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mercredi 28 février 2018

Manon des Sources de Claude Berri (1986) - ★★★★★★★☆☆☆



Le cinéaste Claude Berri n'aura pas attendu le nombre des années pour que de la charmante petite Ernestine Mazurowna éclose une belle jeune femme mais a choisi de tourner dans la foulée de Jean de Florette, une suite se situant bien des années après le drame qui a touché la petite famille du bossu, Jean Cadoret. Après avoir disparu du casting, la jeune actrice s'est donc vue remplacée par Emmanuelle Béart, fille de l'auteur-compositeur et interprète de la chanson française Guy Béart. C'est la seconde fois que la jeune femme tournait auprès de son compagnon à la ville, Daniel Auteuil. Un rôle qui se révélera difficile pour l'actrice qui éprouvera quelques difficultés à tourner des scènes durant lesquelles elle devra faire preuve d'une certaine violence verbale envers l'homme qu'elle aime hors plateaux. Comme Jean de Florette avait révélé un Daniel Auteuil s'écartant très nettement des personnages qui lui avaient été confié jusqu'à maintenant, Manon des Sources offre à Emmanuelle Béart l'un de ses rôles les plus touchants. Une histoire d'amour impossible entre une belle sauvageonne le cœur toujours empli d'amertume envers celui qui provoqua la mort de son père et un paysan un peu sot fou d'amour pour la belle jeune femme qu'est devenue la gamine d'antan...

Si dans les grandes lignes, l’œuvre de Claude Berri se rapproche sensiblement de la version offerte en 1952 par Marcel Pagnol, les deux Manon des Sources cinématographiques conservent en revanche de grosses différences au niveau du déroulement du récit. Claude Berri s'inspire avant tout du roman paru en 1963, seconde partie d'un diptyque réunissant deux ouvrages sous le titre L'Eau des Collines. La disparition de Jean Cadoret, et par conséquent, celle de Gérard Depardieu, aurait pu peser sur cette suite qui conserve encore fort heureusement deux de ses plus charismatiques personnages. Daniel Auteuil et Yves Montand sont donc encore là, bien présents, dans leur rôle respectif d'Ugolin et de César. Plusieurs années ont passé depuis la mort de Jean mais le temps n'a pas eu d'effet sur ces deux personnages, dont un César qu'un détail minime tente de vieillir : en effet, désormais le plus vieux représentant des Soubeyran ne peut plus se passer de sa canne. Vieillissant, et donc plus proche de la mort que jamais, il compte sur Ugolin pour perpétrer le nom de la famille. Et justement, voilà que ce dernier vient de croiser la route de Manon, désormais une jeune et remarquablement belle adolescente. Partie s'installer chez Baptistine, la sorcière italienne du premier épisode qui vivait en compagnie de son mari dans une grotte, sur la propriété des Cadoret, la jeune femme n'a pas oublié tout le mal que lui ont fait Ugolin et son oncle. On pourrait même dire le village tout entier puisque chacun connaissait l'existence d'une source sur le terrain de la ferme des romarins mais jamais personne n'en a parlé à Jean et les siens. Un sujet fort délicat que certains préfèrent éviter. Un détail qui aura son importance et qui générera un certain malaise qui se ressentira même au delà de l'objectif puisque le spectateur lui-même pour se trouve gêné devant les propos et les regards accusateurs visant Ugolin et sa miraculeuse réussite.

Car son projet, celui qui le poussa des années en arrière à manigancer contre celui qui fatalement, allait devenir son ami à son contact, est désormais des plus concret. Ce qui demeure également palpable, c'est l'esprit de vengeance de Manon. Qui d'une part va se venger des habitants de la région en bouchant une source, tarissant ainsi la fontaine du village et tous les points de ralliement en eau, et d'Ugolin en lui refusant son amour. Un rejet qui aura, comme on le découvrira très vite, des répercutions graves. Là où le génie de Marcel Pagnol, et par conséquent celui de Claude Berri, explose, se situe dans l'impacable destin offert à ses protagonistes. Car si l'on remonte en arrière, du temps du récit tournant autour du personnage de Jean Cadoret et que l'on suit les péripéties de ce second volet jusqu'à la révélation finale, le spectateur se rend compte que tout est inexorablement lié.

Cette suite a été tournée à Mirabeau, petite commune française du Vaucluse de la région PACA. Si une partie du casting, notamment certains villageois, est identique à celle du premier volet, Claude Berri fait appel à quelques nouvelles têtes, telles que Hippolyte Girardot, qui n'a aucun lien de parenté avec l'immense et regrettée Annie Girardot et n'avait joué jusque là que dans une toute petite dizaine de longs-métrages. Il interprète désormais le rôle de l'instituteur Bernard Olivier, passionné de géologie et problème initial d'un Ugolin qui voit bien que la jeune et belle Manon n'a d'yeux que pour le nouvel arrivant. On reconnaîtra également la trogne si particulière de l'acteur, chanteur et musicien Ticky Holgado qui, ici, incarne le personnage du génie rural venu secourir des villageois impatients de résoudre le problème de l'eau. La boucle étant désormais bouclée, ne reste plus au spectateur qu'à assister au désenchantement d'une famille loin d'imaginer les tenants et les aboutissants d'une telle aventure. Yves Montand demeure toujours aussi remarquable, et Daniel Auteuil, comme ce fut le cas pour Jean de Florette, obtiendra une fois encore le César du meilleur acteur. Quant à celui de la meilleure actrice dans un second rôle, il reviendra à Emmanuelle Béart. Une récompense qui prouvera combien la jeune femme aura eu raison de passer outre certaines réticences, et d'avoir eu confiance en Claude Berri. De manière tout à fait subjective, et en tenant malgré tout compte de l'interprétation, de la mise en scène ou de la superbe partition musicale de Jean-Claude Petit, Manon des Sources demeure peut-être très légèrement en deçà du premier volet. Quoique...

