Oublions très rapidement
les deux premiers longs-métrages du réalisateur américain
d'origine indienne M. Night Shyamalan pour nous pencher sur la
suite de sa carrière. Dès 1999, il nous offre le premier d'une
série de très grands films avec Le sixième sens.
Une chance supplémentaire pour l'acteur Bruce Willis de retrouver la
grâce sur grand écran avec ce scénario conçu par le réalisateur
lui-même et qui ne souffre d'aucune imperfection jusqu'à son
incroyable dénouement. Regarder l'oeuvre toute entière de M. Night
Shyamalan, c'est un peu comme de monter à bord d'un grand huit. Il y
a autant de bonnes choses à découvrir que de mauvais choix
artistiques. Parmi le pire, on évoquera par exemple Phénomènes
en 2008 et plus encore After Earth
en 2013 qui reste sans doute le plus mauvais d'entre tous. Plus tard,
M. Night Shyamalan devait renaître de ses cendres à travers
l'étonnant The Visit
qui, justement, ''revisitait'' le concept du found
footage
sous un angle inédit. Le début d'une série de longs-métrages
remarquables. Mais bien avant eux, il fut un temps où déjà, le
réalisateur était capable d'aligner des œuvres en tout point
remarquables. L'extraordinaire The Village,
son récit passionnant et son final plus que surprenant comme avait
déjà l'habitude d'en proposer M. Night Shyamalan. Avec Incassable
notamment. Quatrième long-métrage du réalisateur et second exploit
après Le sixième sens.
On ne l'imaginait sans doute pas à l'époque, mais Incassable
allait,
sinon demeurer l'un des plus grands films de leur auteur, du moins le
premier volet d'une future trilogie prolongée avec Split
en 2016 et conclue trois ans plus tard avec Glass
en 2019...
Mais
pour le moment, retour en 2000. En cette fin de siècle dernier (car
oui, le vingt et unième siècle n'a débuté que le 1er janvier de
l'année suivante) où rien ne semble avoir vraiment changé, sauf
peut-être pour David Dunn (Bruce Willis qui retrouve donc M. Night
Shyamalan un an après Le sixième sens)
dont l'existence va être tout d'abord bouleversée par le
déraillement d'un train dont il a été le seul survivant (de
surcroît, sans blessures, aucunes), puis par sa rencontre avec
Elijah Price (l'acteur Samuel L. Jackson), qui souffre depuis sa
naissance d''ostéogenèse imparfaite de type I, une forme légère
de la maladie qui le contraint cependant à prendre de vives
précautions s'il ne veut pas que ses os se brisent au moindre choc.
Passionné de bandes dessinées et de comics consacrés aux
super-héros, Elijah a développé la thèse selon laquelle les
comics sont le témoignage d'événements ayant trait à l'Histoire.
Dans son esprit, les super-héros ont donc existé. Et par
conséquent, il y a de fortes chances pour qu'il en existe encore.
Lorsqu'il apprend que David est le seul survivant d'un déraillement
de train qui a fait plus de cent-trente victimes, il ressent le
besoin de le contacter pour savoir s'il ne serait pas lui-même l'un
de ces héros de bandes dessinées qui le fascinent depuis
toujours...
… et
d'une certaine manière, Incassable
s'avère être un film de super-héros. Ces individus atypiques,
sauveurs de l'humanité, de la veuve et de l'orphelin pullulent
d'ailleurs ici. Car , c'est bien grâce à eux qu'Elijah n'a pas
abandonné tout espoir de vivre, théorisant sur le rapport que
peuvent entretenir les comics avec, au hasard, les hiéroglyphes
égyptiens. Un fou, semble-t-il. Un homme désemparé qui se
raccroche à l'espoir, pourquoi pas, de rencontrer un jour l'un de
ses héros. À sa manière, Samuel L. Jackson en incarne un lui-même.
De ces êtres presque ordinaires qui trouvent assez de force pour
tenir coûte que coûte. M. Night Shyamalan l'affuble d'ailleurs
d'une gabardine et d'une canne en verre qui permettent immédiatement
de l'identifier. Contrairement à Bruce Willis dont le personnage est
d'un commun presque caricatural. ''Jumeau'' pourtant bien vivant du
docteur Malcolm Crowe qu'il interpréta l'année précédente dans Le
sixième sens,
M. Night Shyamalan définie à l'origine son personnage comme un
individu des plus banal. Époux (infidèle ?) d'une Audrey (superbe
Robin Wright) avec laquelle David connaît des heures difficiles, ce
dernier est aussi le père d'un enfant qui le rêve lui-même en
super-héros. Incassable
est un bel hommage à ces lectures, véritable phénomène qui depuis
presque un siècle (les origines remonteraient en 1934) fait fureur
aux États-Unis. Phénomène qui s'étend depuis quelques décennies
bien au delà des frontières américaines. Une œuvre qui retrouve
sans doute un retentissement vingt ans plus tard avec le Joker
de Todd Philips et la naissance du mythe du personnage du même nom.
Samuel L. Jackson et Bruce Willis incarnent un duo antinomique qui se
complète pourtant merveilleusement bien et qui trouve sa
justification lors d'un dénouement explicatif incroyablement censé.
Incassable
joue avec le cadre de manière fort ingénieuse, comme lors du
dialogue entre David et une passagère du train juste avant que
celui-ci ne déraille, séquence précédent une scène au fort
potentiel dramatique lors de laquelle il est en conversation avec un
médecin en arrière-plan tandis qu'au premier plan, le seul qui avec
lui a survécu agonise sur son lit d’hôpital. M. Night Shyamalan
nous offre un spectacle tantôt intimiste, et même parfois proche du
serial killer à tendance ''slasher'' ou ''giallo'' comme lors de
cette séquence située autour d'une piscine que la seule utilisation
d'une bâche comme élément rend terriblement angoissante. De la
narration jusqu'au visuel impeccable magnifié par la photographie
d'Eduardo Serra en passant par la bouleversante partition musicale de
James Newton Howard, Incassable
pourra ou pas être jugé comme le meilleur film de son auteur. À
défaut de quoi, il reste parmi ce qu'a réalisé, écrit et produit
de plus puissant M. Night Shyamalan...
J'ai donc vu 6 Shyamalan (les premiers et le dernier, Trap), plus vraiment de souvenir du Sixième sens (à part le twist final) et de Phénomènes. Mon préféré reste (comme toi, semble-t-il) Le village (que je possède d'ailleurs), celui-ci viendrait en second. Mais pourquoi les Américains persistent-ils à surligner les scènes héroïques et de bravoure par des orchestrations emphatiques et grandiloquentes ?
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