Après avoir réalisé le
premier volet de sa brillante trilogie Pusher
et avant d'y retourner en 2004, le réalisateur et scénariste danois
Nicolas Winding Refn tourne en 1999 un nouvel uppercut avec Bleeder
dans lequel nous retrouvons une partie des interprètes de son
précédent long-métrage. Comme si Franck, Tonny, Milo et Mike
s'étaient retrouvés propulsés dans un univers parallèle,
endossant de nouvelles identités en les personnes de Léo, Lenny,
Kitjo et Louis. Un monde qui ne s'avère pas davantage enviable que
le précédent puisque bien avant d'aborder des univers hauts en
couleurs (Only God Forgive en
2013, The Neon Demon
en 2016), Nicolas Winding Refn abordait son œuvres sous les
oripeaux du drame social transpirant le bitume et la saleté. Loin de
la drogue dont fut issue une partie du scénario de Pusher
en 1996, Bleeder
échappe quelque peu à cette thématique parfois chère au thriller
pour plonger désormais ses nouveaux personnages dans un drame pur
jus faisant le constat d'existences misérables où le manque
d'argent est vécu comme un problème insoluble. Le réalisateur
danois en profite pour y exprimer sa passion pour le cinéma à
travers le personnage de Lenny qu'interprète le génial Mads
Mikkelsen qui débuta sa carrière en même temps que Nicolas Winding
Refn trois ans auparavant. Une fidélité qui entre les deux hommes
durera jusqu'en 2009 avec le contemplatif Le
guerrier silencieux, Valhalla Rising.
Dans Bleeder,
l'acteur lui aussi d'origine danoise campe le rôle d'un employé de
vidéoclub dirigé par Kitjo (qu'interprète Zlatko Buric, qui sera
l'acteur central du troisième volet de la trilogie Pusher
en 2005). Un être sensible, amoureux d'une jeune serveuse (l'actrice
Liv Corfixen dans le rôle de Lea) avec laquelle il tentera
d'entretenir une relation amicale relativement touchante dans ce
climat délétère imprimé par le degré de racisme latent dont sont
victimes les immigrés (à l'image des épiciers pakistanais traités
de bougnoules ou de ceux qui à l'entrée de la boite de nuit dirigée
par Louis sont refoulés) ou par l'attitude de Leo qui après avoir
appris de la bouche de sa petite amie Louise (l'actrice Rikke Louise
Andersson) va , semble-t-il, perdre peu à peu la raison...
Bien
moins connu que la trilogie Pusher
ou que des films à venir de Nicolas Winding Refn (parmi lesquels on
retrouve notamment Drive
réalisé en 2011), Bleeder n'en
est pas moins une œuvre qui au sein d'une filmographie remarquable
mérite de trôner à la même place que les meilleurs d'entre elles.
Intégré dans un univers réaliste, filmé caméra à l'épaule et
sans chichis esthétiques, le second long-métrage de Nicolas Winding
Refn ne peut laisser indifférent. Sa morosité ambiante et son issue
que l'on devine fatale participent d'un malaise ambiant qui trouvera
sans doute son expression la plus dérangeante lors d'une séquence
d'injection de sang contaminé par le virus du SIDA proprement
glauque ! Kim Bodnia et Rikke Louise Andersson campent un couple
au bord de la rupture, pour des raisons qui semblent au départ
incompréhensibles (Leo supporte mal l'idée de devenir père tandis
que Louise lui annonce son intention de garder le bébé) mais dont
il donnera plus tard, une explication. Le contraste entre ce couple
qui se déchire lors de séquences dures et réalistes et celui que
forment Lea et Lenny dans des scènes touchantes de naïveté est
assez remarquable. Le tout noyé sous l'évocation d'un septième art
qui imprime la quasi totalité du long-métrage. Donnant lieu ainsi à
quelques rares séquences plutôt drôles, à l'image de celle où
Lenny décompte le nom des réalisateurs dont les œuvres sont
disponibles dans le vidéoclub. Si ses personnages sont en général
relativement touchants (chaque action ou presque est exécutée avec
une certaine forme d'hésitation), la violence la plus crue s'y
exprime parfois. Chacun y interprète brillamment son personnage et
si Kim Bodnia s'avère tour à tour émouvant et inquiétant, c'est
peut-être Mads Mikkelsen qui cinq ans avant son extraordinaire
interprétation dans le second volet de la trilogie Pusher
façonnait déjà le personnage de Tonny...
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