Je voudrais, le temps de
quelques articles, revenir sur quelques-uns des longs-métrages parmi
lesquels, certains m'ont laissé un vif souvenir de par leur aspect
particulièrement malsain. Chose assez rare s'il en est
puisqu'éprouver un réel malaise, je veux dire par là, ressentir
PHYSIQUEMENT un mal-être, est relativement rare au cinéma. A moins
d'être outrageusement sensible, ce qui peut être terriblement
inconfortable à la longue. D'une manière générale, cet
incommodant sentiment qui agace au même point qu'une partie du dos
que l'on ne peut jamais atteindre mais qui nous gratte
inlassablement, l'épreuve ne dure souvent qu'un instant, plus ou
moins long. Aussi brève qu'une piqûre de guêpe, ou lancinante
qu'un mal de tête tenace. Le premier de ces quelques longs-métrages
que j'aimerais évoquer n'a certes, rien d'original. Il suffit de
taper le titre sur la toile pour constater combien il fait parler de
lui depuis la nuit des temps. Et pourtant, j'ai bien envie d'y
apporter mon grain de sel. Ce film, c'est Cannibal Holocaust.
J'en entends presque certains me moquer. Dédaignant l'infâme
pellicule. Non pour son absence de valeur intellectuelle, mais pour
certains aspects qui même après trente-huit ans d'âge, continuent
à hanter les esprits. En fais-je partie ? Oui, certes.
Cannibal Holocaust,
c'est d'abord l'un des tout premiers (LE premier?) Found-footage. A
l'heure ou même le terme n'avait pas encore été inventé, déjà,
le film se démarquait de la concurrence par son aspect
'documentaire'.
Cette facette de l’œuvre qui allait peser très lourd sur les
épaules de Ruggero Deodato, le réalisateur, à cause de rumeurs
selon lesquelles, les interprètes auraient réellement périt lors
du tournage. Cannibal Holocaust,
premier 'snuff
movie'
de l'histoire du cinéma à être officiellement, et définitivement
reconnu en tant que tel ? Oui et non. Oui si vous êtes un
fervent défenseur de nos amis les bêtes. Non si vous mangez de la
viande en vous désintéressant totalement du sort infligé aux
animaux d'abattage lors de leur passage dans les abattoirs. Peut-être
alors ne serez-vous pas choqué par les quelques bestioles qui
passent ici de vie à trépas, et notamment ce pauvre rongeur, qui
sans rien demander, subit une mort particulièrement affreuse
alors même que l'événement n'apporte rien de fondamental au récit
!
Tiens,
le récit justement. Alan Yates, Fayes Daniels, Jack Anders et mark
Tomaso. Le reporter, sa petite amie, et les deux cameramans. Quatre
américains partis découvrir les peuples cannibales d'Amazonie.
Alors qu'ils ne donnent plus signe de vie, le professeur Harold
Monroe est envoyé sur place escorté par Miguel et Chaco Losojos,
deux guides expérimentés et par un indien yacumo qu'ils ont
pris en otage afin de remonter jusqu'au village où les quatre
américains ont semble-t-il disparu. Sur place, il découvrent un
village dont tous les habitants sont terrorisés depuis le passage d'Alan et de ses trois compagnons.
En chemin, Monroe fait une terrible découverte : dans un
sanctuaire érigé par les Yanomamos, il découvre des ossements
ainsi que des pellicules de films. Celles des membres de l'expédition
disparue. Emportant le matériel vidéo, Monroe retourne aux
États-Unis. A New York, il est contacté par les dirigeants de la Pan
American Broadcast Company qui
veulent exploiter le contenu des vidéos. Mais ils sont loin
d'imaginer ce qu'il s vont y découvrir...
Si
le principe du récit en deux actes est une idée plutôt habile,
Cannibal Holocaust
se vautre pourtant malheureusement dans des séquences graphiquement
insoutenables, servant un propos dont le seul intérêt est
d'abreuver le public d'images sensationnelles d'une gratuité
rarissime. Plus haut, j'évoquais le massacre d'animaux. Des actes de
barbarie difficilement soutenables qui n'ont malheureusement, aucune
valeur artistique puisque n'apportant rien de fondamental à
l'action. Il ne s'agit que de voyeurisme, les interprètes s'adonnant
à un sadisme des plus abjecte. Car l'on n'est plus là, face à la
fiction, mais à des faits réels qui ne peuvent servir le septième
art que dans la seule volonté de choquer. Et Ruggero Deodato y
parvient très facilement. Singe, Tortue, cochon sauvage, les
meurtres y sont perpétrés dans le cadre de ce que l'on pourrait
juger de fantasme morbide. Justifiant le besoin de se nourrir des
personnages, l'éprouvante scène durant laquelle une tortue est
décapitée, puis découpée en morceaux alors qu'elle bouge encore
les membres est terriblement malsaine. Ruggero Deodato filme des
individus ayant semble-t-il, perdu toute notion de morale, et filmant
avec un certain plaisir, la mise à mort de l'animal. Un acte
fédérateur puisque dès lors, nos quatre américains ne cesseront
plus de s'adonner à des actes répréhensibles sous couvert de
donner plus d'impact à leur reportage. Un point de vue fort
négligeable si l'on y oppose les meurtres, incendie de village et
viol dont ils vont se rendre responsables, parait-il, par soucis de
diplomatie. Un terme qui fera hurler de rire le public médusé et
confronté à cette morale de pacotille à laquelle le cinéaste
oppose la sauvagerie de ses américains prétendument civilisés
mais finalement plus sanguinaires encore que les cannibales qu'ils
étaient censés rencontrer.
Film
en deux actes donc, Cannibal Holocaust,
s'intéresse d'abord aux recherches effectuées par le professeur
Monroe pour ensuite laisser 'parler'
les caméras des quatre américains. S'érigeant en procureur
dénonçant les actes d'occidentaux venus saccager les terres des
indigènes d'Amazonie, Ruggero Deodato est tout de même sacrément
gonflé lorsqu'il décide de condamner ses 'héros'
à mort. Lui qui à travers un scénario et une mise en scène
douteux s'est cru permis d'outrepasser les limites invoquées par la
raison, le voici qui démystifie les actes de barbarie en rendant ensuite,
justice à ceux qu'il a lui-même blasphémé (suis-je clair?). Cannibal
Holocaust
est une œuvre malsaine, qui mérite son statut de film controversé.
A vrai dire, si on lui ôte tout ce qui fait le 'sel'
des amateurs d'horreur, le film se contente de balader ses
personnages au milieu d'une forêt dans laquelle un serpent peu
figurer une liane et où la moindre morsure peut se révéler fatale.
L'interprétation y est sommaire, l'intrigue grouillante de scènes
donnant la nausée (émasculation, dépeçage, décapitations,
etc...). Bref, le film rempli parfaitement son contrat. A l'heure
d'Internet, certains auront peut-être du mal à cerner ce qui à
l'époque avait pu tant choquer, et pourquoi dans certains pays, le
film fut interdit. Un conseil : faites abstraction de l'époque
dans laquelle vous vivez actuellement. Replongez au cœur de ce temps
où tout était permis. Alors, sans doute, ressentirez-vous ce qu'ont
perçu les spectateurs en cette année 80 où est sorti ce film, parmi
l'un des plus malsains que le cinéma ait produit à l'époque...
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