Petit message à
l'attention de celles et ceux qui aimeraient savoir comment survivre
à la disparition d'un être cher. En l'occurrence, d'un(e) amant(e),
d'un(e) fiancé(e), ou d'un(e) époux(se). Dur de refaire sa vie.
Seul(e). Abandonné(e). Le corps de l'être aimé enterré, ou brûlé,
réduit en cendres, et dispersé. Buo Omega de Joe
D'Amato, connu pour avoir tourné un nombre impressionnant de films
(dont une majorité de pornos) avant de claquer la porte au nez de sa
propre existence le 23 janvier 1999, défie le spectateur rompu à
l'exercice du malaise sur pellicule, de tenir sur la longueur d'un
long-métrage qui n'a pratiquement aucun équivalent en terme
d'effroi et de dégoût. Des sentiments qui se révèlent à mesure
que le récit tournant autour du héros Frank Wyler, incarné par Kieran
Canter, mais également à travers celui d'iris, campé par l'actrice
italienne Franca Stoppi (laquelle n'a pas dû jouer dans plus d'une
dizaine de longs-métrages), se dessine. Alors même qu'à l'écran,
et précisément dans le film qui nous intéresse ici, elle
personnifie à elle seule le malaise que le spectateur finira
inexorablement par ressentir devant ses faits et gestes, accompagnant
ceux d'un Frank désemparé depuis la mort d'Anna, sa compagne, Joe
D'Amato pourvoie son œuvre d'une telle somme d'actes horrifiques,
qu'aucune échappatoire, aucun repos n'est possible. Accompagné par
la musique du génial groupe italien Goblin (auteur notamment des
bandes originales de Zombie
de George Romero, de Contamination
de Luigi Cozzi, ou encore de Phenomena de
Dario Argento), Buo Omega,
curieusement traduit sous le titre Blue
Holocaust
alors que l’œuvre est surtout teintée d'un rouge passablement
vicié, est nihiliste, et d'un sadisme outrancier. Les sentiments
eux-mêmes sont bafoués par l'étrange relation qu'entretiennent
Frank et Iris, cette dernière enfin débarrassée de son encombrante
rivale, la jeune et jolie Anna.
Dans
sa catégorie, Blue Holocaust
est un chef-d’œuvre. Mais encore faut-il être capable de nuancer
ses innombrables défauts, marque de fabrique d'un cinéma
horrifique italien pré-eighties, et de n'y voir que la quintessence
d'un cinéma bis n'ayant cette fois-ci, pas pour principe de divertir
mais de repousser au plus loin, les limites de l'horreur malsaine.
Amateurs d'histoires d'amour mêlant nécrophilie et cannibalisme, bonjour! Oubliez
l'abominable Anthropophagous,
qui de manière incompréhensible revêt encore pour beaucoup une
aura de film culte alors que l'objet n'est qu'un navet pas même
capable de se hisser au niveau du simple nanar. Si certains citeront
quelques passages afin de justifier leur propos, exposant des thèses
inadéquates, le vrai bon, grand, film d'horreur de Joe D'Amato ne se
situe non pas sur une petite île grecque mais bien dans la demeure
d'un taxidermiste qui fou de douleur après la mort de sa fiancée,
décide de ne pas en rester là, et dérobe son corps, l'embaume, et
la conserve chez lui avec la complicité d'iris, étrange gouvernant
qui pour apaiser les pleurs de Frank, n'hésite pas à lui donner le
sein. Ce sont de tels petits détails qui mis bout à bout laissent
envisager une œuvre hautement malsaine, où la déviance sexuelle
n'est que l'une des facettes d'une lutte permanente pour que perdure
la cohésion entre deux individus liés par un même secret.
Franca
Stoppi campe l'un des personnages les plus authentiquement glauques
de l'histoire du cinéma. Iris a le vice dans la peau. Le regard
puant d'un charognard pourrissant sous le soleil du désert, la
gouvernante se révèle incroyablement perverse, et son corps, un
temple où la débauche règne en maîtresse. Qu'il s'agisse de faire
disparaître un cadavre gênant dans de l'acide (voir la scène ultra
glauque se déroulant dans la salle de bain), ou de manger de la
viande hachée menue après avoir jeté dans un trou les restes de ce
même cadavre, Franca Stoppi fait froid dans le dos et inhibe toute
forme d'attirance envers ce spécimen de la gente féminine
totalement barré. Graphiquement, Blue Holocaust
est relativement bien pourvu en scènes d'horreur. Mais alors que
dans bon nombre de longs-métrage, le sang y éclate de sa couleur
carmin, celui de Blue Holocaust
y est corrompu.
Bien
qu'ayant perpétré des actes innommables, on peut comprendre le
comportement de Frank. Chose que l'on ne conçoit pas chez sa
gouvernante et nouvelle amante. Le film de Joe D'Amato souffre de
quelques défauts inhérents au genre et sans doute, par manque de
temps ou de moyens. Quelques détails minimisent la force de certains
passages, comme cette pseudo-américaine incarnée par l'italienne
Lucia D'Ella dont on ne croit pas un seul instant à ses origines en
raison d'un accent déplorable. Presque quarante ans après sa sortie
(à l'époque il fut interdit aux moins de dix-huit ans, c'est dire
si le film est violent) Blue
Holocaust
a su conserver sa nauséeuse ambiance, preuve que Joe D'Amato était
capable de rivaliser avec les vrais spécialistes du cinéma
d'horreur. Un véritable choc à regarder l'estomac vide...
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