mardi 27 février 2018

Jean de Florette de Claude Berri (1986) - ★★★★★★★★☆☆



Je me souviens encore de la découverte, il y a plus de trente ans, de ce premier volet du diptyque que forment Jean de Florette et sa suite Manon des Sources. Un véritable festival des sens. Le genre de long-métrage qui malgré le drame qui entoure inexorablement ses personnages vous donnait envie de recourir à une forme de retour à la nature. Jeter à la poubelle une existence vouée à l'accumulation d'objets aussi hétéroclites qu'inutiles et à un mode de pensée autrement plus futile que les préoccupations liées à la terre que foulent au quotidien les paysans de nos campagnes. Redécouvrir aujourd'hui Jean de Florette permet plus que jamais de ressentir ce besoin de fuir un monde où règnent en maîtres absolus et sans partage, la dématérialisation, l'individualisme et ce besoin irrépressible de reconnaissance. Pour vivre heureux, vivons cachés derrières ces collines embrasées, caressées par les rayons d'un Soleil généreux. S'allonger entre deux rangées de légumes, tendre l'oreille et écouter le chant des cigales, celui des oiseaux, ou le doux et irrégulier murmure du vent.
D'après Marcel Pagnol pourtant, vivre à la campagne n'est pas une sinécure. Surtout lorsque l'on vient de la ville et que l'on tente d'imposer à Mère Nature une science apprise dans les livres et basée sur un certain nombre de probabilités. Parmi lesquelles, sans doute, certaines confirmeront les études menées par des chercheurs en agronomie qui n'auront jamais été au delà de la simple théorie basée sur des formules mathématiques assez logiques à comprendre mais ne prenant jamais en compte la mauvaise humeur d'une nature hostile envers celles et ceux qui voudraient lui donner des leçons. Jean de Florette est d'abord le combat d'un homme contre la nature. Nature imprévisible, désordonnée, dont le comportement est toujours la source d'ennuis pour celui qui n'a pas pris le temps de l'écouter, de l'apprivoiser. Tellement revêche envers l'homme de la ville, l'homme de science qui plante ses graines les mains gantées, qu'il lui arrive de faire tomber la pluie là où personne ne l'attend, laissant désœuvré celui qui espérait encore il y a un instant, pouvoir de nouveau remplir son puits et offrir à son potager, de quoi étancher sa soif. Conspué par des hommes et des femmes qui ne connaissent que la mauvaise réputation de ceux de la ville, Jean Cadoret dit « Jean de Florette », fils de Florette Camoins, dite Grafignette, débarque en Provence, près d'un joli petit village, à la ferme des Romarins qu'il a reçu en héritage après la mort du propriétaire, son oncle Pique-Bouffigue, frère de Florette. Jean arrive avec femme et enfant. Aimée, et surtout la charmante Manon, qui sera interprétée plus tard par la magnifique Emmanuelle Béart dans le second épisode tourné la même année. C'est là qu'ils font la connaissance d'Ugolin Soubeyran, de la famille Soubeyran dont l'un des rares représentants à part lui demeure César, dit le Papet. Pas très intelligent celui que nomme son oncle Galinette. Pas très propre sur lui non plus. Mais l'amour que porte au nom des Soubeyran l'ancêtre vieillissant est tel, qu'il décide de tout faire pour que Jean et sa famille renoncent à leur bien, et acceptent de le vendre à bas prix. Et pourquoi pas aux Soubeyran eux-même. Tout ça pour des œillets !

On l'aura compris, Jean de Florette n'est plus seulement le combat d'un homme contre la nature mais aussi celui de ce même individu face à deux membres d'une même famille prêts à tout pour lui prendre son bien. Au centre du duel qui va s'engager : l'eau. Comme elle sera également au centre de Manon des Sources. Mais alors que dans ce second volet, c'est tout un village qui se battra pour le retour de cet élément fondamental, la bataille menée dans Jean de Florette prend une allure individualiste à laquelle personne ne tentera d'apporter une solution heureuse. Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés. C'est forcément la faute au bossu, puisqu'il est de la ville. C'est lui qui refuse de se mêler à ceux du village. Tout au plus entretiendra-t-il une relation amicale avec Ugolin. Le voisin vilain mais généreux. Prêt à lui offrir quelques sceaux d'eau pour ses cultures. Et en arrière-plan, un Papet qui veille à ce que le nouvel arrivant se lie d'amitié avec son neveu afin de faciliter la vente prochaine du domaine au profit de l'ami Ugolin. Sauf que Jean de Florette, avec ses paysages magnifiques, ses collines à perte de vue, son village, sa fontaine, et sa chaleur écrasante va prendre les allures d'une épreuve longue et douloureuse pour le personnage qui prête son nom au titre de ce premier volet.

Un personnage incarné par le déjà immense et très prisé Gérard Depardieu. Un acteur dont le jeu fascine déjà depuis de nombreuses années certains cinéastes. Tel Bertrand Blier qui lui offrira en 1974 son premier rôle principal dans le cultissime Les Valseuses. Après cela, ce fils de tôlier-formeur en carrosserie croise la route des plus grands réalisateurs français ou étrangers de l'époque. Claude Sautet, Jacques Roufio, Bernardo Bertolucci, Marco Ferreri, Barbet Schroeder, Claude Miller, Alain Jessua, Alain Resnais, François Truffaut, Daniel Vigne ou Alain Corneau pour n'en citer que quelques-uns, vont asseoir la réputation de cet acteur hors norme qui du coup, se trouvera donc à l'affiche en 1986 et pour la seconde fois de sa carrière, dans une œuvre mise en scène par le cinéaste, producteur, scénariste et acteur français Claude Berri. Jean de Florette est sans doute cette année là, le projet de la plus grande ampleur qu'ait tourné jusqu'à maintenant le réalisateur. Il s'agit surtout pour Claude Berri d'adapter l’œuvre de l'écrivain Marcel Pagnol, dont la particularité fut d'avoir d'abord réalisé un long-métrage éponyme en 1952 avant d'en écrire la novélisation en 1963. S'il demeurait un interprète dont la présence paraissait déjà évidente et plus que vraisemblable, il s'agissait bien de l'immense Yves Montand, avec lequel Gérard Depardieu allait partager en toute modestie l'affiche du Choix des Armes d'Alain Corneau cinq ans auparavant.

Plus compliquée fut la participation de Daniel Auteuil dont Claude Berri avait plutôt judicieusement cerné une carrière d'acteur qui jusque là était demeurée anecdotique. Cantonné aux rôles légers dans des comédies tout aussi insouciantes, l'acteur avait pourtant interprété quelques personnages plus durs (Les Fauves) et semblait donc capable d'incarner le très important rôle d'Ugolin. Il ne fut pourtant pas le premier choix du cinéaste puisqu'au départ, Claude Berri avait prévu de réengager l'acteur-humoriste Coluche après sa superbe interprétation dans Tchao Pantin en 1983 (qui lui valut d'ailleurs le César du meilleur acteur l'année suivante). Mais un problème de cachet mettait un terme à la proposition du cinéaste devant un Coluche apparemment peu intéressé par le montant proposé. Au regard des rushs, le spectateur peut s'estimer heureux d'avoir pu finalement contempler Daniel Auteuil, infiniment plus convaincant que l'acteur-humoriste. Quant à Jacques Villeret, c'est après le refus catégorique d'Yves montand de le voir incarner Ugollin qu'il fut écarté du projet. C'est l'actrice et parolière Élisabeth Depardieu, alors épouse de Gérard jusqu'au début des années quatre-vingt dix qui assure le rôle d'Aimée, la femme de Jean.

Claude Berri réalise une œuvre dense, merveilleusement interprétée, mise en musique par un Jean-Claude Petit au sommet de sa carrière (suivront notamment les bandes originales de Cyrano de Bergerac et de Uranus, tous deux également interprétés par Gérard Depardieu), et s'inspirant de l'opéra La forza del destino du compositeur romantique italien Giuseppe Verdi. La photographie est belle, les différents paysages servant de cadre au récit sont de toute beauté et sont le reflet d'une France profonde idyllique. Mais ces belles images ne doivent pas nous faire oublier que derrière cette impression de calme et de chaleur, se cache la transposition rurale de thématiques vécues dans les milieux urbains. Ce rêve partagé par des millions d'individus ivres de pouvoir un jour transporter leur quotidien dans un univers moins austère et bétonné que les grandes villes peu cacher en son sein, de vrais drames humains. Depardieu, Montand et Auteuil forment un trio inoubliable et intemporel. Jean de Florette est de ces longs-métrages que l'on pourrait regarder en boucle tout en leur imaginant un déroulement moins sombre faisant de ses héros de véritables compagnons de route. Un aspect qui malheureusement pour ses personnages et pour le bonheur des cinéphiles ne fera que s'accentuer dans l'excellente suite Manon des Sources...
Interview d'Yves Montand + les rushs de Coluche 

lundi 26 février 2018

Au Revoir Là-Haut d'Albert Dupontel (2017) - ★★★★★★★★★☆



Albert Dupontel aura mis un quart de siècle pour s'éloigner du difficile cap de l'adolescence. On parle ici, du Dupontel cinéaste car l'acteur, lui, a déjà abordé des rôles plus durs, moins enfantins, que lors de ses premiers émois cinématographiques. On l'a vu donc passer du trashy Bernie au bouleversant Deux Jours à Tuer avec un naturel qui n'appartient qu'aux plus grands. Aujourd'hui, Albert Dupontel joue dans la cours des plus grands cinéastes avec, sans doute, le point culminant de sa filmographie. Qui aurait pu croire qu'un jour ce français originaire de Saint-Germain-en-Laye, dont le prénom plutôt casse-gueule d'Albert n'est qu'un pseudonyme dont le choix s'explique par sa volonté de préserver ses proches, allait s'offrir une carrière aussi brillante ? Sans doute moins délirant que par le passé, l'acteur-réalisateur-scénariste adapte pour la première fois un roman. L’éponyme Au Revoir Là-Haut de Pierre Lemaire.

Albert Dupontel a toujours été un créatif à l'imagination débordante et un brin... bordélique. Alors qu'il avait prévu à l'origine d'offrir le rôle qu'il incarne dans le film à l'acteur belge Bouli Lanners, il offre celui d’Édouard Péricourt à l'acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart. Originaire de Buenos Aires, le jeune homme y explose littéralement. Son personnage gravement blessé durant la première guerre mondiale alors qu'il tentait de sauver son camarade de tranchée Albert Maillard a perdu l'usage de la parole. L'acteur s'y exprime donc tel un mime affublé de masques remarquables qu'il fabrique lui-même avec les moyens du bord (du papier mâché). Dessinateur hors-pair, c'est après la guerre qu'Albert et Édouard, sans le sou, décident de monter une arnaque en proposant un catalogue de monuments aux morts constitués de dessins. Une fois l'argent des commandes passées par les municipalités, les deux hommes prendront la fuite sans envisager le moins du monde de fabriquer le moindre monument. Malheureusement pour Albert et Édouard, l'une de leurs victimes ne sera autre que Marcel Péricourt, le père du second (l'extraordinaire Niels Arelstrup).

Ce résumé, je l'accorde, fort succinct, n'est le reflet que d'une part infime d'un scénario foisonnant d'idées. Au Revoir Là-Haut fourmille de séquences, nous proposant en préambule une vision de la guerre particulièrement dure, et développant par la suite un retour à la vie civile ne fêtant ses héros qu'à travers d'immenses symboles de bronze (les dits monuments aux morts). Nos deux soldats retournent ainsi à la vie normale sans un sou ou presque en poche. Au Revoir Là-Haut ressemble à un immense chapiteau sous lequel vont se succéder autant d'histoires personnelles que le long-métrage compte d'interprètes. A ce titre, Albert Dupontel s'est offert un casting en or. Car outre la participation de Nahuel Pérez Biscayart, l'acteur-réalisateur-scénariste nous offre une vision plurielle de la cruauté morale. Entre un Laurent Laffite monstrueux jusqu'au bout, et un Niels Arestrup en père froid, insensible PRESQUE jusque dans ses derniers retranchements, Albert Dupontel apporte à son fond de commerce situé entre provocation et analyse du comportement humain, la poésie d'un conte pour adultes aussi cruel que majestueux. Aussi surréaliste que le cinéma de l'ancien binôme constitué en son temps par Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro. On retrouve d'ailleurs ce même amour pour l'histoire de France et ce besoin irrépressible de faire revivre le passé mais avec en plus, la puissance et la passion de la Magie qui faisaient défaut dans l'ennuyeux Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet en solo.

Émilie Dequenne, Mélanie Thierry, Heloïse Balster (Louise, l'enfant qui accompagne durant toute leur histoire, Albert et Édouard), Michel Vuillermoz (énormissime!!!), et bien d'autres encore constituent le ciment d'une cathédrale bâtie sur les sentiments. Les émotions s'enchaînent avec un naturel qui frise le génie. A l'horreur succède le rire, lequel est chassé pour un court instant par l'émotion palpable née du simple regard d'un père pour son fils. Nous pourrions évoquer la superbe photographie de Vincent Mathias, la musique de Christophe Julien ou les costumes de Mimi Lempicka et bien d'autres choses encore. Mais le mieux reste encore de découvrir Au Revoir Là-Haut par soit-même. Le digne successeur de... Santa Sangre d'Alejandro Jodorowsky, rien de moins...

dimanche 25 février 2018

Daisy Diamond de Simon Staho (2007) - ★★★★★★★★★☆



Plus on remonte dans la carrière de l'actrice suédoise, et plus l'on se rend compte de l'immense talent de Noomi Rapace. Ridley Scott lui confiera le rôle de Elizabeth Shaw dans Prometheus en 2012. Plus loin dans le passé, on l'aura découverte dans l'excellent et fantomatique Babycall du norvégien Pål Sletaune. Et même quelques années auparavant dans l'impressionnante trilogie danoise Millenium. Mais s'il demeure une interprétation plus remarquable encore que les autres, c'est le rôle qu'elle a tenu en 2007 dans l'effroyable Daisy Diamond. Une œuvre extrême réalisée par le cinéaste danois Simon Staho pour le compte duquel l'actrice s'est entièrement mise à nu. Au propre comme au figuré. Une expérience de cinéma totale. Sublime autant qu'abjecte. Une descente aux enfers sans fil d'ariane pour se raccrocher à un quelconque espoir.
Le cinéaste choisi de tourner un film aussi cru que la vie elle-même. Noomi Rapace y explose littéralement dans le rôle d'une mère de famille sans conjoint, livrée à elle seule et s'occupant d'une petite Daisy qui ne cesse de pleurer. La jeune femme tente de décrocher un rôle au cinéma mais sans jamais y parvenir. Devant les pleurs incessants de son bébé de quatre mois seulement, la jeune femme pète les plombs et se résout à une alternative qui va la mener droit en Enfer. Un cauchemar qui n'épargnera ni son personnage, ni son interprète, ni les spectateurs.

Alors que certains spectateurs calfeutreront probablement leur peur du spectacle devant un jugement hâtif dénigrant la grande cruauté dont fait preuve le cinéaste envers ses personnages, les autres y verront matière à s'extasier devant une mise en scène aussi sobre dans son approche que sont difficilement soutenables certains passages. Noomi Rapace, à poil ! Dénudée, écartelée entre l'amour que porte son personnage à son enfant et la succession de déconvenues professionnelles, le chemin est long et douloureux entre ses aspirations et la fin que lui offre l'implacable script écrit à quatre mains par le cinéaste lui-même en compagnie de Peter Asmussen. Une douloureuse expérience cinématographique qui laisse entrevoir la fin tragique de son héroïne.

Entre fiction et réalité, les scènes se succèdent, se confondent, laissent entrevoir la part de vérité qui se détache des perspectives offertes par les différents casting auxquels assiste l'héroïne. Qui mieux qu'Anna, le personnage incarné par Noomi Rapace pourrait interpréter ces rôles que l'on confiera pourtant à d'autres ? La première scène ouvrant le bal des horreurs est significative et renvoie déjà, au terme du récit. Un couple. Anna et son amant. Un fix d'héroïne, un quasi-viol, et les pleurs d'un enfant. On croit à une ellipse mais le changement de cadre déclare son amour du cinéma brut. Ouf ! On respire. Tout n'était qu'un jeu. Celui de deux interprètes s'offrant à deux directeurs de casting. Mais on ne le sait pas encore, cette première scène déjà jusqu’au-boutiste est une mise en bouche du calvaire que va vivre dès lors le personnage d'Anna.

Noomi Rapace... qui se rase le crâne, les aisselles, le pubis, qui hurle et pleure devant la caméra. La morve au nez, elle s'endort. Libérée... ? Les casting s'enchaînent sans qu'Anna n'obtienne aucun rôle. Et lorsqu'enfin le miracle arrive, son personnage est supprimé du script. Et toujours, Daisy qui pleure. Noomi sans maquillage. Le visage gras, boutonneux, les pores dilatés. Simon Staho n'a clairement pas l'intention de filmer l'actrice sous son meilleur jour. Du cinéma-vérité. Rapace exécute ce que peu d'actrices auraient accepté de tourner.
Daisy Diamond est glaçant, aussi douloureux qu'un uppercut, jamais emprunt de sensualité, violent dans ses propos et dans son visuel. Noomi Rapace y est tour à tour agressive, douce, maternelle, infanticide. Si son personnage stagne au premier niveau d'une carrière qui ne décollera jamais dans le circuit classique, l'actrice, en revanche, y éclate littéralement. L’œuvre de Simon Staho est certes noire et désespérée, mais à la fois belle et essentielle. Elle permet surtout de découvrir une facette de l'univers cinématographique peu courante. Déjà un classique...

samedi 24 février 2018

The Mutilator de Buddy Cooper (1985)



Six amis, trois filles et et leurs compagnons respectifs, décident de se rendre dans un chalet au bord de l'océan afin d'y passer le week-end. Appartenant au père de l'un des garçons, le groupe s'étonne d'y voir régner le désordre. Des bouteilles d'alcool scrupuleusement vidées trônent un peu partout, au mur sont suspendus des trophées de chasse mais parmi les armes du patriarche, l'une d'elles manque à l'appel. Et pour cause : le propriétaire des lieux est présent, endormi dans le garage de la demeure. Réveillé par le bruit que font les jeunes adultes à l'étage, il décide de profiter de la nuit à venir pour les décimer les uns après les autres...

On ne va pas aller par quatre chemins. The Mutilator de Buddy Cooper ne restera pas dans les annales du slasher. Datant de 1985, il ne rivalise jamais avec les classiques du genre, Vendredi 13 et Halloween, et n'atteint jamais la qualité des monuments que sont The Burning et The Prowler. Comme la quasi totalité des œuvres du genre, The Mutilator comporte sont lot d'adolescents bas du front, obsédés par le sexe, buveurs de bière, et systématiquement animés par la volonté de se séparer de leur groupe afin de faciliter la vie du tueur qui trouve alors l'opportunité idéale de les tuer sans être aperçu des futures victimes. Sauf qu'ici, Buddy Cooper ne s'emmerde pas avec la moindre vraisemblance.
Qu'une jeune femme se fasse dessouder dans une piscine avec son compagnon à quelques mètres de là seulement n'a pas l'air de gêner quiconque. Comme le cinéaste n'a pas l'air de savoir quoi faire de ses personnages, il leur propose de participer à une partie de monopoly, puis à une promenade sur la plage, et enfin, pour finir avant d'aller au lit, les quatre amis qui s'étaient quand même à l'origine donné pour mission de retrouver leur deux autres compagnons, vont jouer à cache-cache dans une maison à peine ombragée, rendant l'acte parfaitement ridicule.

En fait, le principal soucis avec The Mutilator, en dehors qu'il soit d'un ennui et d'un calme presque assourdissants, c'est qu'il ne s'y passe presque rien. Si l'on enlève le peu d'intérêt qui peut encore se dégager des quelques effets gore dont certains, reconnaissons-le, sont assez réussis, le reste du film n'est qu'une succession de scènes plates qui n'arrivent même pas à se hisser à la hauteur des pires slashers.

Comme dans bon nombre de slashers, le film s'ouvre sur une scène devant justifier la suite des événements. Ici, il s'agit d'un gamin ayant tué sa maman par accident le jour de l'anniversaire de son père. Lorsque ce dernier débarque à la maison et trouve son fils penché sur le cadavre de sa mère, le père le bouscule et déplace le corps de son épouse. On comprend donc que l'homme vient de perdre la tête et l'on suppose assez vite qu'il sera le tueur. D'autant plus que, cette fois-ci contrairement à une majorité des slashers, on sait très vite qu'il est bien le tueur puisque son visage nous est montré bien avant le début du massacre. A part la volonté du père d'assassiner son propre fils, coupable du meurtre de sa femme, on doute de l'intérêt pour lui de vouloir emporter l'existence des cinq autres.
The Mutilator ne va jamais au bout de ses idées. Du moins, elles ne semblent jamais véritablement définies et leur réalisation et des plus médiocre. On rit parfois alors même que l'humour n'a pas lieu d'être (le blondinet mettant une heure à s'effondrer, le tueur coupé en deux, capable d'asséner un dernier coup). Les fans du genre trouveront sans doute un quelconque intérêt au film, les autres, plus attentifs au scénario et à l'interprétation, trouveront l’œuvre d'une piètre qualité...


vendredi 23 février 2018

Brillantissime de Michèle Laroque (2017) - ★★☆☆☆☆☆☆☆☆



Une étoile pour Kad Merad, une autre pour Gérard Darmon, et surtout, une dernière pour Françoise Fabian. Pas une de plus, et sur dix, ça ne pèse pas lourd. Brillantissime est le premier, et espérons-le, dernier long-métrage de et avec Michèle Laroque. Et un naufrage artistique à l'ampleur abyssale. Rien que le titre est un mensonge éhonté qui trompe sur la marchandise. L'actrice-réalisatrice aura beau avoir convoqué une belle brochette d'acteurs, la sauce ne prend pas. Si sa volonté fut de proposer un catalogue exhaustif de poncifs, de répliques éculées et de clichés, Michèle Laroque a alors parfaitement rempli sa mission. On ne peut concevoir Brillantissime comme l’œuvre d'une cinéaste accomplie. Comment s'expliquer que le long-métrage soit aussi triste ? Que la bande-musicale d'Alex Beaupain soit aussi désolante que la directions d'acteurs ?A ce titre, seul Bénabar semble avoir profité d'un scénario mort dans l’œuf pour composer la belle et mélancolique chanson Cimetière du Midi. Concernant les interprètes, pour revenir aux premiers évoqués, Kad Merad n'est pas le plus mauvais même si on l'a connu en plus grande forme. Gérard Darmon demeure peut-être l'un des rares à tirer son épingle du jeu même si son interprétation est parfois fade. Quant à Françoise Fabian, c'est bien elle qui incarne l'un des rares personnages à demeurer véritablement intéressant. Allez, ajoutons au tableau des quelques toutes petites bonnes idées, la participation de l'espagnole Rossy de Palma en meilleure et originale amie de l'héroïne Angela, interprétée, elle, par Michèle Laroque.

Quant aux autres... Pascal Elbé, Pierre Palmade, Marthe Villalonga ou Jean Benguigui, tous sont sous-exploités. Concernant Michael Youn, cela peut encore se comprendre. Un compagnon d'un soir, d'une nuit... Plutôt que de s'attarder sur quelques idées, Michèle Laroque semble avoir esquissé sur le papier une foule de propositions, sans faire le choix entre certaines d'entre elles, nous les imposant et constituant ainsi un catalogue complet de scènes convenues.
C'en est presque dérangeant. Surtout lorsque l'on apprécie l'artiste qui à plusieurs reprises à partagé la scène avec son complice, l'excellent Pierre Palmade. Puisque l'on ne rit que très rarement, on finit par espérer ce moment de tendresse ou d'émotion qui survient désormais dans la majeure partie des comédies. C'est ainsi qu'abandonnée par son petit ami, la fille d'Angela (Oriane Deschamps, la fille de Michèle Laroque dans la vie), chanteuse dans un petit groupe de rock, se retrouve seule sur scène. Rejointe par sa maman, mère et enfant interprètent ensemble la chanson La Vie au Ras du Sol. C'est mignon, sans plus. Pas de quoi verser sa petite larme ni de supporter les effluves des autres spectateurs, je l'espère, aussi médusés que j'ai pu l'être.

Je disais donc plus haut qu'il m'était arrivé de ressentir une réelle gêne devant certaines scènes. Michèle Laroque, Benjamin Morgaine et Lionel Dutemple semblent avoir eu si peu d'imagination (trois scénaristes et une majorité de scènes empruntées ailleurs, faut le faire !!!) que l'on assiste parfois à un étalage de scènes copiées, collées. Combien de fois avons-nous par exemple effectivement déjà vu ce classique concernant le personnage principal à mettre honteusement les pieds dans un sex-shop planqué sous un imperméable et sous une épaisse paire de lunettes ? Ce passage n'est que l'une des très nombreuses scènes piochant dans l'immense banque cinématographique. Brillantissime transpire la naïveté à plein nez, mais lorsque l'on paye sa place pour voir un film qui mériterait déjà à peine que l'on s'y abandonne devant son propre écran de télévision, on a plus vraiment envie de sourire de tendresse pour cette première et pauvre tentative ratée. On s'apitoie. Ô, non pas pour l'humoriste-actrice-réalisatrice-scénariste. Non pas pour ses interprètes ou pour son équipe technique. Mais plutôt pour soi-même, et pour tous ceux qui tomberont dans le piège. Peut-être l'un des plus mauvais films qu'il m'ait été donné d'aller voir au cinéma. Pas aussi désastreux que le néant absolu que fut Paranormal Activity, mais quand même sacrément décevant...

At Granny's House de Lee Mahone (2015)



Le fils de Marion Rogers en est persuadé : il faut à sa mère une aide de vie. Son époux mort depuis des années, la vieille femme rarement son fils qui trouve là, une opportunité d'espacer davantage encore ses passages dans la petite ville de Haley. Celui-ci jette son dévolu sur la jeune et jolie Rebecca Torrance dont les références sont solides. Accueillie froidement par la propriétaire des lieux, Rebecca finit avec le temps par se faire accepter par Marion.
Un jour, la jeune femme a la curieuse idée de proposer à Marion de transformer sa demeure en maison d'hôtes. Ensemble, elles s'inscrivent sur un site internet et proposent au voyageurs de passage de dormir gratuitement une nuit dans la maison de Marion. Accueillis par les deux femmes, les premiers intéressés arrivent et repartent très tôt le lendemain matin. Du moins, c'est ce que croit Marion. En effet, Rebecca tue, les uns après les autres, ceux qui tombent dans son traquenard. Jusqu'au jour où débarque un couple dont le mari et Rebecca vont se débarrasser de l'épouse. Très vite, ceux-ci forment un couple en amour et dans la mort. Pire : celle que l'on croyait inoffensive sait ce que trament sous son toit les amants diaboliques. C'est alors que débarque un détective engagé dans une enquête à la recherche de l'épouse disparue...

Réalisé et scénarisé par Lee Mahoney, At Granny's House est une œuvre assez curieuse. Non pas que le film soit mauvais ou mal interprété, mais il laisse d'abord un goût étrange dans la bouche. Comme une œuvre dont chaque plan n'a pas l'air véritablement achevé. Un film indépendant fait avec les moyens du bord. Pourtant, après un début qui laisse songeur, il s'installe dans cette maison tenue par une vieille femme apparemment inoffensive, une ambiance morbide. Un huis-clos infernal dans lequel tombent une à une les victimes d'une petite annonce passée sur le net. Principalement interprété par l'actrice Rachel Alig, Glenda Morgan Brown et par le cinéaste lui-même, At Granny's House se révèle être une assez bonne surprise. Rebecca est démoniaque et parfois vraiment flippante, et même si quelques scènes à l'esthétisme plutôt cheap comme celle durant laquelle on découvre la pensée de celle-ci et de son compagnon reflétées sur le plafond de leur chambre prêtent à sourire, le propos se veut relativement sérieux.

Rare exemple de tueur en série au féminin, le film de Lee Mahoney distille un sentiment très étrange et en tout cas, assez difficile à décrire. Entre amateurisme, ambiance nécrophilique, amour déviant, séquestration, flash-back et thriller, At Granny's House demeure une énigme dans le fait que malgré la mise en scène très particulière, le film se révèle vraiment intéressant à suivre...


jeudi 22 février 2018

Au Secours, J'ai 30 ans ! de Marie-Anne Chazel (2004) - ★★★★★★☆☆☆☆



Au Secours, J'ai 30 ans !... de... de... de... ? Marie-Anne Chazel ! Alors bien entendu, on imagine la membre de la cultissime troupe du Splendid demeurer à sa place d'actrice. On a du mal à l'imaginer derrière une caméra, dirigeant d'autres interprètes, basant sa mise en scène sur un script écrit de ses propres mains ainsi que celles de l'écrivain Benjamin Legrand, sur la base d'un ouvrage dont le titre est Le Club de la dernière chance et l'auteur l'écrivainE irlandaise Marian Keyes. Certes, le premier et seul long-métrage en tant que réalisatrice de la compagne de l'acteur Christian Clavier ressemble davantage à un téléfilm programmable sur le réseau de chaînes France Télévisions qu'à une œuvre produite pour les salles obscures. Mais de là à le mépriser au point d'en faire un point de comparaison avec certaines émissions télévisées (Aden) ou d'arguer qu'il n'est que naïveté, proche de l'amateurisme, caricatural, et alors ? Quel est donc le problème ? Sans doute que Marie-Anne Chazel a-t-elle voulu troquer son uniforme d'actrice pour celui de réalisatrice. Alors oui, pour ne reprendre que les propos du Monde ou des Inrockuptibles, Au Secours, J'ai 30 ans ! est naïf, et caricatural. Sans doute amateur, je l'accorde. Mais certaines de ces remarques ne sont-elles pas le lien commun de beaucoup d'autres comédies ? Prenons comme exemple ce pauvre Franck Dubosc qui jusqu'à maintenant (et à part en quelques rares occasions) ne nous a offert que des rôles à la hauteur des personnages qu'il incarne sur scène. Cela n'a pourtant pas gêné certains d'encenser une œuvre telle que l’infâme Camping lors de sa sortie alors que dans le genre comédie ringarde et dépassée, on a rarement fait mieux.

Oui, Au Secours, J'ai 30 ans ! est léger. Oui les situations décrites l'ont déjà été mille fois auparavant. Bien entendu, Marie-Anne Chazel ne convoque pas les spectateurs à une conférence intellectuelles sur les affres de l'existence et sur le positionnement à adopter face aux obstacles que chacun pourrait rencontrer. Mais merde, quoi. Qu'ils se décoincent un peu, ces journaleux qui ont la prétention de détenir la vérité en torchant des articles qui serviront davantage de papier hygiénique que de Bible à celles et ceux qui comme moi ont apprécié ce tout petit film qu'est Au Secours, J'ai 30 ans !

Pierre Palmade n'étant pas connu pour avoir fait une immense carrière au cinéma (une grosse dizaine de longs-métrages, ce qui n'est tout de même pas mal), il était donc intéressant de le découvrir dans le rôle de Yann, ami depuis l'enfance de Khaty (l'actrice italienne Giovanna Mezzogiorno) et Tara (Nathalie Corré). Un trio qui s'est promis de toujours s'entraider. Et l'occasion va se présenter lorsque le jeune homme annonce à ses deux amies qu'il est atteint d'un cancer. Mais alors qu'aux côtés de son compagnon Alfredo, Yann va se battre contre la maladie, le jeune homme va tout faire pour pousser Khaty et Tara à améliorer leur existence. Car en effet, la première s'acharne à vivre seule et refuse catégoriquement tout rapport avec les hommes. Quant à Tara, elle vit en compagnie de Thomas avec lequel, malgré ses affirmations, la jeune femme n'est pas vraiment épanouie...

Si l'on doit faire un reproche au long-métrage de Marie-Anne Chazel, c'est d'avoir quelque peu zappé le personnage incarné par Pierre Palmade qui du coup, devient secondaire alors que le portrait de cet homme s'accrochant à la vie tout en faisant face à toutes les étapes comportementales liées à la maladie (le combat, la résignation, l'acceptation) était des plus intéressant. Non, Marie-Anne Chazel s'intéresse davantage au personnage de Khaty et dans une moindre mesure, à celui de Tara. Ce qui ne réduit pas l'intérêt puisqu'entre le charme de l'une et le désordre affectif de l'autre, le spectateur n'a pas le temps de s'ennuyer. La cinéaste convoque pour l'occasion Marthe Villalonga pour un rôle qui tient plus de l'hommage puisque son personnage, en demeure fort peu développé, n'est pas vraiment intéressant. Le beau Arnaud Giovaninetti participe également à l'aventure dans la peau de Romain, séducteur et collègue de Khaty. Plusieurs petits clins d'oeil viennent émailler le récit, comme l'apparition de Thierry Lhermitte dans son propre rôle ou Alain Doutey en prêtre.

Quant à Franck Dubosc, Marie-Anna Chazel l'emploie dans le registre qui l'a fait connaître : celui du beauf intégral. Situation qu'il partage d'ailleurs avec le toujours excellent François Morel qui dans le rôle de Thomas n'a rien à envier à son acolyte. D'un côté, l'acteur raté. De l'autre, le professeur des collèges. Comme quoi, la ringardise n'est pas l’apanage d'un seul et unique milieu social et peut toucher toutes les couches. Au Secours, J'ai 30 ans ! n'est pas un grand film, loin de là. Pas le genre de long-métrage à remporter le moindre prix ni à bouleverser la ménagère de plus de quarante ans. Tout ce même, le spectateur relèvera sans doute l'interprétation toute en justesse d'un Pierre Palmade-Yann épuisé par la maladie mais conservant sa bonne humeur (du moins, jusqu'à un certain point), la beauté magnétisante (toute italienne) et l'incarnation touchante de Giovanna Mezzogiorno, ainsi que l'incarnation « marilou-berrienne » de l'excellente Nathalie Corré...

Bienvenue à Suburbicon de George Clooney (2017) - ★★★★★★★☆☆☆



On connaît surtout l'acteur, réalisateur, scénariste, et producteur américain George Clooney depuis l'immense succès de la série Urgences diffusée chez nous à partir du 27 juin 1995, mais il faut savoir que l'interprète du Docteur Douglas Ross a débuté sa carrière à la télévision en 1984 (Riptide) et au cinéma deux ans plus tard (Combat Academy). En tant que cinéaste, son premier long-métrage Confessions of a Dangerous Mind date de 2002 et depuis, George Clooney a réalisé cinq autres films dont Bienvenue à Suburbicon. Dès le départ, il demeure dans ce long-métra une étrange sensation qui gagne peu à peu du terrain pour se révéler finalement une certitude lorsque se déroule le générique de fin.
Certains argumenteront que cette conviction aurait pu tout aussi bien être confirmée à l'orée du générique de début mais concentré sur l'esthétisme rétro-futuriste mis en place pour nous présenter une ville (village?) de Suburbicon idéale, vision d'un rêve américain tronqué, j'ai honteusement oublié de me renseigner sur quelques points importants du film à venir. Car à part avoir pris connaissance de son auteur, et sachant la présence de l'excellent acteur Matt Damon, le reste ne demeurait qu'un flou à peine éclairci par un court synopsis détaillant sommairement une histoire qui allait se révéler fort intrigante.

Cette sensation, cette certitude, cette conviction qui survole le récit et ses jardins scrupuleusement tondus (les créateurs de Suburbicon ont beau vanter ses qualités, son aspect concentrationnaire demeure quelque peu refroidissant), c'est cette fâcheuse tendance qu'à le film de George Clooney de nous rappeler le cinéma du célèbre duo de frangin connus sous le nom de Joel et Ethan Coen. Tout ou presque dans Bienvenue à Suburbicon nous rappelle le génial cinéma de l'inséparable binôme qui depuis plus de trente ans régale les cinéphiles du monde entier avec des œuvres remarquablement mises en scène et d'une créativité incomparables.
Cette impression se conforme peu à peu, donc, jusqu'au générique de fin qui révèle le nom des scénaristes :George Clooney, Grant Heslov, ainsi que... Joel et Ethan Coen! L'histoire de Bienvenue à Suburbicon ne date pas d'hier puisque les frères Coen en ont écrit le premier jet en 1986, après la sortie de leur premier long-métrage Blood Simple en 1984. Alors que l'année précédente il écriront en compagnie du réalisateur le scénario du délirant Crimewave (Mort sur le Grill), leur deuxième long-métrage ne sera pas l'adaptation de leur scénario Suburbicon, mais Arizona Junior avec Nicolas Cage, Holly Hunter, et déjà, l'un de leurs acteurs fétiches John Goodman.

A propos de ces acteurs qu'ils emploient régulièrement depuis l'année 2000 se situe justement George Clooney qui, à défaut de pouvoir écrire son propre scénario, en hommage aux deux frangins, ou plus simplement par intérêt pour le script écrit par ses derniers trente et un ans auparavant s'est donc lancé dans la réalisation de Bienvenue à Suburbicon. Une œuvre fort sympathique, avec tout ce qu'il faut d'humour et de suspens pour que l'on ne s'ennuie pas. Un climat très particulier, s'inscrivant à la toute fin des années cinquante (belles voitures, puritanisme vicié, racisme, et couleurs d'époques comprises). La vie idyllique et sans aspérités d'une grosse bourgade ayant déjà accueilli en son sein plus de soixante-mille habitants. Que des blancs. Mais l'arrivée d'une famille de noirs va venir chambouler le quotidien surfait d'une tribu blanche acquise à la cause de l'intégration des gens de couleurs mais, chez les autres. Et surtout pas à Suburbicon que tous veulent voir demeurée une ville purement constituée d'hommes et de femmes de race blanche. Les Mayers et leur fils s'installent juste à côté de la demeure des Lodge. Seule famille qui ne se préoccupera par de la présence dans leur quartier d'une famille de noirs. Car les Lodge ont des soucis nettement plus graves. En pleine nuit, ils reçoivent la visite de deux hommes qui attachent Gardner, le mari, Margaret, son épouse, Rose, la sœur de celle-ci, et l'enfant du couple, Nicky à la table de la cuisine. Tous endormis à l'aide d'un chiffon imbibé de chloroforme, tous se réveilleront plus tard à l’hôpital sauf Margaret qui décédera d'une dose trop importante d'anesthésique...

George Clooney met en parallèle le récit de cette famille de black (Karimah Westbrook, Leith Burke, Tony Espinosa) injustement refoulée par la population tandis qu'à côté se déroule un drame dont personne, même les autorités, ne soupçonnent la gravité. Le film intègre l'hypothèse selon laquelle l'installation d'étrangers (noirs de surcroît) est responsable des maux se produisant dans leur jolie petite ville depuis leur apparition. Bien que les événements se produisant au sein de la famille Lodge apparaisse aussi dramatique que la ségrégation dont sont victimes les Mayers, Bienvenue à Suburbicon distille une forte dose d'humour. L'urgence de la situation, rocambolesque, et l'enchaînement de péripéties rappelle le Crimewave de Sam Raimi dont les frères Coen écrivirent le scénario un an avant celui qui allait donner naissance au long-métrage de George Clooney plus de trente ans plus tard.

Matt Damon, Julianne Moore (dans un double rôle), Oscar Isaac (excellent) ou encore Gary Basaraba constituent le casting d'une œuvre sympathique qui souffre cependant de la comparaison que le spectateur pourrait entreprendre entre le travail de George Clooney et celui des Frères Coen dont la maîtrise est irréprochable. Bienvenue à Suburbicon n'est pas un mauvais film, au contraire, on s'y amuse beaucoup et l'on a vraiment hâte de connaître les tenants et les aboutissants de l'intrigue, mais l'on se prend également à rêver de ce qu'auraient pu faire de leur propre scénario Joel et Ethan Coen s'ils l'avaient eux-même adapté au cinéma...

mardi 20 février 2018

Despido Procedente de Lucas Figueroa (2017) - ★★★★★★★☆☆☆



Le retour d'Alex de la Iglesia ? Non, car même si dans la forme Despido Procedente rappelle les comédies délirantes de l'espagnol, le long-métrage est l’œuvre du cinéaste argentin Lucas Figueroa. Il s'agit de son second long-métrage après le thriller Viral signé en 2013. Avec Despido Procedente, il aborde le difficile cadre des grandes entreprises avec cette question fondamentale : est-il possible de conserver tout ou partie de son humanité au cœur d'une multinationale où le principal intérêt de ses dirigeants et de ses partenaires se situe au niveau des bénéfices. La réponse est oui, et non. D'un côté, le directeur de l'une des branches d'une entreprise en télécommunication tente par tout les moyens d'épargner à la totalité des employés de son secteur d'être licencié alors que la société est financièrement en chute libre, de l'autre c'est l'entreprise elle-même qui par un ingénieux stratagème va le pousser à signer sa propre démission. Toute l'importance du long-métrage demeurant dans la mise en scène et le découpage puisque Despido Procedente, en arborant les atours de la comédie, investit tout de même la section thriller mais ce, dans une moindre mesure. Car si le sujet est grave et concerne la plupart des grandes entreprises à travers le monde, Lucas Figueroa choisit de traiter son sujet par l'humour.

Et dire que Despido Procedente fait mouche est un euphémisme. Toutes proportions gardées, ce long-métrage hispano-argentin datant de l'année passée rappelle quelque peu Le Crime Farpait d'Alex de la Iglesia dans sa conception de la concurrence entre employés briguant le même poste. Le meurtre en moins, mais avec un degré similaire du point de vue stratégique mis en place pour faire chanter un Javier (Imanol Arias) aux abois.

Propulsés dans un contexte au départ réaliste, Despido Procedente ne va cesser d'investir un univers de plus en plus surréaliste jusqu'au climax humoristique survenant à l'approche de la fin. Tout partait déjà d'une situation rocambolesque : en arrivant ce matin-là au bureau, Javier est accosté par un individu qui cherche son chemin. Expatrié, Javier connaît mal la ville et dirige l'homme dans une mauvaise direction. Plus tard dans la journée, Javier tombe à nouveau sur cet homme qui lui affirme qu'à cause de l'indication qu'il lui a fourni le matin même, il est arrivé en retard à un entretient d'embauche et n'a pas eu le poste. Contre cette infortune, l'homme prénommé Rubén exige de Javier qu'il lui donne l'équivalent de ce qu'il aurait gagné en un mois s'il avait été engagé. Soit, mille cinq-cent dollars. Bien évidemment, Javier refuse. Rubén,  bien décidé à toucher un dédommagement de la part de celui-ci le traque. Dans la rue, et même dans le parking souterrain de la société qui emploie Javier. L'enchaînement de situations découlant de cet événement verra bientôt l'aide inattendue de l'agent de sécurité Eduardo et de l'informaticien Raulito. Liés, les trois hommes vont tout faire pour que cesse le harcèlement dont est victime Javier. Mais ils sont encore loin de se douter que le directeur est peut-être victime d'une machination de la part de ses employeurs...

Despido Procedente est l'occasion pour son auteur de montrer le fossé qui sépare les cadres d'une entreprise des simples employés. Et que dire alors d'un Rubén immédiatement catalogué comme clochard. Les codes vestimentaires, et plus encore le statut social ont ici une valeur marchande considérable. Un très de caractère que partage au départ Javier, lequel va devoir finalement s’accoquiner avec des employés dont la fonction demeure nettement moins reluisante que la sienne, prouvant ainsi la valeur des couches sociales inférieures par rapport au mépris affiché par ceux dont les bureaux se situent au sommet de la tour. Mais au delà du message social véhiculé par son discours, Despido Procedente propose avant tout un spectacle familial où détente semble être le mot d'ordre. Une agréable surprise...
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