Étrange cas que La
Campana del Infierno du
cinéaste espagnol Claudio Guerin, œuvre d’épouvante connue chez
nous sous le titre La Cloche de l'Enfer
(dont certaines affiches mettent la dite cloche au pluriel). Son
déroulement y est inhabituel, nous perdant dans un puzzle dont les
pièces éparses s'imbriquent de manière non linéaire comme pour
nous perdre dans l'esprit malfaisant de ses différents personnages.
L'une des composante étant largement représentée ici, c'est la
folie. Celle de Juan, qui après avoir passé de longs mois dans un
institut psychiatrique retourne enfin chez lui, dans la demeure de sa
mère défunte. Celle ensuite, de Don Pedro, un entrepreneur louche
qui parcourra la pellicule de sa maléfique présence. Et puis, il y
a la tante Marta, et ses trois filles Teresa, Esther et Maria. La
vieille femme clouée sur un fauteuil roulant redoute le retour de
son neveu, tout comme Teresa qui a pour habitude d’adhérer aux
idées de sa mère. Elle aussi ne veut pas du retour de son cousin,
tandis qu'Esther, elle, est impatiente de le revoir. Reste Maria,
coincée entre le désir de revoir Juan et sa méfiance.
Le
long-métrage de Claudio Guerin se traîne une curieuse réputation
d’œuvre maudite. Et pas simplement parce qu'il est revêtu d'une
ambiance fantomatique et d'un mystère s'épaississant au fil de
l'intrigue, mais parce qu'à l'issue du tournage, le réalisateur a
perdu la vie en chutant du haut du clocher de l'église de Noia, en
Galice. Une coïncidence ? Oui, très certainement. Mais une
correspondance qui cultive forcément le fantasme tournant autour
d'un film déjà très spécial dans sa construction. Le spectateur
s'emmêle les pieds dans un montage constitué parfois de flash-back
dont on ne sait plus si certaines séquences font partie du passé ou
du présent. Toujours est-il que La Campana del
Infierno
fait l'objet d'une multitude de machinations. D'abord, celle mise en
place par Juan qui n'a pas pu supporter d'être enfermé dans un
hôpital psychiatrique par sa tante pour des raisons vénales. En
effet, cette dernière, à l'origine elle aussi d'une machination,
refuse d'imaginer son neveu mettre la main sur la fortune de sa mère,
justifiant son acte à travers l'hypothèse que le jeune homme la
dilapiderait très rapidement.et puis, il y a ce personnage de Don
Pedro dont nous parlions un peu plus haut. Un type louche qui en
compagnie de ses camarades de chasse se serait bien laissé aller à
un viol sur l'une des cousines de Juan si ce dernier n'avait pas été
là pour intervenir.
Excellant
dans le maquillage, Juan est un très étrange personnage (comme le
seront d'ailleurs la majorité des individus) incarné à l'écran
par un acteur... français. Renaud Verley interprète en effet le
rôle du jeune homme aux prises avec sa famille et un envahissant
promoteur. Face à lui, l'actrice américano-suédoise Viveca
Lindfors en tante effrayante, clouée dans son fauteuil roulant.
Maribel Martin, Nuria Gimeno et Christina von Blanc composent le
charmant trio de sœurs, du moins, charmantes de par leur apparence
car comme tous ceux que croisera le jeune Juan, aucune d'elles ne
semble tout à fait saine d'esprit. Les décors de La
Campana del Infierno
font partie intégrante de l'histoire. Tourné dans un petit village
espagnol, le cadre est visuellement saisissant. C'est là qu'est
hissée jusqu'au sommet du clocher de l'église, la fameuse cloche
d'un titre qui prendra tout son sens lorsque viendra le moment pour
les différents personnages, de se débarrasser d'un Juan devenu
gênant. Rien n'est vraiment très clair dans ce récit d'épouvante
empruntant quelque peu au thriller. Et pourtant, on s'y laisse
facilement happer grâce au jeu impeccable de ses différents
interprètes, et à l'étrange jeu auquel s'adonnent leurs
personnages respectifs. Et puis, il y a ce final de toute beauté
empruntant une esthétique gothique remarquable se rapprochant très
curieusement de l'excellent Les Innocents aux
Mains Sales
du cinéaste français Claude Chabrol, sorti la même année, en
1974. La Campana del Infierno
risque d'en déconcerter plus d'un, mais il mérite toute l'attention
des amateurs de pellicules horrifiques hispaniques...
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