Enragé, il se rue sur Michael
qui après un long échange de coups (aussi pathétiquement que
bizarrement filmé), réussi à le faire basculer dans le vide. Après
ce drame, Olivia qui vient d'assister à la scène se sauve et
disparaît dans la nature. Quatre ans plus tard, de retour aux
États-Unis, Michael scrute l'horizon alors qu'il est situé au
milieu du Pont de Londres désormais reconstitué. Lorsqu'un
bateau-mouche passe à proximité, il lui semble reconnaître à son
bord, celle qu'il aima quatre ans auparavant et qu'il n'a jamais
vraiment oublié... Ulli Lommel signe avec Olivia,
une œuvre intense, troublante, touchante et même parfois
dérangeante. Entre Maniac
de William Lustig sans les effets gore de Tom Savini et L'Ange
de la vengeance
(Ms .45)
d'Abel Ferrara sans l'arme à feu. Porté par une Suzanne Love superbe, séduisante et envoûtante, le film laisse une
empreinte forte sur les consciences grâce à cette idylle fragile
entre la britannique et l'américain mais aussi en raison d'un climat
très étrange qui après une période d'accalmie correspondant à la
rencontre des deux principaux protagonistes reviendra comme un cheval
au galop lors d'une tragique conclusion...
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