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jeudi 25 novembre 2021

Grandeur nature de Luis Garcia Berlanga (1974) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Dans la longue, très longue carrière d'acteur de Michel Piccoli, on trouve de tout. Lui qui toucha un peu à tous les genres. Lui qui, aussi, côtoya les plus grands. De Jean-Pierre Melville, Luis Buñuel, Jean-Luc Godard, Constantin Costa-Gavras, Henri-Georges Clouzot jusqu'à Marco Ferreri, Claude Sautet, Yves Boisset, Claude Chabrol ou Leos Carax et même Bertrand Mandico pour lequel il narra Notre-Dame des Hormones en 2015. Une carrière longue de plus de deux-cent quarante interprétations parmi lesquelles, il lui est arrivé d'accepter de jouer dans des œuvres qui parfois sortaient des sentiers battus. Comme Themroc de Claude Faraldo en 1973 dans lequel il tenait le rôle-titre. Un film tout en onomatopées et grognements. La même année qui vit d'ailleurs l'arrivée sur les écrans du ''scandaleux'' La grande bouffe du réalisateur italien Marco Ferreri dans lequel il interprétait le rôle de Michel qui avec trois amis prenaient la décision de se suicider en mangeant. L'année suivante, ce fut au tour de Francis Girod de l'engager sur le tournage du poisseux Le trio infernal basé sur un fait divers sordide mais surtout, très authentique. Des exemples de longs-métrages atypiques dans le paysage française de l'époque, on pourrait en citer beaucoup d'autres. Des œuvres auxquelles Michel Piccoli participait volontiers. Les plus improbables étant toutes concentrées en l'espace de quelques années, c'est donc en 1974 que l'on retrouvait une fois de plus l'acteur à l'affiche d'un film on ne peut plus inhabituel. Une œuvre tellement improbable sur un sujet soufflant sur de telles braises que l'on imaginerait mal voir Grandeur nature sortir sur les écrans de cinéma de nos jours. Un film franco-espagnol qui ne semble pas avoir connu de sortie française ou espagnole récente en DVD ou Blu-Ray (n'hésitez pas à me corriger si je me trompe) tandis qu'il existe une éditions publiée chez Mercury Films qui, s'il s'agit bien de la société fondée par Jennifer Baichwal et Nicholas de Pencier (là encore, si vous avez des informations), est d'origine canadienne...


On ne s'étonnera pas de l'absence sur les étagères de nos magasins spécialisés préférés du long-métrage du réalisateur espagnol Luis Garcia Berlanga. Sans doute condamné aux oubliettes par des distributeurs trop frileux comme semble l'être avec désespoir et depuis tant d'années le très beau et déprimant La petite sirène de Roger Andrieux, Grandeur nature est typique de cette vague de longs-métrages qui faisaient passer leurs contestations à travers des messages éminemment provoquants. Celui-ci n'échappe donc pas à la règle et nous conte l'histoire du chirurgien-dentiste Michel qui après avoir récupéré un encombrant colis à Orly le rapporte chez lui pour le déballer. À l'intérieur, une femme en polyuréthane. Michel est pourtant marié, mais désormais, sa nouvelle compagne portera tel ou tel prénom, selon son envie ou son humeur. Inerte, silencieuse, mais à l'écoute de son nouveau propriétaire, acceptant ainsi tous ses caprices. Forcément... Les histoires d'amour au cinéma, Michel Piccoli, ça le connaît. Mais une histoire d'amour, passionnée, avec une poupée qui ne dit jamais oui, jamais non, c'est peut-être la première que l'on ait eu l'occasion de voir sur un écran. Du moins le sujet est-il traité avec davantage de sérieux que les quelques bobines relativement bouffonnes qui exploitèrent plus tard ce type d'effigie à des fins grossières. Ce que n'est pas au demeurant Grandeur nature puisque le réalisateur espagnol, plutôt que de nous offrir un récit morbide et dérangeant sur une relation intime contre-nature, nous offre plutôt une histoire d'amour un peu différente mais comportant certains codes similaires à toute véritable relation amoureuse entre une femme et un homme.... sans les inconvénients, bien entendu... Et c'est peut-être en partie là que le péché s'installe. Car derrière ce récit passionné et passionnant se cache peut-être un message plus sournois où la femme n'est peut-être rien d'autre qu'un objet dont on peut se servir à loisir sans lui demander son opinion. Encore heureux que Michel Piccoli ne la contraigne pas aux tâches ménagères...


Là où le scénario du scénariste et écrivain Rafael Azcona manque de punch et d'originalité, Luis Garcia Berlanga rattrape les lacunes d'un récit banal en remplaçant la représentation féminine dans tout ce qu'elle a de bien vivant par une poupée. Ce petit détail qui fait toute la différence et qui permet de convaincre le spectateur d'évacuer le sentiment d'indifférence qui pourrait l'étreindre pour le remplacer par de la curiosité si bien ou si mal placée soit elle. La poupée constitue un parallèle avec le concept de femme-objet et Grandeur Nature se découvre alors comme un pamphlet ironique à l'encontre du Mouvement de Libération des Femmes qui quelques années auparavant fut très officiellement né de l'impulsion de plusieurs femmes dont une certaine Antoinette Fouque. Moins virulent et exposant son représentant de la gente masculine sous un jour bien différent que les deux héros de Calmos de Bertrand Blier qui eux, tentaient au contraire tout ce qui était en leur pouvoir pour échapper aux femmes, Grandeur Nature s'offre quelques séquences cultes invisibles de nos jours. Le factice de l'héroïne facilite les choses et la voir nue, exposée aux caprices de celui qui ira jusqu'à l'épouser, s'avère sans doute plus acceptable à l'écran. Certains actes ont cependant gardé de leur caractère provocateur et l'on comprend que les sourcils puissent encore aujourd'hui se froncer chez certain(e)s téléspectateur(trice)s. Grandeur Nature est un OFNI, témoignage d'une décadence et d'une liberté de ton qui depuis ont majoritairement disparu. Mais que nos chères épouses et les fervents défenseurs de la cause féminine se rassurent : ce que l'on pourrait voir comme un anti-féminisme forcené dans lequel l'excellent Michel Piccoli y libère parfois ses plus bas instincts est contrecarré dans ses derniers instants. Car c'est bien celle qui fut muette durant presque une heure trente à laquelle le réalisateur laisse ''le dernier mot''... Culte !

 

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