Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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lundi 30 septembre 2019

Shin-sae-gye de Park Hoon-jeong (2013) - ★★★★★★★☆☆☆




Deuxième long-métrage du cinéaste sud-coréen Park Hoon-jeong, Shin-sae-gye (New World) propose un pitch à la manière d'un Mou gaan dou (Infernal Affairs) réalisé lui onze années auparavant par Andrew Lau et Alan Mak ou d'un Hak seh wui (Elections) tourné en 2005 par le cinéaste Johnnie To. Avec cependant moins de brio et surtout, un imaginaire moins probant provenant du fait que le film ne soit pas tout à fait original dans son traitement, Park Hoon-jeong s'en sort cependant avec les honneurs. Le scénariste de l'excellent Akmareul boatda (J'ai rencontré le Diable) réalise une œuvre dense, parfois en peu lente et ennuyeuse (surtout lors des quatre-vingt dix premières minutes) mais qui se caractérise par une volonté de calmer le jeu en matière de violence graphique tout en proposant quelques scènes de bravoure fort bienvenue.

Le récit s'articule autour de la plus grande organisation criminelle de Corée du Sud. Goldmoon International est en effet un amalgame de plusieurs clans formés autour de dirigeants fort ambitieux. Alors, lorsque le président de Goldmoon Seok Dong-chool meurt dans un accident de voiture, sa place laissée vacante au sein de son entreprise motive certains hauts dirigeants à prendre sa place. Celui qui fort logiquement prendre sa place demeure le vice-président Jang Su-ki. Malheureusement pour lui, son clan ayant été dissout lors de la fusion des clans, l'homme a perdu beaucoup de poids et d'appuis. C'est plutôt vers Jung Chung, dit le Chinois, que les regards se tournent. L'ancien chef de la plus grande faction criminelle sud-coréenne semble posséder les épaules suffisantes pour pouvoir prétendre régner sur Goldmoon.



Mais ce que ne sait pas Jung Chung, c'est que dans ses rangs croît un vers. Et ce vers n'est autre que son bras droit qui contrairement aux apparences est un flic. Lee Ja-sung est un infiltré qui depuis huit ans fait partie des rangs de Jung Chung. Toujours sur la défensive et redoutant d'être découvert, il attend que soit tenue la promesse d'une mutation à un poste d'outre-mer. Mais Kang, son supérieur direct et le Directeur Ko le poussent sans relâche à influencer la succession de Jang Su-ki au poste de Directeur...



Contrairement aux apparences, les autorités, ici, ne cherchent pas à dissoudre une organisation mais plutôt à l'investir en y mettant à sa tête le candidat le plus faible des trois. Et en cela, Shin-sae-gye demeure une belle réussite. Le cinéaste aborde la prise de conscience d'un homme qui depuis qu'il est intégré dans cette organisation criminelle a largement eu le temps de s'y faire des amis. Deux options s'offrent donc à lui. Comme le cinéma sud-coréen nous y a habitué, les décors de Cho Hwa-sung, la photographie de Jung Jung-hoon et Yu Eok, ainsi que la partition musicale de Cho Yeong-wook font le reste. Bonne interprétation des différents acteurs avec une nette préférence pour les charismatiques Choi Min-sik, Lee Jung-jae et Hwang Jung-min, la femme, elle, étant relativement peu représentée. On notera quelques scènes brillantes comme la confrontation entre la taupe et Jung Chung (on transpire à ce moment là autant que le personnage de Lee Ja-sung). Si Shin-sae-gye est clairement en deça des meilleures productions sud-coréenne, il demeure tout de même un excellent long-métrage. Une alternative aux œuvres citées plus haut. ..

dimanche 29 septembre 2019

Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille (1956) - ★★★★★★★★★★



L'un des plus grands péplums de l'histoire du cinéma, et sans doute l'un des plus grands films de tout le septième art n'a pas perdu de sa superbe, même après soixante-trois ans d'existence. Réalisé par le réalisateur et producteur américain Cecil B. DeMille, trente-trois ans après le long-métrage éponyme qu'il réalisa lui-même en 1923, Les Dix Commandements demeure la plus flamboyante des adaptations cinématographiques basées sur le ''Assereth ha-Dibberoth'' ou Décalogue, l'ensemble des instructions morales et religieuses reçues par Moïse au sommet du Mont Sinaï en Égypte. Transmises par Dieu apparaissant sous la forme d'un buisson ardent, ces instructions prirent la forme de tables gravées sur lesquelles, selon la Torah, Dieu posa son doigt.
Alors que dans la version de 1923 le cinéaste abordait son œuvre en deux parties, la seconde se situant dans les années 1920, Cecil B. DeMille choisit de se concentrer dans celle de 1956 sur la vie de Moïse, de sa naissance et son sauvetage par Lilia, la fille du Pharaon Séthi 1er qui régna de -1294 à -1279, jusqu'à la seconde rencontre entre Moïse et Dieu suivant l'exode du peuple hébreux au pied du Mon Sinaï dans la péninsule égyptienne du même nom et à la suite de laquelle furent gravés les dix commandements.

C'est grâce à sa connaissance de l’Égypte Ancienne que celui qui demeurera comme l'un des plus grands acteurs américains de son époque décroche le rôle principal de Moïse. Alors que le propre fils de la star, Fraser Clarke Heston, incarne le futur prophète du judaïsme alors qu'il n'a qu'un an, son père, l'immense Charlton Heston irradie ensuite de sa présence une œuvre qui aura coûté à la production, treize millions de dollars. Une somme qui peut paraître dérisoire aujourd'hui mais qui à l'époque était exceptionnelle (je rappelle que nous sommes alors dans la seconde moité des années cinquante). Face au charisme de l'acteur qui interprétera plus tard le personnage principal d'un autre immense péplum, celui du Ben-Hur de William Wyler, affrontera les nouveaux maîtres d'une planète Terre futuriste dirigées par des primates dans La Planète des Singes ou découvrira l'effroyable vérité sur le Soleil Vert de Richard Fleischer, il fallait opposer un acteur capable d'avoir une certaine ascendance. C'est ainsi donc que le rôle de Ramsès II, fils de Séthi 1er et futur Pharaon D’Égypte est confié à l’acteur américain d'origine russe et mongole, Yul Brynner, dont la carrière débuta à la télévision en 1944 (Mr. Jones and His Neighbors) avant d'exploser au cinéma dans le film de Cecil B. DeMille, avec notamment Les Sept Mercenaires de John Sturges, Tarass Boulba de J. Lee Thompson, ou encore Mondwest de Michael Crichton dans lequel il incarnerait un robot à l'effigie d'un cow-boy, hommage au mercenaire Chris Adams qu'il incarna treize auparavant.

Énumérer la totalité des personnages, et donc de leur interprète respectif, prendrait sans doute des heures tant le casting des Dix Commandements est remarquable. On pourrait citer l'acteur Edward G. Robinson qui dans le rôle de Dathan y incarne un hébreux à la solde de l’Égypte. Pleutre, ambitieux, violent et ayant oublié ses origines. Yvonne De Carlo, qui dans celui de Sephora interprète la future épouse de Moïse rencontrée près d'un puits à Madian alors qu'il vient de vivre un long exode solitaire à travers le désert. Cedric Hardwicke qui dans la peau de Séthi 1er se pose en Pharaon honnête et droit envers son peuple mais inflexible envers les esclaves hébreux. Mais on retiendra sans doute en troisième position dans l'ordre d'importance après Charlton Heston et Yul Brynner, le personnage de Néfertari, interprétée par la sublime Anne Baxter, déchirée ici entre son indéfectible amour pour Moïse et sa crainte de devoir épouser Ramsès II. Personnage complexe (la personnalité des deux demi-frères étant facile à mettre en évidence), elle irradie elle aussi l'épopée de Cecil B. DeMille de sa grâce et sa beauté. En dehors des interprètes à proprement parler, il faudrait également citer les nombreux figurants, ces anonymes qui au nombre de dix-mille se sont fondus dans une reconstitution historique gigantesque (parmi les décors les plus vastes jamais réalisés pour un long-métrage à l'époque) et qui participent par leur seule présence à l'incroyable spectacle qui nous est offert.

D'ailleurs, il serait inconcevable de les évoquer sans parler du travail notamment effectué sur les costumes, mais plus encore les effets-spéciaux par le superviseur et directeur de la photographie américain John P. Fulton (de l'American Society of Cinematographers) qui reçut à l'occasion de sa participation à leur élaboration, l'Oscar des meilleurs effets visuels, lequel fut assisté du concepteur d'effets-spéciaux mexicain Paul Lerpae. Ce dernier employa la technique du ''Cache/contre-cache'' (ou ''travelling matte'') consistant à placer un décor peint en trompe-l’œil tandis que l'américain Farciot Edouart usa de la technique de la ''Projection Arrière'' (ou ''Process Photography'') consistant à projeter une image sur un écran depuis l'arrière de l'écran principal. Mais de tous les effets-spéciaux, celui que le spectateur retiendra sans doute davantage que n'importe quel autre (la majeure partie d'entre eux se fondant si naturellement dans le décor qu'ils deviennent spontanément invisibles) demeure la séquence durant laquelle Moïse, à l'aide de son bâton, sépare les eaux de la Mer Rouge en deux afin de permettre à son peuple d'échapper à ses assaillants. Une séquence difficile à monter mais qui depuis toutes ces années n'a pas perdu de sa force et sa beauté.

