Dernier long-métrage
d'une cinéaste qui chez nous est assez peu connue (pour ne pas dire
totalement), La Mesita del Comedor (traduisible
chez nous sous le titre La
table du comédien)
est une œuvre apparemment anecdotique qui pourtant cache une étrange
relation entre un objet de discorde et ce couple qui va l'acquérir,
devenu récemment père et mère d'un bébé âgé de seulement
quelques mois prénommé Cayetano. Alors que le film de la
réalisatrice espagnole Caye Casas s'ouvre sur l'achat d'une table
dont le vendeur vante les innombrables mérites, il va falloir au
spectateur se concentrer tout d'abord sur les paroles de ce petit
homme rond et persévérant incarné par l'acteur Eduardo Antuña.
Certains des termes employés vont en effet avoir d'importantes
répercussions sur l'avenir très proche de Jesús et de Maria
qu'interprètent respectivement David Pareja et Estefanía de los
Santos. Comme l'évoque le vendeur, si
l'acquéreur de la table la traite bien, elle lui apportera le
bonheur.
Surmontée de deux sculptures en bois dorées, son verre est comme le
prétend le commerçant, IN-CA-SSA-BLE ! Pourtant, Maria n'en
veut pas. Contrairement à Jesús qui jusqu'à maintenant n'a jamais
pris une décision sans l'accord de son épouse. De retour chez eux,
le couple doit recevoir le soir-même le frère de Jesús, Carlos
(Josep Maria Riera) et sa jeune compagne Cristina (Claudia Riera)
qu'ils ne connaissent pas encore. Maria confie la surveillance de
Cayetano à Jesús. Ce dernier est alors en train de monter la table
lorsqu'il se rend compte qu'il manque une vis permettant de fixer le
plateau en verre. Le bébé dans les bras, un accident survient,
causant la mort de Cayetano. Désemparé, son père installe son
petit corps dans une chambre de l'appartement et attend fébrilement
le retour de sa femme... Rien que de très anodin ou presque pour ce
début de récit tragique durant lequel, le père de famille va tout
entreprendre pour cacher à ses proches le décès de l'enfant. Caye
Casas met en scène toute une série d'événements qui vont
contraindre Jesús à reculer le plus tard possible le moment où son
épouse, son frère et sa belle-sœur découvriront la vérité.
Alors
que La Mesita del Comedor démarrait
sous des airs de comédie noire, la réalisatrice s'emploie à
maintenir un suspens dont la longueur finira probablement par achever
la patience d'une partie du public. Entre le choc ressenti vis à vis
d'un drame ayant causé la mort d'un nourrisson et la durée du
long-métrage qui aurait sans doute gagné en un format beaucoup plus
court, il n'est pas impossible que La Mesita del
Comedor aurait
gagné en intensité s'il avait été droit à l'essentiel en coupant
un certain nombre de séquences non essentielles. Car dès lors que
le principe est acquis, inutile de faire durer le suspens au-delà du
nécessaire. Si l'on devine peu ou prou la conclusion, la richesse de
cette histoire tient moins dans la mort du bébé que dans les
raisons qui peuvent l'avoir consciemment provoqué. D'où
l'importance de revenir sur ce qui est dit en début de récit, avec
cette affirmation théoriquement farfelue du vendeur quant aux
''pouvoirs'' de la table, laquelle prend désormais un sens
véritablement concret. Ici, le concept de culpabilité est repoussé
dans ses derniers retranchements. Et pourtant, contrairement à ce
qui apparaît comme une évidence, celle-ci l'est moins lorsque l'on
se remémore cette phrase quasi prophétique : '' si
l'acquéreur de la table la traite bien, elle lui apportera le
bonheur''...
L'humour noir fait alors un étonnant retour au sein du récit et
l'on finit par se demander si la culpabilité est forcément à
rejeter du côté du père plutôt que de celui de la mère. Un
concept dont l'idée peut forcément faire frissonner, rejetant ainsi
la responsabilité sur le dos de la génitrice pour une raison qui
paraît totalement absurde. Cependant, il semblerait que l'objectif
de la réalisatrice et de ses scénaristes soit bien de renverser les
fondements de la morale. Troublant...
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