Le cinéma, ou septième
art, ça n'est pas que de la fiction. Surtout lorsque l'on aborde
l’œuvre du génial réalisateur allemand Werner Herzog qui tout au
long de sa carrière a toujours su mêler l'imaginaire issu de son
esprit ou de celui des autres tout en accordant au réalisme des
documentaires, tout un pan de son talent et de son énergie. Parmi
ces derniers, on trouve notamment Les
Ailes de l'espoir (Julianes Sturz in den
Dschungel) que l'auteur de Aguirre, la colère de Dieu
réalisa en 2000 pour la télévision allemande. Tourné à Lima au
Pérou, dans une zone encerclée par les divers lieux de tournages du
plus célèbre film de son auteur, au cœur d'une jungle péruvienne
touffue et parfois dangereuse, Les
Ailes de l'espoir
évoque l'incroyable récit de la biologiste germano-péruvienne
Juliane Koepcke qui le 24 décembre 1971 fut l'unique survivante du
crash du vol LANSA
508 effectué
à bord d'un appareil modèle Lockheed
L-188
de la compagnie Líneas
Aéreas Nacionales S. A
qui à l'époque jouissait déjà d'une très mauvaise réputation
liée à deux crash s'étant récemment produits. Cette année là,
Werner Herzog est lui-même plongé dans le tournage de Aguirre,
la colère de Dieu.
Il fut lui aussi contraint de prendre place à bord d'un avion de
cette même compagnie sans pour autant que lui ni aucun autre de ses
passagers ne connaisse le terrible sort de ceux du vol LANSA
508.
Plus de cent morts et une seule survivante, donc, qui durant dix
jours va vivre un véritable calvaire en parcourant à pieds, munie
d'une robe à moitié déchirée et d'une seule chaussure qui ne lui
épargneront ni les milliers de piqûres de moustiques ni les pluies
nocturnes incessantes et glaciales, la distance qui la séparera de
son miraculeux sauveteur...
Lorsque
l'on connaît Werner Herzog l'on sait son attachement à se
rapprocher au plus près de la réalité. Un réalisme qui transpire
même de son œuvre de fiction pourtant parcourue de visuels parfois
extraordinaires (le bateau gravissant la montagne dans Fitzcarraldo
où les indiens descendant les parois du Machu Picchu dans Aguirre).
Ici, pas de reconstitution choc à travers de vains effets-spéciaux
mais un retour aux sources, dans cette jungle dense où l'épave de
l'avion trône encore, son métal dévoré par la rouille et sa
carcasse disloquée en dizaines de morceaux plus ou moins importants.
En compagnie de Werner Herzog qui à cette occasion se fait plutôt
rare à l'image et laisse le plein pouvoir à Juliane Koepcke de nous
raconter son épreuve vingt-sept ans après que soit survenu le
crash, Les
Ailes de l'espoir
remonte donc le fil du récit, la biologiste prenant tout d'abord
place à bord d'un avion, sur le même siège qu'un quart de siècle
auparavant. Une thérapie sans doute pour Juliane Koepcke que de
revivre ce drame absolu lors duquel elle perdit sa mère assise à
côté d'elle. Un témoignage aussi bouleversant qu'étonnant. Entre
une blessure qui s'infecte, grouillante de vers, une autre à la
jambe, une commotion cérébrale grave et des yeux injectés de sang,
la jeune femme longera un petit cours d'eau jusqu'à rejoindre un
fleuve dans l'espoir de trouver des habitants de la région qui lui
viendront en aide... Les
Ailes de l'espoir
est un formidable documentaire, ponctué de rares interventions du
réalisateur allemand qui demeure toujours passionnant à entendre
s'exprimer. Nous sommes donc ici loin du sensationnalisme du
long-métrage du réalisateur italien Giuseppe Maria Scotese I
miracoli accadono ancora qui
sorti sur les écrans trois ans après le drame, en rajoutant des
tonnes sur les dangers d'une jungle dont en réalité la biologiste
ne verra l'expression qu'à travers la présence pourtant peu
hostiles envers l'homme de crocodiles...
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