A l'origine, le manga
L'Habitant de l'Infini créé
par l'auteur de bandes-dessinées japonaises, Hiroaki Samura. Au
final, une épopée cinématographique de deux heures trente environs
réalisée par l'un des cinéastes asiatiques les plus prolifiques.
Parmi les plus déjantés également, penseront sans doute ceux qui
découvriront l’œuvre de Takashi Miike par l'entremise de
quelques-uns de ses films les plus fous. En moins de trente ans, ce
cinéaste de génie, capable du meilleur comme du pire aura signé
plus de cent longs-métrages, ses fans espérant très certainement
qu'il en signera autant durant les trois décennies à venir. Mugen
no Jûnin
marque la centième réalisation du japonais et montre avec une
certaine classe, que l'auteur de Bijitā Q et
de Koroshiya 1 est
parfois capable d'une délicatesse infinie. Sans doute moins nerveux
et moins décalé qu'un Gokudô Daisensô
sous perfusion de Kaiju
eiga,
de Yakuza eiga et
de vampirisme, Mugen no Jûnin
est une œuvre profonde à laquelle Takashi Miike injecte une forte
dose de lyrisme, lequel transpire à travers quelques plans-séquences
d'une effarante beauté. Ainsi donc, grâce aux visions d'un cinéaste
capable de donner vie à des estampes japonaises, aidé par la
sublime photographie de Nobuyasu Kita, Mugen no
Jûnin revêt
les qualités que tout amateur d’œuvre picturale recherche une
fois installé devant un tableau de maître. Sauf qu'ici, Takashi
Miike parfait le principe avec une précision infinie et bouleverse
par sa maîtrise du cadre et de la mise en scène.
Impossible
d'oublier en effet cette séquence filmée en travelling latéral
opposant Manji (Takuya Kimura) et Rin Asano (Hana Sugisaki), dans un
décor à la colorimétrie atténuée, vaste étendue naturelle
composée d'arbres orphelins lointainement plongés sous une brume
n'en laissant deviner qu'une vague silhouette. Et puis, ce mouvement
de va et vient entre les deux protagonistes évoluant dans un monde
de silence concentrant l'attention du spectateur sur ces images d'une
beauté à peine concevable. Travail d'orfèvre pour une œuvre qui
souffre malheureusement parfois de grosses baisses de régime
enracinées entre deux duels magnifiquement orchestrés. De l'esprit
et de la matière dont est peut-être fait l’œuvre originale (dont
j'ignore malencontreusement le contenu), Mugen
no Jûnin
applique le principe du combat un contre un, ou bien, sans
demi-mesure, de celui du un contre mille.
La
mystique qui entoure chaque duel opposant Manji l'immortel et ces
boss à la solde de l'ennemi juré de Rin Asano, l'ambitieux Anotsu
Kagehisa incarné par l'androgyne et charismatique Sôta Fukushi,
rappelle vaguement, mais avec la même force, celle qui entourait
déjà l'oeuvre toute entière du chilien Alejandro Jodorowsky.
Fidèle au cinéaste, le compositeur japonais Kōji Endō accorde
formidablement son œuvre aux mouvements éthérés de la caméra. Le
caractère parfois léthargique de certaines séquences fera sans
doute passer Mugen no Jûnin
pour
un pensum relativement ennuyeux (surtout au regard de certaines
œuvres de son auteur) tandis que les grandes batailles opposant nos
héros à des centaines de guerriers samouraïs relèvent du
divertissement absolu. Des séquences qui donnent le tournis. De part
l'incroyable maîtrise de Takashi Miike en terme de mise en scène et
de placement des figurants, mais également en terme de spectacle qui
dans la durée, frise la même agonie que celle de ses personnages.
Mugen no Jûnin
est une œuvre dantesque. Un long-métrage que l'on rapprochera du
cultissime Kozure Ōkami: Sanzu no Kawa no
Ubaguruma
que le cinéaste Kenji Misuma réalisa quarante-cinq ans plus tôt ou
de l'immense saga constituée de vingt-six longs-métrages Zatōichi,
là encore, créée à l'origine par ce même Kenji Misuma. Tiens,
justement, une saga dont Takashii Miike proposa une alternative
théâtrale en 2007.
Comme
très souvent chez Takashii Miike, Mugen no Jûnin
confronte
un héros solitaire (ici, immortel et accompagné d'une jeune fille
dont le père a été assassiné) à des hordes d'ennemis. Si le
cinéaste propose une succession de tableaux vivants de toute beauté,
il n'en oublie cependant pas d'y injecter une forte dose de sang. En
tout cas, l'un des meilleurs films de Takashi Miike qui fêtait là
avec brio, sa centième réalisation...
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