Si tant est que l'on soit peu enclin à accorder du crédit à certains événements se produisant lors de certains passages, on peut considérer l’œuvre de Cecil B. DeMille comme un formidable film fantastique plongeant ses personnages dans un univers où se mêlent Histoire, récit biblique, aventures, drame et romance. D'une durée avoisinant les trois heures et quarante minutes, Les Dix Commandements fut une véritable manne pour la société de production Paramount puisque le film rapporta en cette seule année 1956, soixante-cinq millions de dollars sur le seul territoire américain. En France, il faudra attendre plus d'une année entière et le 17 janvier 1958 pour pouvoir découvrir le film en salle où il dépassa les quatorze millions d'entrées. À noter que cette seconde version des Dix Commandements par Cecil B. Demille fut aussi son dernier long-métrage. Alors qu'il avait en tête la réalisation d'une œuvre portée autour de la Vierge Marie, l'immense cinéaste américain qu'il fut devait s'éteindre d'épuisement le 21 janvier 1959 à l'âge de soixante-dix sept ans...

samedi 28 septembre 2019

Nirvana de Gabriele Salvatores (1996)



Nirvana : « Concept philosophique de l'hindouisme, du jaïnisme et du bouddhisme qui signifie2 « extinction » (du feu des passions, de l'ignorance) ou « libération » (du saṃsāra, du cycle des réincarnations) ». Wikipedia.
Nirvana : « Groupe américain de rock alternatif, figure emblématique du mouvement grunge, formé en 1987 à Aberdeen, dans l'État de Washington, par le chanteur-guitariste Kurt Cobain et le bassiste Krist Novoselic ». Wikipedia.

Ben ouais, j'avais pas forcément envie de me lancer dans une pesante recherche et d'en synthétiser les résultats. Nirvana, c'est aussi, et surtout ici, un film italien de 1996, signé par le napolitain Gabriele Salvatores, auteur d'un peu moins de vingt long-métrages jusqu'à aujourd'hui. Nirvana, c'est le vingt-huitième film interprété par Christophe(r) Lambert. Acteur français né dans l’État de News-York. Juste entre Hercule et Sherlock de Jeannot Szwarc et Arlette de Claude Zidi. Deux comédies ayant pris en sandwich une œuvre étrange, visionnaire (ne vous emballez pas), peut-être un peu trop en avance sur son temps. Ou terriblement en retard. Un film italien, ça peut ou pas inspirer confiance. Mais un film italien avec Christophe Lambert, ça peut surtout inspirer, qu'écris-je, ASPIRER tous les amateurs de nanars, de séries Z, de navets... Apparemment, l'année précédant la production de son film, le cinéaste Gabriele Salvatores est allé au cinéma. Au moins une fois, pour assister à une projection du Strange Days de Kathryn Bigelow.. Et même si les récits sont très sensiblement éloignés l'un de l'autre, il y demeure une même affectivité esthétique.


En réalité, Nirvana pioche un peu dans toutes sortes de cultures pour n'en extraire malheureusement que des matériaux bruts, jamais véritablement taillés à la mesure des ambitions de l'italien. L'Idiot aime beaucoup Christophe Lambert. C'est même d'ailleurs la principale raison pour laquelle il donne naissance de manière ponctuelle à des articles qui lui sont consacrés. Il n'est pas impossible qu'apparaissent, toujours de façon régulière, des critiques mettant en avant des œuvres, elles, fort réussies, puisqu'il en existe certaines sur lesquelles nous mériterions tous de nous pencher. Cyberpunk et Hindouïsme font-ils bon ménage ? Sans doute dans d'autres contrées, mais pas sur les terres stériles d'un scénario qui se veut complexe tout en demeurant d'une sécheresse appliquée.

Appliquée dans sa façon de nous promener dans des décors et lors de situations fort diverses, je l'avoue, mais dont la construction est si navrante, que l'on peut se demander comment le film a pu remporter les prix David di Donatello du meilleur montage et du meilleur son, et comment le film a pu être nommé au festival de Fantaporto. Pour ce dernier, l'explication la plus logique nous renvoie certainement à cette célèbre (et incroyablement niaise) célébration de la chanson européenne, L'Eurovision. La nomination de Nirvana à Fantaporto, c'est un peu les points engrangés par la France lorsque vient le tour de la Suisse ou de la Belgique de noter les pays concurrents. Et vice-versa, bien sûr...

Déjà que Cricri n''est pas des plus à l'aise dans son rôle, les dialogues sont d'une puérilité extraordinaire. Certains visuels demeurent intéressants, mais encore aurait-il fallut qu'ils soient accompagnés de lignes de textes à leur juste valeur. Nirvana n'est finalement qu'un petit film de science-fiction, à l'origine plein de promesses, mais dont la réalisation et l'interprétation peinent à suivre...

