ATTENTION ! Cet article comporte un ou deux Spoilers !
Cinq ans déjà. Cinq ans qu'est sorti sur les écrans Prometheus de Ridley Scott. Et depuis, cinq années à attendre que nous soient livrées les clés concernant les origines de l'humanité. Celles promises par l'auteur du chef-d’œuvre Alien, le Huitième Passager. Celles que semblaient nous promettre les premières images de cette préquelle inavouée (inavouable) avant qu'elle ne laisse choir son public pour un récit beaucoup plus convenu. Certes, un film pas si mauvais que cela, mais lorsque l'on est en proie à une telle adoration envers l'un des dix plus grands films de science-fiction, on ne peut que se voir offusqué d'être pris pour un imbécile.
Quatorze mai 2017.
Alien : Covenant est sorti depuis quatre jours
déjà et c'est après avoir refusé de me soumettre au dictât des
médias en évitant la moindre image concernant le film que j'emmène
ma promise et son neveu au cinéma, un dimanche matin, à onze heures. Presque pas
un chat, et une séance qui débute mal. Vingt minutes de pubs au
milieu desquelles s'intercalaient quelques sympathiques
bande-annonces. Et puis, les premières minutes d'un film qui n'est
pas celui que l'on attendait. Après avoir enfin observé que le film
qu'il nous projetait n'était pas le bon, le projectionniste
interromps la diffusion. Les lumières s'allument et le public,
philosophe, patiente... comme Anna, Sacha, et moi.
L'écran s'éteint de
nouveau. Cette fois-ci, c'est certain, on y est. Une pièce, immense,
blanche et donnant sur une baie vitrée séparant cet univers
aseptisé de ce que l'on devine déjà n'être qu'une reproduction
numérique d'un paradis terrestre. Un décor vierge que l'on ne
rencontrera guère durant le reste de ce long-métrage qui durera un
peu plus de deux heures.
Alien :
Covenant... Avec un tel titre, Ridley Scott semble renier son
Prometheus qui, sans mauvais jeu de mots, n'a tenu
qu'une part infinitésimale de ses promesses. Pas de Prometheus
2, donc, mais un générique, une typographie, et une bande
originale qui ne laissent aucun doute sur la paternité que le
dernier long-métrage de l'auteur du superbe Blade Runner
entretient légitimement avec l'Alien cité plus haut
et réalisé en 1979. Mais l'existence même de Alien :
Covenant
peut-être elle être considérée comme légitime lorsque l'on
considère que tout était déjà dit à l'époque de la sortie de
l’œuvre séminale scénarisée par l'immense (et je pèse mes
mots) Dan O'Bannon et Walter Hill d'après une histoire du premier et
de Ronald Shusett ? Oui, définitivement, puisque en prenant
lui-même les commande de ce nouveau récit, et ce malgré les
attentes mitigées qui ont pu découler de ce que j'oserais presque
considérer de naufrage cinématographique que fut Prometheus,
Ridley Scott demeure le seul à pouvoir remettre sur les rails une
saga qui s'est dispersée au grès d'imaginaires ne convergeant pas
toujours vers un seul et même but. Après l'épouvante de Scott,
James Cameron se sentit investit du pouvoir de mettre en scène un
vrai bon film de guerre avec cette touche de testostérones que
possèdent toujours ses personnages (Aliens, le
Retour).
David Fincher, quant à lui, offrit une vision claustrophobe et
carcérale tout en sépia du mythe mais qui, malheureusement, ne
sembla pas émouvoir ni convaincre tout à fait le public de
l’hyper-sexuée créature imaginée par le peintre suisse Hans
Ruedi Giger (Alien³).
Enfin, le français Jean-Pierre Jeunet réalisa en 1997 un quatrième
volet, s'il m'avait convaincu à l'époque de sa sortie, m’apparaît
désormais comme le moins bon de la saga, ou du moins, celui qui
semble avoir subit les pires outrages du temps. Une œuvre
esthétiquement bluffante, proposant des idées neuves, mais trop
grand public et divertissante pour être le succédané lui aussi
réussi d'une saga presque irréprochable.
