Jugé insupportable, le
quatrième long-métrage du cinéaste chilien Lucio A. Rojas
mérite-t-il sa réputation d’œuvre insoutenable ou n'est-il
qu'un des nombreux films d'horreur tentant vainement de repousser les
limites de l’innommable tout en y parvenant que très
succinctement ? Difficile de répondre à cette question sans
prendre en considération quelques éléments d'importance. L'un
d'eux relève de l'expérience du spectateur dans le domaine de
l'horreur, et en l'occurrence, ici, du Rape and Revenge.
Un autre, quant à lui, relève de la sensibilité de ce même
spectateur. De l'émoi qu'il peut ressentir devant des actes de
barbarie sans cesse plus réalistes (on peut louer le talent de
maquilleurs repoussant sans cesse les limites de leur profession).
Sanglant, voire gore, et en tous les cas, graphiquement
impressionnant, Trauma
l'est. Mais cela justifie-t-il que l'on se pâme ou que l'on rejette
en bloc ses visions outrancières ? Pas forcément. Surtout que
le contenu dont fait l'objet la réputation du film se situe surtout
en début de métrage, la suite n'arborant alors plus que les atours d'un banal
film d'horreur parsemé ça et là de quelques séquences,
reconnaissons-le, particulièrement gratinées.
L'un
des principaux défauts du long-métrage de Lucio A. Rojas est
d'avoir concentré les pires des abominations au tout début du
scénario. Perdant ainsi une partie de son public, le plus sensible,
et décevant par la suite, l'autre partie, qui sera gratifiée de
séquences violentes, mais beaucoup moins extrêmes en matière
d'horreur. Il faut dire que Trauma
s'aventure sur le même terrain de jeu qu'un certain
A Serbian Film
(Srdjan Spasojevic, 2010) de sinistre mémoire en invoquant des
thèmes demeurant encore 'relativement'
tabou dans la plupart des pays. Tortures, viol, nécrophilie,
inceste, et tout cela en l'espace de quelques minutes. De quoi
retenir l'attention des blasés. De ceux que l'étalage permanent
d'horreurs, cette fois-ci bien réelles, sur certains sites
d’hébergement vidéos, ne provoque presque plus rien.
La
séquence est aussi repoussante que gratuite et ne sert qu'un propos
dont la perversité s’étend au delà de la seule démonstration
d'un individu pervers se vengeant de l'infidélité de sa compagne.
Car comme le laisse envisager le titre du film, la descendance de
cette femme humiliée, violée par son propre fils (et c'est là
qu'intervient la comparaison avec le film de Srdjan Spasojevic) puis
abattue d'une balle dans la tête, c'est bien sa progéniture qui
sera au centre d'un récit ignoble dont l'intensité est
malheureusement contrecarrée par des scènes d'une extraordinaire
futilité. Histoire d'ajouter un peu d'huile sur le feu, Lucio A.
Rojas fait de ses quatre héroïnes des lesbiennes, dansant sur une
soupe FM aussi indigeste que les lignes de dialogue que les quatre
actrices (Catalina Martin, Macareba Carrere, Ximena del Solar et
Dominga Bofill) sont contraintes de répéter devant la caméra. Des
séquences d'une lourdeur pire que celles de nos Mystères
de l'Amour
nationaux.
Heureusement
qu'interviennent Juan (Daniel Antivilo) et son fiston, aux rapports
incestueux, en cours de route pour violer ces quatre jeunes femmes
dans des conditions affreuses mais qui ne feront ni chaud ni froid à
celles et ceux qui furent échaudés par l'insupportable séance de
viol du mythique Irréversible
de Gaspar Noé. Le film prend une tournure sinistre, et donc
débarrassé de son insupportable ambiance Soap.
Lucio
A. Rojas entre enfin dans le vif du sujet de ce que sont venus
chercher les amateurs de sensations fortes. Du sexe, de la sueur et
du sang. Pour les deux premiers, les spectateurs auront droit à
quelques images de poitrines en sueur (sans doute celle de la peur), malmenée
comme le reste du corps de leur propriétaires, humiliées par un
Juan totalement habité par le Mal et par un fils effroyablement
insensible. Question sang, le spectateur est servi. Entre une tête
explosée dont le résultat à l'écran est particulièrement
crédible et toute une série de meurtres atroces (Juan décapitant
presque un flic à l'aide d'un couteau), Trauma
ne fait pas dans la dentelle. Pour autant, le film du chilien n'est
pas le traumatisme promis. C'est sanglant, oui. Violent, également.
Glauque, même, parfois, mais certainement pas l’œuvre sulfureuse
invoquée par certains. Le film de Lucio A. Rojas est donc plaisant
à voir mais ne renouvelle jamais le genre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire