En 1964, le réalisateur
britannique Terence Fisher adapte à son tour le livre de Robert
Louis Stevenson Strange Case of
Dr Jekyll and Mr Hyde (L'Étrange Cas du docteur Jekyll
et de M. Hyde). L'un des plus célèbres et des plus fameux
romans fantastiques qui depuis le début du siècle dernier fascine
les réalisateurs du monde entier. Entre films d'épouvante et
d'horreur, comédies ou parodies, ce double personnage a été
trituré de toutes les manières possibles. Dans le cas de The
Two Faces of Dr Jekyll,
Terence Fisher inverse une constante qui voulait que jusqu'à
maintenant, le séduisant docteur Jekyll se transforma en un hideux
monsieur Hyde. Une chose ne change pas cependant. Le caractère nocif
de ce dernier, un être abjecte qui bien que dans cette version il
puisse arborer les traits d'un gentleman n'en est pas moins un
individu extrêmement dangereux. Dans cette adaptation d'une rare
noirceur, c'est l'acteur canadien Paul Massie qui incarne le double
rôle du docteur Henry Jekyll et d'Edward Hyde, et dont la
ressemblance avec un autre acteur de même origine est assez
troublante (Michael Sarrazin que l'on a notamment pu découvrir dans
l'excellent téléfilm fleuve Frankenstein: The
True Story
de Jack Smight en 1973). Rien à voir ici ou si peu entre les deux
hommes donc, Paul Massie incarne un docteur Jekyll dont la profession
aurait dû le rendre fascinant mais dont l'attitude envers son épouse
et ses proches le rend plutôt inintéressant, fade et ennuyeux.
Laid, également, puisque plutôt que d'arborer un visage sympathique
ou gracieux, Paul Massie/ Henry Jekyll est affublé d'une fausse
barbe et de faux sourcils qui lui offrent une apparence
particulièrement hideuse (renforcée dans la version française par
un doublage qui le rend antipathique!)...
En
matière d'artifices, c'est tout ce à quoi le spectateur aura droit.
Pas d'effets-spéciaux donc. Pas de transformation aussi saisissante
qu'ait pu être celle de l'acteur américain Fredric March dans la
version de 1931 signée du réalisateur américain d'origine
arménienne Rouben Mamoulian. Une économie de moyens et de temps qui
permettent au réalisateur et ses interprètes de se concentrer sur
l'intrigue et notamment sur l'image renvoyée par le scénario de
Wolf Mankowitz sur une ville de Londres particulièrement décadente.
Car en effet, au delà du simple sujet de la double personnalité
(l'une bonne, l'autre mauvaise) dont le docteur tente de prouver
l'existence, Terence Fisher explore une capitale dont les rues sont
investies par des mendiants et des voleurs et où les petites gens se
retrouvent pour boire jusqu'à plus soif et danser dans une maison
des plaisirs ou travaillent à la chaîne des femmes de petite vertu.
Pas la moindre trace ici d'aristocratie. Ce quartier de Londres qui
pourrait tout aussi bien figurer le tristement célèbre district de
Withechapel où eurent lieu les crimes atroces perpétrés par le
tueur connu sous le nom de Jack l'éventreur en 1988 laisse planer
une ombre perpétuellement menaçante. Le réalisateur insiste tant
bien que mal sur le pessimisme ambiant et l'affaissement généralisé
de la moralité en faisant des quelques personnages qui auraient pu
inverser la vapeur, des êtres que la morale réprouve...
Dans
The Two Faces of Dr Jekyll,
il est difficile de trouver un quelconque personnage attachant, qu'il
soit secondaire ou non. De l'épouse même du docteur (Kitty Jekyll
qu'interprète l'actrice britannique Dawn Addams, en passant par son
amant Paul Allen qu'incarne un Christopher Lee qui dépense sans
compter l'argent de son meilleur ami tout en le trahissant avec sa
propre épouse, jusqu'aux prostituées, conducteurs d'attelage et
client du Sphinx,
cette maison des plaisirs où l'on découvrira le temps d'une scène
le tout jeune Oliver Reed dans l'un de ses premiers rôles au
cinéma). Terence Fisher en rajoute une dernière couche en évoquant
indirectement l'addiction aux drogues puisque dans sa version, le
docteur Jekyll ne boit pas le sérum qu'il a mis au point mais se
l'injecte directement dans les veines avec toutes les conséquences
que cela peut induire. The Two Faces of Dr Jekyll
est une excellente adaptation du roman de Robert Louis Stevenson.
Sans doute l'une des meilleurs, du moins, l'une des plus sombres et
pessimistes. Paul Massie y impose son inquiétant charisme et
surtout, un sinistre sourire qui exprime à lui seul toute
l’ambiguïté du personnage de monsieur Hyde. Terence Fisher
injecte en outre quelques séquences divertissantes qui permettent de
faire baisser la température (ou de la faire monter, c'est selon),
entre la danse lascive d'une charmeuse de serpent que s'arrachent les
grands de ce monde (l'actrice Norma Maria dont les traits auront tout
de même un peu de mal à coller avec l'image d’icône de
sensualité que lui prête le récit) et le spectacle façon ''Crazy
Girls'' du célèbre cabaret de Paris, le Crazy
Horse...
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