Ahhhh, le cinéma russe.
Ces longs-métrages chiants comme la mort quand on est gosse et qui
fascinent bien après que nos derniers boutons d'acné se soient fait
la malle. Ces interminables plans... silencieux... figés... On
commence par Andreï Tarkovski, FACILE ! (ouais, enfin, c'est
quand même pas du Kubrick... T'as raison, en effet, C'est MIEUX!),
puis on continue avec Wojciech Has, tout en passant faire un tour
chez Piotr Szulkin. Ces trois là, forcément, sont des indispensables...
Jusqu'au jours où l'on voit débarquer Evgeniy Georgievich Yufit et
son Папа, умер Дед Мороз
au format 4:3. Noir et blanc, alphabet cyrillique, économie de
moyens... Exemple (qui prouve que le russe a tout compris dans la
manière d'aborder l'existence de ses personnages) : un voyage
en train, ça n'est certes pas Patrick Dewaere tétant le sein de
Brigitte Fossey devant le regard amusé de Gérard Depardieu. Non, un
voyage en train, c'est un type et une femme filmés en légère
contre-plongée, caméra fixée au sol, le bruit des roues
métalliques frappant les rails avec la régularité d'un métronomes.
Lui, perdu dans ses pensées, elle, un peu étrange, les traits
tirés, l’ovale du visage fatigué. Ça peut durer des heures...
nous endormir, nous hypnotiser, tel un pendule placé devant nos
yeux. Du cinéma contemplatif comme Lar Von Trier en produisit au
début de sa carrière...
Sauf
qu'Evgeniy Georgievich Yufit se branle littéralement du placement
de la caméra, décapitant parfois ses interprètes, plaçant
son objectif de manière bancale. Mais sans jamais oublier de
démontrer parfois qu'il en a dans le ventre lorsqu'il s'agit de
prouver ses capacités en matière de mise en scène. Comme lorsque
notre ''héros''
descend du train, scrute en un très fragile mais néanmoins réussi
travelling, un groupe d'individus s'affairant sur un corps recouvert
d'un linceul blanc. Un plan-séquence à la ''russe''.
Sans prise de risque vraiment osée. Tout est toujours dans la
langueur... Même lorsque le ''héros''
court, la caméra reste plantée sur place. Demeure aux côtés du
spectateur tandis que le personnage s'éloigne pour devenir fourmi...
Et
puis, peu à peu, l'on plonge dans une sorte d'apesanteur infernale.
Notre ''héros''
croise la route d'un cousin qu'il n'a jamais connu. L'austérité
prime. Les plans s'étirent, s'étirent, et s'étirent encore, à
l'infini, comme si le cinéaste avait mis sur pause ses personnages.
Même si ce fait est relativement difficile à déceler, Папа,
умер Дед Мороз serait,
paraît-il, très librement inspiré d'une nouvelle mineure de
l'écrivain russe Alexis Nikolaïevitch Tolstoï intitulée Une
Famille de Vampires, et
dans laquelle le romancier décrit le voyage du marquis d’Urfé
dans un village de Serbie où il est accueilli par une famille de
paysans. Il y découvre alors l'existence des ''vourdalaks'',
ou vampires slaves, et manque de peu d'en devenir un lui-même après
être tombé sous le charme de l'unE d'entre eux... Папа,
умер Дед Мороз
intéressera donc en priorité les vampirologues acharnés
compulsifs. De ceux qui n'acceptent guère de passer à côté de la
moindre production leur offrant l'opportunité de découvrir de
nouveaux descendants du fameux Dracula de Bram Stoker.
Pour
les autres, la pilule risque d'être difficile à avaler. Evgeniy
Georgievich Yufit livre une œuvre expérimentale troublante. Si les
dialogues sont rares et paraissent parfois n'avoir rien de commun
avec le sujet abordé, ils sont en outre de temps en temps remplacés
par des borborygmes incompréhensibles. Папа,
умер Дед Мороз
prend des allures de rituel païen. Des images sans dialogues
explicatifs. Tantôt insignifiantes, tantôt splendides. Le cinéaste
a l'art remarquable de mettre en scène des corps sans vie d'un
vérisme parfois déconcertant. Il reste ardu d’émettre une
opinion objective devant ce qui demeure un véritable OFNI. Tout au
plus pourra-t-on ressentir l'étrange sensation d'avoir vécu une
expérience réellement inédite, confinant à l'ennui pour certains,
et au dépaysement pour les autres... A chacun de se faire sa propre
idée... A titre personnel, j'avoue avoir eu beaucoup de mal à
rester concentré jusqu'au bout malgré quelques séquences fort
intéressantes...
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