Il est mort, le
commissaire Moulin... ce personnage qui demeurera éternellement lié
à l'acteur Yves Rénier. Un interprète qui aura majoritairement
voué sa carrière au petit écran même s'il fut l'interprète
ponctuel d'une vingtaine de longs-métrages en soixante ans de
métier. Acteur, mais aussi réalisateur qui depuis le milieu des
années 2010 est revenu à quatre reprises sur des affaires
criminelles françaises parfaitement authentiques. Flic tout
simplement revenait
en 2015 sur le tueur en série Guy Georges et sur la fonctionnaire de
police Martine Monteil qui participa à son arrestation. Je
voulais juste rentrer chez moi
se penchait en 2017 sur l'étonnante histoire de Patrick Dils,
adolescent de seize ans qui se retrouva accusé du meurtre horrible
de deux jeunes enfants et passa quinze années derrière les barreaux
alors même qu'il était innocent. Quant avec Jacqueline
Sauvage : C'était lui ou moi,
Yves Rénier s'intéressait à ce fait-divers entourant une femme
condamnée à dix ans de prison pour avoir abattu son époux, un
homme violent qu'elle affirma avoir tué en état de légitime
défense. Enfin, devait sortir sur le petit écran un mois avant son
décès, la dernière réalisation d'Yves Rénier inspirée de
l'enquête menée par deux policiers au sujet du tueur en série
Michel Fourniret, La Traque.
Si jusqu'à maintenant Yves Rénier avait fait un sans faute, aborder
le sujet de l'un des pires serial killer hexagonaux était un pari
éminemment risqué et sujet à d'éventuelles polémiques concernant
l'aspect moral d'une telle entreprise...
Connaissant
la sensibilité du bonhomme pour les victimes et pour leurs familles,
nous n'attendions pas moins qu'une approche du sujet loin de l'aspect
racoleur qui fleurit parfois dans les magasines et les émissions de
télévision spécialisés dans ce genre d'affaires criminelles. Le
plus délicat dans le cas présent (sachant que Michel Fourniret est
encore vivant et que l'évocation d'un téléfilm mettant en scène
ses méfaits pourrait s'avérer pour lui comme une consécration) et
donc tout le problème, est d'aborder le fait-divers sans faire du
tueur une icône comme pu l'être notamment le Hannibal Lecter de
Jonathan Demme dans Le silence des agneaux
en 1991. Pour incarner Michel Fourniret, Yves Rénier confie le rôle
à l'acteur Philippe Torreton. Un comédien discret malgré une
importante carrière au cinéma et à la télévision dont
l'apparente rareté de ses apparitions lui permet de se fondre à la
perfection dans ce personnage au point de lui ressembler parfois de
manière particulièrement troublante. Face à Michel Fourniret aux
côtés duquel sévissait Monique Olvier (excellente et
méconnaissable Isabelle Gélinas), deux flics qui ne lâcheront
rien, jusqu'à épuiser leurs dernières cartouches. François-Xavier
Demaison et Mélanie Bernier interprètent respectivement le
Commissaire Declerck et le capitaine Nielsen. Deux personnages de
fiction pour une Traque
qui n'en a que le nom. Ici, pas de chasse sur les territoires
français et belge ni sur les différents lieux des meurtres
perpétrés par celui que la presse surnomma L'Ogre des Ardennes et
par sa compagne, mais d'innombrables interrogatoires se déroulant
sur une année entière.
Pourtant,
le téléfilm d'Yves Rénier (qui s'offre ici un tout petit rôle en
la personne d'Arnaud Costenoble, le supérieur du Commissaire
Declerck) n'est pas aussi puissant que pu l'être des décennies
auparavant l'excellent Garde à vue de
Claude Miller. Et même si les interprètes sont tous convaincants,
il manque à La traque
de cette tension qui aurait pu en faire un excellent téléfilm
policier. L'acteur/réalisateur préfère aux monstruosités commises
par le duo, décrire les méthodes de deux flics pour faire avouer à
l'une les horreurs perpétrées par Michel Fourniret afin de le
compromettre avant que la loi n'oblige les autorités à le remettre
en liberté. Si La traque
déroule son récit de manière relativement froide, ce n'est que
pour en tirer tout l'aspect clinique de ses interrogatoires. Surtout,
Yves Rénier éloigne aussi souvent que cela lui est possible du
champ de la caméra, le monstre Fourniret qui dès lors n'est pas
dans la lumière mais dans l'ombre de la seule qui puisse encore
aider la police à le faire condamner. Plus que Philippe Torreton,
François-Xavier Demaison ou Mélanie Bernier, c'est bien Isabelle
Gélinas qui brille dans ce téléfilm en deux parties de
quarante-cinq minutes chacune. Inspiré du roman La
mésange et l'ogresse
de l'écrivain français Harold Cobert, le scénario qu'il en tire
lui-même en compagnie de Jean-Luc Estèbe et Benoît Valère nous
fait grâce des détails concernant les meurtres et s'attache surtout
à rendre hommage à celles et ceux qui participent à l'arrestation
des plus grands criminels. La traque
est une surprise agréable même si l'on a tout de même connu Yves
Rénier plus inspiré...
Yves Rénier
(1942-2021)
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