C'est
curieux, mais lorsque vous découvrirez Alien :
Covenant,
peut-être aurez-vous l'étrange impression que Ridley Scott a digéré
les suites de son chef-d’œuvre tout en s'inspirant de quelques
récentes productions de science-fiction. Les militaires armés
jusqu'aux dents rappellent forcément Aliens, le
Retour mais
conservent une certaine humilité digne de ce que l'on peut
s'attendre à voir lors d'une expédition spatiale. Et pas le genre
de soldats pariant sur la longueur de leur queue et huilant leur
biceps avant de foncer tête baissée au milieu du champ de bataille
comme ceux de Cameron. Autre point commun entre les deux films :
les colons. Si certains rapprocheront plutôt A:C
(Alien : Covenant)
du récent Passengers
(les colons servant ici d'unique point de comparaison), comment ne
pas penser au récit du film de Cameron et de sa colonie décimée,
et comment ne pas imaginer avec effroi Ridley Scott réalisant ici,
une préquelle non pas de son propre classique mais de la suite qui
en découla sept ans plus tard en 1986. Non, il n'aurait quand même
osé... ?
Que
l'on soit pour ou contre, s'il y a bien un aspect que l'on ne pourra
reprocher au cinéaste d'avoir voulu intégrer une fois encore, c'est
la superbe partition musicale du compositeur Jerry Goldsmith.
D'ailleurs, si l'on est coutumier de certaines de ses compositions
passées pour le premier volet de la saga, on se rendra compte que le
nouveau venu, le compositeur australien Jed Kurzel, guitariste et
chanteur du groupe The Mess Hall (lequel a remplacé au pied levé
Harry Gregson-Williams qui devait se charger de la bande-originale)
s'est davantage inspiré de certains thèmes plutôt que d'avoir
voulu directement se servir dans le tracklisting de Alien,
premier du nom. Ce qui n'aura en outre pas empêché Jed Kurzel de
composer quelques thèmes personnels franchement oppressants et tout
à fait dans l'air du temps.
Si
Alien, le Huitième Passager
mêlait avec ingéniosité science-fiction et épouvante, Ridley
Scott y intègre désormais une nouvelle donnée : l'horreur.
L'original ayant été relativement discret en la matière (les morts
intervenants parmi les membres du Nostromo étant généralement
filmés hors-champ), cette fois-ci, le cinéaste se lâche. Les
effets-spéciaux numériques remplaçant les trucages mécaniques, la
créature n'a jamais semblé aussi à l'aise dans son environnement.
Bien que l'on puisse généralement leur préférer l'ancienne
méthode consistant à gérer des créatures de latex et de silicone
à l'aide de câbles, les images de synthèses ne sont jamais
« visibles ».
Affirmer l'inverse serait de la mauvaise foi et l'on ne pourra pas
reprocher au cinéaste d'avoir eu envie d'en faire trop à part, oui,
peut-être, lors d'une scène de sauvetage manquant de crédibilité.
L'inconvénient
des scènes d'actions formidablement mises en scène est que leur
succède un certain nombre de passages relativement lents. Si dans la
majeure partie des cas, l'ambivalence ne nuit pas à l'ensemble du
projet, j'avoue m'être ennuyé à deux reprises.
Marqué
par les heures les plus sombres de notre humanité, Ridley Scott
explore également avec Alien : Covenant
l'un
des aspects les plus terrifiants de la seconde guerre mondiale avec
son clone de Josef mengele, cet officier allemand de la Schutzstaffel
qui pratiquait des expériences médicales abominables sur les
prisonniers du camp d'Auschwitz. Le rapport entre l'androïde David
et le médecin-nazi est indéniable.
Alien :
Covenant aurait
tout aussi bien pu être titré Alien 5
si l'absence de l'actrice Sigourney Weaver ne s'était faite
ressentir. Une absence pas si cruelle que cela tant elle avait déçu
dans le quatrième volet des aventures de Ripley et tant l'actrice
Katherine Waterston a su la faire oublier. Un personnage moins viril
sans doute, mais tout aussi charismatique. A ses côtés, un Michael
Fassbender bicéphale (vous comprendrez pourquoi en découvrant le
film) et des seconds rôles très attachants (Danny McBride dans le
rôle de Tennessee, le pilote du Covenant, demeurant sans doute l'un
des personnages les plus marquants).
Mon
verdict : contre toute attente, j'ai vraiment bien aimé cette
suite ? Préquelle ? Du premier Alien ?
De Prometheus ?
qui contrairement à ce que l'on pouvait supposer redonne un sens à
une saga qui était devenue au fil des décennies quelque peu
désordonnée, le comble demeurant la sortie de l'improbable
Prometheus
il y a cinq ans. Fan absolu du tout premier volet sorti en 1979, et
appréciant plutôt bien la suite de l'insupportable et mégalomane
James Cameron, Alien : Covenant m'apparait
comme une très bonne surprise. Qui n'étonnera sans doute pas les
vieux briscards mais contentera très largement un public plus jeune.
A savoir qu'en théorie Ridley Scott devrait réaliser d'ici deux ans
la suite directe de Alien : Covenant...
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