Doom d'Andrzej Bartkowiak (2005) - ★★☆☆☆☆☆☆☆☆



Alors là, je sais pas quoi dire. Pas quoi écrire. Et encore moins penser tant le spectacle auquel l'on fait face lorsque l'on est mis devant le fait accompli se révèle d'une bêtise plus imposante que tous les muscles des soldats réunis dans cette soupe mélangeant abominablement action et science-fiction dans des décors d'une pauvreté désarmante. Ça n'est certes pas la première fois que le septième art propose une histoire et un contexte aussi pauvres mais lorsque l'on pense aux soixante-dix millions de dollars qui ont été injectés dans cette adaptation de l'un des plus célèbres jeux vidéos, il y a de quoi trouver cela indécent. Si passe encore le peu d'envergure scénaristique du jeu vidéo créé en 1993 par la célèbre société de développement de jeux vidéos ID Software, sur grand écran, il en va autrement. Autant dire que Doom s'adresse à un public averti.

Si l'intrigue se déroule sur Mars, il ne faudra pour autant pas s'attendre à un quelconque space opera ou à une œuvre de l'envergure d'un The Martian réalisé bien des années plus tard par Ridley Scott. Tiens, d'ailleurs, en évoquant celui-ci, Doom peut faire penser à quelques encablures prêt à l'un des classiques qu'il réalisa en 1979. Le chef-d’œuvre de science-fiction et d'épouvante Alien, le Huitième Passager. Et peut-être même encore plus à sa suite qui fut réalisée cette fois-ci par le réalisateur James Cameron sept ans plus tard sous le titre Aliens, le Retour. Le réalisateur polonais Andrzej Bartkowiak convoque à l'occasion de ce qui demeure à ce jour son antépénultième long-métrage, les coursives du long-métrage de Scott et les marines de Cameron. Après ça, Doom se différencie par une approche bourrine, une mise en scène et une écriture exécrables. Incarné par des acteurs ayant la particularité de posséder dans leur grande majorité une arcade sourcilière aussi saillante que leurs lointain ancêtres les homo-sapiens, ces derniers sont de plus affublés (du moins dans notre langue) d'un timbre de voix collant parfaitement à leurs agissements de soldats bas du front !

Agités par une volonté farouche de battre des records en matière de punchlines débilitante, chacun y va de sa phrase assassine puérile, la médaille d'or revenant sans doute au personnage du caporal Dean Portman qu'interprète l'acteur Richard Brake. Un exemple comme un autre qui décrédibilise totalement le récit comme cela est généralement le cas dans ce genre de science-fiction de petite envergure. Et dire que Dave Callaham et Wesley Strick s'y sont mis à deux pour nous pondre un scénario qui pompe également (et honteusement) le chef-d’œuvre de John Carpenter, The Thing. Amateurs de finesse, passez votre chemin. Qu'il s'agisse de l'intrigue, des dialogues ou de la mise en scène, même la touche féminine apportée par l'actrice britannique Rosamund Pike ne parvient jamais à relever le niveau. Les décors sont affreux, minimalistes et baignés d'une lueur bleutée qui à la longue fini par s'avérer usante nerveusement. Visuellement inconfortable, Doom se pare d'une partition musicale indigeste signée par le musicien britannique Clint Mansell, pourtant capable du meilleur lorsqu'il compose notamment pour le cinéaste Darren Aronovsky (Pi, Requiem for a Dream, etc...). Restent quelques passages durant lesquels nos marines dégénérés font la connaissance de créatures techniquement plus ou moins convaincantes. À part cela, Doom est une authentique purge !!!

vendredi 27 septembre 2019

Gonjiam de Jeong Beom-sik (2018) - ★★★★☆☆☆☆☆☆



Alors que le week-end à venir prend déjà des allures de séance de torture avec deux longs-métrages de Jean Rollin (La Fiancée de Dracula et Le Masque de la Méduse, le visionnage de La Nuit des Horloges ayant été abandonné en milieu de projection parce que ''de Jean Rollin, point trop n'en faut''), un étron indo-américain signé par Jennifer Chambers Lynch (le pixelisé et outrageusement ringard Hisss), et bientôt deux des pires adaptations de jeux vidéos au cinéma (Doom d'Andrzej Bartkowiak et House of the Dead de Uwe Boll), s'annonçait une interlude horrifique un peu moins abrutissante. Et ce, en la ''personne'' du réalisateur sud-coréen Jeong Beom-sik qui avec Gonjiam abordait l'année dernière l'horreur sous la forme commune du Found Footage avec ce que j'avais le malheur d'espérer être une approche différente du genre. Et à vrai dire, je n'avais pas totalement tort de considérer l’œuvre à venir comme un air nouveau soufflé sur un genre poussiéreux d'où ne surgissait qu'en de rarissimes occasions de réelles pépites cinématographiques. Après m'être endormi devant Noroi du cinéaste japonais Kōji Shiraishi, peut-être aurai-je dû retenter l'expérience après une bonne nuit de sommeil plutôt que de m'aventurer sur les terres désolées, pardon, désolantes de Gonjiam.

Jeong Beom-sik y fait s'y aventurer une poignée de gamins (sept au total) qui pour une émission de télévision japonaise diffusée sur l'un des plus célèbres sites web d’hébergement de vidéos (Youtube, comme il se doit) espèrent être vus par plus d'un millions d'abonnés afin d'empocher un maximum de billets verts (car malgré ses origines japonaises, on s'y exprime en dollars). Rassurez-vous, cet aspect de l'intrigue ne servant que dans des proportions minimalistes le sujet central, l'histoire tourne surtout autour d'un asile désaffecté dont la réputation est des plus mauvaise. Son ancienne directrice aurait en effet assassiné tous les patients de l’hôpital de Gonjiam avant de se suicider. Un lieu réputé pour avoir, entre autre, hébergé des prisonniers de la seconde guerre mondiale sur lesquels auraient été pratiquées d'abominables expériences (on pense alors au traumatisant Men Behind the Sun du cinéaste japonais Mou Tun-Fei). Armés de caméras GoPro et traditionnelles ainsi que de drones, nos sept investigateurs en herbes s'introduisent illégalement dans l'enceinte de l’hôpital psychiatrique de Gonjiam pour y découvrir bientôt qu'ils n'y sont pas les bienvenus...

Comme dans tout bon et surtout, très mauvais Found Footage, on pouvait s'attendre aux gimmicks habituels : entre des caméras atteintes du syndrome de Parkinson et une image attaquée par des parasites en tous genres. Pourtant, le spectateur aura l'agréable surprise de découvrir que le réalisateur a choisi de préserver les rétines de son public en n'abusant jamais des effets utilisés couramment dans ce genre de production. Mieux, Jeong Beom-sik semble vraiment s'intéresser à ses personnages puisqu'il leur consacré la majorité des séquences. Il faut comprendre que le réalisateur se focalise avant tout sur leurs expressions que sur ce qui les entoure. C'est malheureusement là que le bat blesse. En effet, à force de filmer tel ou tel interprète, il en oublierait presque de livrer au spectateur l'environnement dans lequel ils sont baignés. À tel point qu'il devient très rapidement rageant de voir combien le cinéaste se fiche du contexte, s'appuyant sur l'effet plus que stérile qu'il croit pouvoir créer en transmettant la peur à travers le regard de ses personnages. Le procédé devenant récurrent et bouffant littéralement la pellicule (oui, je sais, tout y est filmé au format numérique), on finit par être rapidement agacé d'autant plus que le résultat est loin d'atteindre l'effet escompté. De plus, lorsque Jeong Beom-sik daigne enfin lâcher ses interprètes pour nous faire profiter des lieux particulièrement sombres (c'est le cas de le dire), on se retrouve dans la peau de l'aveugle plongé dans un couloir sans lumière : autant dire que l'on n'y voit pas plus loin que le bout de son nez et qu'il devient difficile de décoder les images qui nous sont présentées. Quant aux artifices utilisés dans le cas présent, ils sont répétés si souvent qu'on fini par trouver la méthode plus drôle qu'effrayante. Des portes qui claquent par dizaines en mode ''Jump Scare'' et des personnages en transe hurlant un effroi qui malheureusement nous échappe. On finit par désirer voir apparaître le générique de fin. Mais là encore, à plusieurs reprises suivent des fondus au noir lors desquels on constate en trépignant d'impatience que Gonjiam n'est jamais tout à fait terminé. Du moins jusqu'à ce que l'acte libérateur qui évitera au spectateur la rupture d'anévrisme arrive enfin. Ouf !

Hisss de Jennifer Chambers Lynch (2010) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



Comme cinéaste, David Lynch est objectivement reconnu comme étant un génie. Par contre, en tant que père de la réalisatrice Jennifer Chambers Lynch, il aurait sans doute été judicieux pour lui d'inculquer la valeur suivante à sa prgéniture: lorsque l'on n'est pas fait pour exercer un métier, mieux vaut cesser toute activité dans ce domaine et chercher à s'épanouir ailleurs. Car après avoir signé en 1993 le très mauvais Boxing Helena, la fille de l'auteur de Eraserhead, Blue Velvet et Lost Highway revenait dix-sept ans plus tard avec un scénario franchement alléchant mais un résultat plus proche du navrant Dune que réalisa son père en 1984 que la majeure partie de ses éblouissants longs-métrages. Une petite tape sur les fesses et une bonne leçon auraient dû suffire à Jennifer Chambers Lynch pour nous débarrasser une fois pour toute de sa présence et de ses visions outrageusement ringardes. Car plutôt que de retenir ses erreurs passées, la jeune femme préférait alors se complaire une fois encore dans une œuvre au scénario riche de l'écriture de trois hommes (Will Keenan, Govind Menon et Vikram Singh) mais dont la forme prend une nouvelle fois le chemin du ridicule à travers une accumulation d'effets visuels proprement indigestes.

Quant au cadre choisi, celui de l'Inde, propice en théorie à un voyage d'une époustouflante beauté entre cités grouillantes de vie et de mille couleurs ainsi que d'épaisses forêts où rôdent tout autant de dangers, Hisss n'est au final qu'un petit film d'épouvante sans envergure dont le titre se réfère au sifflement produit par les serpents. Une œuvre dans laquelle la réalisatrice tente de nous faire avaler la pilule d'un récit porté sur une légende locale entourant une déesse serpent prénommée Nāginī et capable de prendre forme humaine, laquelle est lancée à la poursuite d'un homme condamné à mourir d'un cancer lui-même à la recherche du Naagmani qui détient la faculté de rendre immortel celui qui le possède.

Lorsque Jennifer Chambers Lynch ne se prend pas pour une cinéaste indienne digne du cinéma de Bollywood (des danseurs locaux exécutent effectivement une danse très colorée devant la caméra de la réalisatrice), la jeune femme s'imagine sans doute capable de faire aussi bien que le cinéaste Paul Schrader, auteur du bien plus convainquant et envoûtant Cat People en 1982 avec la sensuelle Nastassja Kinski (remake du film éponyme signé quarante ans plus tôt par le réalisateur français Jacques Tourneur). Un détail plutôt intéressant (pour ne pas dire purement risible) ouvre les hostilités. En effet, pour ne pas choquer les amoureux des animaux, Jennifer Chambers Lynch, la production ou le distributeur que sais-je, se trouve sans doute contraint de préciser que les serpents du film sont faux... A s'étouffer de rire, surtout lorsque l'on constate combien les effets-spéciaux numériques sont parmi les plus détestables du genre et sont d'égale qualité à ceux d'un Sharknado assumant lui, pleinement son côté ringard. Entre fantastique, policier et un humour dont on cherchera encore longtemps le sens (sans doute propre au cinéma indien, qui sait...), Hisss offre de surcroît une partition musicale vraiment affreuse à entendre et digne du premier long-métrage d'une Jennifer Chambers Lynch qui maîtrise donc comme personne d'autre qu'elle le mauvais goût. Reste l'affolante beauté de l'actrice et mannequin indienne Mallika Sherawat, la présence de l'acteur indien Irfan Khan en étonnant sosie de l'acteur américain Gary Sinise, et Jeff Doucette venu lui aussi se perdre dans cette indigence. Pour le reste, vous pouvez passer votre chemin...

Le Masque de la Méduse de Jean Rollin (2009)



Alors que la Faucheuse nous l'a dérobé l'année même de la sortie de son dernier long-métrage Le Masque de la Méduse, le cinéaste septuagénaire français Jean Rollin n'avait pourtant pas l'intention de mettre un terme à sa carrière puisqu'il avait déjà en tête un nouveau projet. Mais la Mort ne l'entendant pas de cette oreille, il nous a quitté le 15 décembre 2010 en laissant derrière lui une œuvre ''remarquable'' à plus d'un titre dont ce Masque de la Méduse justement, dont la curiosité demeure dans son approche théâtrale très particulière. Comme son nom l'indique, le dernier long-métrage de Jean Rollin s'inspire librement du mythe de Μέδουσα, ou, Méduse, originaire de la mythologie grecques qui avec ses sœurs Euryale et Sthéno forment la trinité des gorgones dont Méduse est la seule à être immortelle et à posséder l'effrayante capacité de pétrifier quiconque ose poser son regard sur elle.

Si Méduse a conquis les territoires de la littérature, de la peinture ou de la sculpture, le cinéma n'est pas demeuré en reste puisque l'effrayante créature est apparue dans divers productions dont l'excellent péplum de Desmond Davis Le Choc des Titans en 1981 et dans ce Masque de la Méduse dans lequel la célèbre gorgone y tient le rôle principal. On ne s'étonnera pas d'y croiser une galerie de personnages incongrus. Telles les trois gorgones donc, un nain, le gardien incarné par Jean-Pierre Bouyxou, acteur qui parcourut pas mal de longs-métrages de Jean Rollin, allant jusqu'à participer à l'élaboration de certains scénarii. Sabine Lenoël qui débuta auprès de Patrice Chéreau (La Reine Margot) avant de tourner pour Alain Corneau (Le Nouveau Monde) tourna quant à elle trois fois auprès de Jean Rollin (les deux autres longs-métrages étant La Fiancée de Dracula et La Nuit des Horloges). Quant au rôle de Méduse, le cinéaste l'a confié à sa propre épouse Simone Rollin.

