Mon dernier Brian de
Palma remonte à 2000. Soit, dix-neuf ans en arrière. Presque une
génération, à quelques années près. Autant dire que j'ai du
retard à rattraper même si l'auteur des classiques que sont Phantom
of the Paradise (1974),
Pulsions (1980),
Body Double
(1984) ou encore L'Esprit de Caïn
(1992) n'a tourné que cinq long-métrages en dix-neuf ans (on attend
toujours Domino,
son dernier né). Le premier d'entre eux est sorti en 2002,
s'intitule Femme Fatale
et bénéficie depuis son passage à la moulinette des critiques,
d'une réputation relativement peu élogieuse. Le public ne semble
avoir suivi qu'en de très petites proportions l'idée centrale du
film et la mise en scène de Brian de Palma tandis que la presse s'est
partagée, entre enthousiasme et déception...
Pour
bien comprendre les raisons pour lesquelles le film n'a pas fait
l'unanimité, sans doute suffit-il de revenir sur l'une des premières
séquences, d'une durée très légèrement inférieure à vingt
minutes, et au cours de laquelle le spectateur assiste à un vol de
diamants incrustés dans la robe on ne peut plus légère d'un
mannequin venu au bras du cinéaste français Régis Wargnier (qui
incarne donc son propre rôle) lors de la projection de son film
Est-Ouest
au festival de Cannes. Tournée par Brian de Palma, le spectateur
aurait pu prétendre assister à un grand moment de mise en scène,
et pourtant... la séquence est filmée sans engouement. D'une
mollesse qui confinerait presque à l'amateurisme d'un jeune cinéaste
voulant imiter ses pairs, la scène se traîne en longueurs sans
qu'aucun des enjeux mis en place ne provoque la moindre émotion
(ici, la tension) d'un public qui assiste alors à la séquence sans
jamais rien ressentir. De plus, la scène est emplie d'incohérences
impardonnables de la part du réalisateur. Comment peut-on en effet
adhérer à l'idée qu'une jeune femme en éternelle
« représentation »
puisse passer autant de temps aux toilettes avec sur le dos une robe
estimée à dix millions de dollars sans que personne (et surtout pas
ses deux gardes du corps) ne s'inquiète de la durée de son absence
? Ou bien que l'un des organisateurs du vol puisse passer à
seulement quelques centimètres de l'un des gardes du corps de la
jeune femme sans que celui ne s'en rende compte (à croire que les
180° de champ de vision de l'homme ne s'appliquent pas à tout le
monde). Et que penser de de cette scène durant laquelle le
mannequin se retrouve dans les bras de l’héroïne complice du vol
incarnée par l'actrice Rebecca Romijn ? Enfermées toutes deux
dans les toilettes, à s'ébattre, tandis que de l'autre côté de la
porte, et alors que la première débarrasse la seconde de sa robe
de diamants par petits bouts, le voleur échange chaque parcelle de
celle-ci par des faux ? La séquence ressemble à une chute de
Mission Impossible
que Brian de Palma aurait choisit de foutre aux ordures avant de la
réemployer six ans plus tard en 2002. Une séquence enrobée d'un
boléro très inspiré par celui de Maurice Ravel et composé ici par
le musicien japonais Ryūichi Sakamoto. Notons de surcroît que la
scène bénéficie d'un split-screen
aussi timide qu'inutile...
Si
par la suite le cinéaste fait preuve d'un peu plus de maîtrise en
matière de mise en scène, le récit use de raccourcis parfois très
gênants et dénotant d'une propension à la flemmardise lorsqu'il
s'agit de développer certains aspects de l'intrigue. Une ellipse de
sept années permet ainsi de justifier la disparition de l'héroïne
incarnant désormais le personnage de Lily que les parents de cette
dernière (incarnés par Jean-Marie Frin et Eva Darlan) confondent
lors de la séquence succédant celle qui ouvre les hostilités. Une
scène hautement improbable mais qui, reconnaissons-le, sème ce
trouble dont seul a le secret Brian de Palma. Désormais épouse d'un
ambassadeur, l'ancienne voleuse cache son identité pour que ses
anciens complices ne puissent pas remonter jusqu'à elle. C'est là
qu'entre en jeu l'acteur espagnol Antonio Banderas qui du haut de ses
cinq ou dix centimètres de moins que Rebecca Romijn, paraît
beaucoup moins charismatique que d'habitude dans son rôle de
paparazzi. Pauvre individu que ce Nicolas Bardo qui malgré sa
profession de charognard ne voit pas venir ce que lui réserve une
Laure Ash/Lily beaucoup moins fragile qu'il n'y paraît. Mais déjà,
j'en dis trop.
Femme Fatale
réunit un casting pour le moins hétéroclite. Plus que le duo formé
par Rebecca Romijn et Antonio Banderas, c'est bien la présence à
l'écran d'une foule d'interprètes d'origine hexagonale qui fait
l'une des particularités de ce vingt-sixième long-métrage du
cinéaste américain né à Newark dans le New Jersey le 11 septembre
1940. Eriq Ebouaney et Edouard Montoute incarnent respectivement les
anciens complices du vol Black Tie et Racine. J'ai déjà cité
également Jean-Marie Frin et Eva Darlan dans le rôle des parents
de la véritable Lily. On trouve ensuite l'excellent Thierry Frémont
dans la peau de l'inspecteur Serra, un flic particulièrement
tenace., et même Sandrine Bonnaire dans son propre rôle (minuscule et
silencieux). Au milieu de ce casting pas tout à fait cent pour
cent « frenchie »,
on trouve également les acteurs américains Peter Coyote dans le
rôle de l'ambassadeur Bruce Watts et Gregg Henry, un habitué du
cinéma de Brian de Palma (six participation au total dont
l'inoubliable Sam Bouchard du chef-d’œuvre Body
Double),
dans celui du garde du corps Leonard Shiff. Au fil du récit,
l'intrigue gagne quelque peu en épaisseur même si le long-métrage
est loin d'atteindre les qualités des meilleurs de Palma et si les
invraisemblances y sont légion. Une œuvre mineure, mais qui de
manière générale, se hisse tout de même bien au dessus de la
purge Mission to Mars
que le cinéaste avait réalisé deux ans auparavant...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire