Georges Lautner... ce
grand, cet immense bonhomme qui se cacha derrière des œuvres aussi
fondamentales pour le cinéma dramatique, policier ou comique
français que Le septième juré
en 1961, Les tontons flingueurs
en 1963, Les seins de glace
en 1974, Le professionnel
en 1981 ou La maison assassinée
semble avoir régulièrement cédé au chants des sirènes de la
médiocrité. Lui avec lequel ont collaboré, Mireille Darc, Bernard
Blier, Paul Meurisse, Lino Ventura, Francis Blanche, Michel Serrault,
Louis de Funès, Alain Delon et Jean-Paul Belmondo s'est laissé
aller à quelques légèreté en plus de quarante ans de carrière et
autant de longs-métrages. Quelques défaillances techniques qu'on ne
lui reprochera pas forcément et dont certaines, cependant, ont
carrément flirté avec le nanar. Et parmi celles-ci, Ils
sont fous ces sorciers
dont le titre à lui seul reflète cette folle appréhension que l'on
ressent devant une œuvre supposée dégager ce même parfum âcre
qu'exhalent les pires comédies franchouillardes des années
soixante-dix. Mais si, vous savez, celles qui commettaient toutes
l'erreur d'inviter sur leurs plateaux de tournage les mêmes figures
d'un cinéma irrémédiablement rance dont on ne peut encore
aujourd'hui goûter la saveur si particulière qu'après quelques
verres dans le nez : Alice Sapritch, Patrick Prejean, Sim, Paul
Préboist, Henri Tisot, Luis Rego, Jacky Sardou et j'en oublie
beaucoup volontairement... Encarté entre un Delon (Mort
d'un pourri
en 1977) et trois Belmondo (Flic ou Voyou
en 1978, Le guignolo en
1980 et Le professionnel
l'année suivante), Ils sont fous ces sorciers
met en scène Jean Lefebvre, Henry Guybet, Renée Saint-Cyr, Daniel
Ceccaldi, Catherine Lachens et l'inénarrable Julien Guiomar dans une
comédie dont les dialogues sont aussi légers que la mise en scène
et l'interprétation. Une comédie presque... fantastique puisque les
deux héros de ce récit, Julien Picard et Henri Berger, se
retrouvent à l'île Maurice. L'un pour le travail, l'autre pour son
plaisir. Alors que les deux hommes se lient d'amitié et finissent
ensemble un soir accoudés au zinc d'un bar en compagnie de
Marie-Louise Précy-Lamont (Renée Saint-Cyr), une envie pressente
d'uriner les pousse à s’exécuter au plus vite mais les deux
hommes ne s'aperçoivent pas qu'ils sont en train de se soulager au
pied d'un Totem ! Furieux, les dieux lancent alors sur Julien et
Henri une malédiction qui les poursuivra jusqu'à leur retour dans
la métropole...
Toute
l'absurdité du propos délivre alors son message à base de
phénomènes inexplicables. Julien ne renvoie plus aucun reflet dans
les miroirs et un poil long et dru lui pousse sur tout le corps quand
vient la nuit. Henri, lui, n'est pas mieux loti puisque au même
moment, ce sont deux énormes crocs qui surgissent d'entre ses
lèvres. Les deux hommes ont deux points en communs. Il
n'apparaissent plus sur les photos et peuvent communiquer à distance
par transmission de pensée. Ne manquerait plus au tableau qu'Aldo
Maccione débarque au beau milieu du récit, histoire de boucler
cette bouffonnerie sans queue ni tête. Sans réel scénario non plus
puisque dès lors nous n'aurons plus droit qu'à une succession de
phénomènes parmi lesquels, un Henry Guybet lévitant à
l'horizontale et un Jean Lefebvre à la verticale. Accompagné de ses
fameux éclats de rire, Henry Guybet parvient sans mal à communiquer
sa joie de vivre. Heureusement car il n'y a là, pas matière à
s'esclaffer autrement que par dépit. Albert Kantoff n'étant pas
Michel Audiard, on se contente de dialogues superflus, revus à la
baisse et indignes du cinéma de Georges Lautner. Ce qui sauve
peut-être le film du naufrage tient moins de l'expression désabusée
de Jean Lefebvre et les interminables séances de rires de Henry
Guybet que les présences de Renée Saint-Cyr, Catherine Lachens
(allez savoir pourquoi mais cette actrice m'a toujours foutu le
trouillomètre à zéro) ainsi que celle de Julien Guilomar, cet
immense et indispensable second rôle du cinéma français qui nous
régala notamment dans les rôles de Jacques Tricatel dans
L'aile
ou la cuisse
et
Le commissaire Bloret dans Les ripoux,
tout deux réalisés par Claude Zidi ou dans celui de Camille dans
L'incorrigible
de Philippe de Broca. Des rôles taillés à sa mesure. Dans Ils
sont fous ces sorciers,
aussi stupide que puisse apparaître la dernière partie, voir celui
qui incarne le patron de Jean Lefebvre se plier en quatre pour son
subalterne à tout de même quelque chose d'irrésistiblement
savoureux. Pour le reste, on a vraiment l'impression que Georges
Lautner a tout entreprit pour saborder le projet. Jusqu'à même
faire appel au pourtant talentueux Philippe Sarde pour la musique,
lequel signe une bande originale nanardesque...
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