Il faut savoir avant toute chose qu'au delà de son aspect amateur, Le Masque de la Méduse est surtout une œuvre qui pourra s'avérer inconfortable pour quiconque s'attendrait à un film d'horreur, certes filmé et interprété avec les pieds, mais dont le déroulement demeurerait classique. Ici tout commence comme un film new-age avec ses images d'aquarium et sa musique imbuvable pour virer après seulement quelques minutes vers le théâtre expérimental. Le cinéaste nous invite à un voyage dans le passé, lorsque déjà vers ses débuts de cinéaste il prônait un style très personnel qui trouve sans doute dans le cas présent son aboutissement. Cette forme particulière est sans doute aussi l'occasion de mettre un peu de poudre aux yeux des spectateurs puisqu'en choisissant ce format, le cinéaste permet à ses interprètes d'être très mauvais tout en laissant croire que leur interprétation est directement liée à son approche théâtrale. Curieux et, reconnaissons-le, assez chiant dans la forme et dans le contenu également, à sa décharge Le Masque de la Méduse possède à quelques occasions des dialogues plutôt bien écrits mais dont la qualité est malheureusement souvent désamorcée en raison d'interprètes n'y mettant pas assez de cœur ou d'engouement. À noter que le cimetière servant à certaines occasions de décor est celui du Père Lachaise à Paris et que le Théâtre du Grand Guignol du film arbore quelques sympathiques affiches de pièces d'époque...

jeudi 26 septembre 2019

La Fiancée de Dracula de Jean Rollin (2002) - ★★★★★☆☆☆☆☆



Le cinéaste Jean Rollin nous a quitté il y a presque dix ans et a laissé derrière lui une longue filmographie fantastique essentiellement constituée de longs-métrages consacrés aux vampires. La Fiancée de Dracula, son antépénultième film ne dérogeant pas à cette règle immuable, nous y redécouvrions en 2002, son ancienne égérie Brigitte Lahaie, laquelle tourna pour le cinéaste français à plusieurs reprises dans le courant des années soixante-dix et quatre-vingt. Si l'on s'en tient strictement à son aspect esthétique, La Fiancée de Dracula ne diffère pas des œuvres passées de son auteur. Par contre, il lui arrive dans le cas présent d'avoir infiniment plus d'inspiration en matière d'écriture et ce, même si la mise en scène parfois statique rappelle malheureusement ce qui ,fait souvent défaut chez cet auteur considéré par une partie du public et des critiques comme un réalisateur raté tandis que d'autres le vénèrent comme un auteur culte.

Si La Fiancée de Dracula est une nouvelle fois l'occasion de le comparer à une sorte de Jean-Pierre Mocky versé dans l'épouvante et l'horreur, Jean Rollin s'est cependant offert la participation d'interprètes d'origines et de talents divers. Avec un scénario aussi absurde qu'alambiqué sur lequel fort heureusement ne repose pas l'essentiel du film, le cinéaste accueille donc à nouveau l'ancienne star du porno français, laquelle côtoie notamment l'actrice Catherine Castel, elle aussi une ancienne actrice X, mais également, et là demeure la surprise de La Fiancée de Dracula la plus incongrue : la jeune actrice française d'origine espagnole Magalie Madison. Dit comme ça sans autre précision, l'information peut se révéler des plus anodine. Et pourtant, cette jeune femme âgée de trente-neuf ans à l'époque du tournage fut célébrée par le jeune public durant la première moitié des années quatre-vingt dix en interprétant le rôle d'Annette dans la série Premiers Baisers. À l'occasion de La Fiancée de Dracula, l'actrice incarne une ogresse se repaissant goulûment de bébés qu'elle dévore à pleines dents. La participation de Magalie Madison, si elle n'est pas ici un gage de réussite pour une œuvre qui une fois encore se vautre dans la série Z, la jeune femme s'en sort très honorablement et offre une interprétation juste et soignée qui prouve que pour cette actrice qui débutait là sur grand écran, il n'y a pas de petit rôle...

