Avec son avant-dernier
long-métrage Only God Forgive réalisé
en 2013, le réalisateur danois Nicolas Winding Refn
divisait les critiques. Poussé par le désir d'offrir une œuvre
esthétiquement brillante et guidée par une approche sensorielle et
épidermique, on pouvait (ou pas) lui faire remarquer qu'il manquait
simplement à ce petit bijou, l'un des aspects fondamentaux qui
transforme définitivement un film en chef-d’œuvre et auquel ne
manque finalement plus qu'une chose : un vrai scénario ! Alors...
Pour ? Ou contre ? Perso, définitivement pour... Trois ans
plus tard, Nicolas Winding Refn revient avec The Neon Demon.
Et déjà, alors, certains visages se crispent. Une affiche qui
laisse supposer que le danois à choisi de rester sourd aux
précédentes critiques et de n'en faire qu'à sa tête en creusant
encore un peu plus loin le sillon d'un style visuel qui n'a plus
grand chose à prouver ni plus rien en commun avec ses débuts de
carrière. De la superbe séquence d'ouverture gothico-horrifique
exhibant sur un canapé une Elle Fanning aussi rigide qu'un mannequin
d'exposition toute gorge tranchée, on croit un instant que le
danois, plutôt que de soigner (enfin) son scénario, a peut-être
finalement adopté la méthode d'un Dario Argento (dont les dernières
œuvres de Nicolas Winding Refn empruntent l'imagerie sublime mais
néanmoins criarde), décrétant qu'une enfilade de meurtres vaut
sans doute aussi bien qu'un script bien torché. Mais cette vision
macabre qui plus tard sera rejointe par des examens de la conscience
humaine par trop dérangeants, ne sert finalement pas de menu à un
plat de résistance sanguinolent. Plutôt à une fausse critique du
milieu de la mode, sujet qui, forcément, colle idéalement au style
visuel du réalisateur.
Clipesque
et scintillant comme aux plus beaux jours du Glam
Rock,
l'ombre sans doute involontaire (quoique) du disco et de ses
paillettes en forme d'étoiles ferait presque ressembler notre
héroïne à l'un des membres féminins du groupe suédois ABBA !
En s'égarant parfois sur les mêmes chemins de travers
que Julian Hopkins, héros incarné par l'acteur Ryan Gosling trois
an auparavant dans Only God Forgive,
Elle Fanning/Jesse figure son pendant féminin. Adolescente parfaite
d'un point de vue esthétique. De même que d'un point de vue morale,
le caractère de cette gamine trop vite lancée sur la piste du
succès demeure jusqu'ici tout à fait tempéré. Tout The
Neon Demon ou
presque est déjà relégué lors de la séquence d'ouverture lors
de laquelle Jesse ressemble moins à un cadavre égorgé qu'à l'un
de ces mannequins de cire qu'exposent les devantures de magasins de
fringues. Une posture apparemment anodine qui révèle en fait
l'exploitation du corps humain et notamment celui de la femme
enfermée dans son rôle d'objet de fantasme. Une aberration qui mène
les plus ambitieuses à quitter leur forme originelle à grands coups
de bistouris afin de décrocher le ''rôle'' de leur vie. Le dernier
long-métrage de Nicolas Winding Refn ne résoudra pourtant sans
doute pas l'épineux problème auquel se sont confrontés certains
spectateurs trois ans plus tôt. Le danois est gourmand. Trop sans
doute puisqu'il ne termine jamais son assiette (comprenne qui
pourra). Du moins semble-t-il en être ainsi avec The
Neon Demon.
Si
l'on comprend la relation entre l'héroïne et le démon du titre,
l’avènement du second survient comme un cheveu dans la soupe. Le
passage de l'une à l'autre se déroulant sur un trop petit nombre de
séquences pour que la chose demeure crédible. Si le réalisateur
convie bien Dario Argento, David Lynch est lui aussi invité au
banquet, mais de très loin, installé en bout de table. Sans que
jamais Nicolas Winding Refn ne s'y retrouve en matière de génie.
D'où cette question qui demeure, une fois encore: Mais où est donc
passé le scénario ? Car si l'on retrouve le compositeur Cliff
Martinez aux manettes de la bande-son et la remarquable touche
visuelle du précédent long-métrage du danois (bien que Beth Mickle
ait abandonné son poste de directrice artistique au profit de
Nicole Daniels et Courtney Sheinin), les scénaristes Mary Laws et
Polly Stenham ainsi que le réalisateur ont beau s'y être mis à
trois pour écrire le script, le résultat à l'écran ressemble
davantage à un mélange peu savant d'idées n'ayant pas toujours de
relations entre elles. The Neon Demon
se veut sans doute allégorique, fantasmagorique mais se révèle
surtout, bordélique et n'est que le reflet d'une vitrine exhibant un
Nicolas Winding Refn esthète... À noter la présence amusante
(mais parfaitement inutile) de Keanu Reeves en propriétaire de motel
graveleux et de superbes créatures parmi lesquelles, les actrices
Jena Malone, Bella Heathcote ou encore Abbey Lee Kershaw...
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