L'un des meilleurs
thrillers de ce début d'année 2019 ne vient ni des États-Unis, ni
de Scandinavie, ni d'Allemagne et encore moins de France mais bien
d'Espagne. Le pays de Pedro Almodovar, Luis Buñuel, Carlos Saura,
Alejandro Amenabar ou encore Alex de la Iglesia. Tu Hijo
est l’œuvre du cinéaste Miguel Angel Vivas, auteur d'une poignée
de long-métrages et d'épisodes de séries télévisées. Plutôt
que d'imiter la concurrence en opposant un individu s'érigeant en
justicier mettant la ville à feu et à sang, l'espagnol a
l'intelligence de proposer une vision beaucoup plus réaliste d'un
fait-divers comme il en existe dans notre société.
Jaime
Jiménez est chirurgien. Habitué à réparer les corps meurtris dans
diverses circonstances, il lui arrive de s'occuper de victimes
d'actes de barbarie. Mais lorsqu'à son tour ce père de famille est
touché dans sa chair le jour où est transporté d'urgence à
l’hôpital son propre fils agressé à la sortie d'une boite de
nuit, la donne est différente. Celui qui a coutume de sauver des
vies va se faire justice lui-même devant l'inertie des autorités
contraintes de suivre des protocoles absurdes. Alors que Jaime
parvient à mettre la main sur la vidéo de l'agression de son fils,
le chirurgien met le doigt sur le responsable de son état. Alors que
son fils est sous respirateur artificiel et que sa fille et son
épouse semblent être incapables de suivre Jaime dans son projet de
vengeance, ce dernier est bien décidé à faire payer au responsable
l'acte abominable dont il s'est rendu coupable...
Mais
comme le montre brillamment Miguel Angel Vivas, il n'est pas facile
d'endosser le rôle de justicier. Le héros de cette histoire est
maladroit, incapable de passer à l'acte par lui-même (il ira
jusqu'à menacer le père de l'un de ses patients afin de le
contraindre de passer à tabac l'agresseur de son fils), tétanisé
par la peur. En bref, Jaime Jiménez est un individu comme tant
d'autres. Entre le désir de vengeance et ce verrou qui empêche tant
d'hommes de passer à l'acte. Avec un infinie maîtrise de son sujet,
l'espagnol filme l'errance nocturne de son principal personnage
admirablement incarné à l'écran par l'acteur José Coronado. Le
désarroi d'une épouse qui n'a plus aucun contrôle sur son foyer.
Une fille étonnamment attirée par la boite de nuit où son frère a
tout de même faillit perdre la vie. Et puis, il y a cette jeunesse
arrogante, incapable de maîtriser ses pulsions. Dépourvue de toute
morale. Capable de tuer sans raison apparente. A ce sujet, la
séquence montrant le héros subir les images filmées de son fils
littéralement massacré par une poignée d'adolescents est
insupportable et révèle bien l'un des maux qui gangrènent notre
société.
En
incarnant un individu qui nous ressemble, José Coronado nous touche
forcément. Le cinéaste le filme au plus près et renforce le
sentiment d'oppression qui surgit d'un lieu festif où l'on
s'attendrait plutôt à ne trouver que des personnes venues faire la
fête. L’œuvre de Miguel Angel Vivas se décompose en deux
parties. Et peut-être même trois puisque dans un dernier élan, le
cinéaste propose une conclusion en forme d'avertissement. Mais avant
cela, il expose un homme anéanti qui devant l'inactivité et la
lenteur des autorités finira par passer lui-même à l'offensive.
Tout en se gardant de faire l'apologie de l'auto-défense, le
cinéaste filme hors-champ ce qu'est venu au final, chercher le
public, ivre lui aussi, de vengeance. Laissant ainsi la porte ouverte
à plusieurs grilles de lecture (meurtre assumé ou bien
involontaire?), l'acte vengeur sera perpétré derrière une porte
close. Ce qui n'empêche pas le cinéaste d'aborder le climax
de Tu Hijo
sous un angle terriblement oppressant. Cette séquence, le spectateur
ne pourra la vivre que sous apnée, les battements de son cœur
n'étant plus représentés que par la pulsation binaire d'une
musique techno étouffée, voire, étouffante... Tu
Hijo est
donc une excellente surprise disponible sur Netflix
depuis le 1er mars...
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