Tout comme la plupart des interprètes qui d'ailleurs donnent de leur personne et appréhendent au mieux leur personnage respectif. Jacques Orth incarne un Professeur lancé à la recherche des restes du célèbre comte Dracula et de sa fiancée en compagnie de son assistant Eric avant d'être happé dans l'univers des parallèles, d'étranges créatures fantastiques. La Fiancée de Dracula est l'occasion de croiser la route d'un nain affublé d'un déguisement de bouffon, d'un sosie de Jean-Pierre Marielle (le professeur), de celui de Calogero à l'époque des Charts ( Denis Tallaron dans le rôle d'Eric) et surtout d'une congrégations de nonnes toutes plus délurées, vicieuses et rendues folles les unes que les autres. Si La Fiancée de Dracula se retrouvera très rapidement après la projection relégué aux oubliettes du septième art, force est de reconnaître que d'ici le générique de fin, le film de Jean Rollin s'offre une fonction de sérum hypnotique. Sans vraiment comprendre le déroulement de l'intrigue, la vacuité du scénario saura se faire oublier au profit du jeu outré de la majeure partie du casting dont une Magalie Madison très à l'aise même lorsqu'il s'agit d'exhiber la pointe d'un téton et pourquoi pas, un sein tout entier. Jean Rollin renoue une fois de plus avec son obsession pour le vampirisme et semble se prendre parfois pour le Ken Russell français avec ses nonnes dégénérées et lubriques. Au final, La Fiancée de Dracula se regarde comme un objet de curiosité dont les amateurs du cinéaste se délecteront de toute façon...

mardi 24 septembre 2019

Marebito de Takashi Shimizu (2004) - ★★★★★★☆☆☆☆



Le cinéaste japonais Takashi Shimizu, créateur de la série de films d'horreur Ju-On et l'un des maîtres de la J-Horror revenait en 2004 avec ce qui demeure son œuvre la plus complexe. Ou du moins, celle qui reste à ce jour incomprise par une grande partie de la presse qui à sa seule évocation vocifère des propos plus ou moins justifiés. Heureusement qu'une partie du public, lui, a trouvé en ce curieux objet filmique non identifié, de quoi l'honorer de louanges salvatrices. À vrai dire, démarrer la filmographie du japonais en commençant par Marebito risque d'en faire fuir plus que de raison car plus qu'aucun autre de ses longs-métrages, celui-ci pose les jalons d'un cinéma d'épouvante qui n'aura malheureusement pas vraiment donné naissance à une franchise si ce n'est une certaine approche du média employé et sublimé l'année suivante à travers le très réussi Rinne.

Alors que le terme Marebito fait référence dans la tradition japonaise à un être surnaturel apportant la sagesse, la connaissance spirituelle et le bonheur, on ne peut pas dire que le cinéaste ait pris le sens du mot à la lettre car Marebito transpire tout sauf la joie et la pudicité. Dans un contexte urbain déshumanisé parfois proche du C.H.U.D que réalisa le cinéaste et monteur américain Douglas Cheek en 1984, le long-métrage de Takashi Shimizu est tout d'abord emprunt d'une solitude désarmante. Celle de son héros, incarné par l'acteur et réalisateur culte Shin'ya Tsukamoto, l'Âme du genre ''cyberpunk'' japonais qui donna naissance au légendaire Tetsuo et réalisa des œuvres aussi cultes que Tokyo Fist, Bullet Ballet ou le délirant Gemini.

Le héros que l'acteur incarne est à ce point obsédé par l'utilisation de la vidéo (son appartement est infesté de systèmes de surveillance et il ne le quitte jamais sans avoir avec lui un portable ou une caméra) et par l'étude des mécaniques débouchant sur la peur que l'on se demande tout au long de ces quatre-vingt dix minutes, dans quelles proportions ce à quoi est amené le spectateur à assister n'est pas le fruit de l'imagination débordante d'un psychopathe. Ici, et contre toute attente, Takashi Shimizu abandonne quelque peu son ''fond de commerce'' habituel puisque contrairement à ce que laisse paraître Marebito, la créature féminine que côtoie avec une certaine ambiguïté le héros Masuoka peut être davantage rapproché du vampire que du fantôme chevelu même si certains gimmicks propres au genre (distorsions et parasitage de l'image, apparitions spectrales) laissent supposer que l'on est en terrain connu. Le monde dans lequel va bientôt évoluer Masuoka, le poussant à enquêter sur le suicide d'un homme dans le métro tokyoïte, se situe dans un monde souterrain, parallèle, un village entouré de montagnes bâtit par des habitants vivant sous terre et où vit enchaînée F, une jeune femme blafarde et anémique qu'il va ramener chez lui et la nourrir de sang humain.

C'est à ce moment très précis que le spectateur sera poussé à s'interroger sur l'hypothétique folie d'un individu poussé au meurtre afin de nourrir sa protégée. Se noue alors une étrange relation entre F et Masuoka. Takashi Shimizu étoffe son récit en s'inspirant d'un manuscrit écrit par Richard Sharpe Shaver au milieu des années quarante intitulé A Warning to Future Man et dans lequel il fait intervenir des créatures monstrueuses nommées Deros. L'un des éléments laissant supposer la folie du héros intervient au moment même où est évoqué le fait qu'il cesse de suivre son traitement à base de Prozac. La réalité des faits n'étant jamais définitivement établie, Marebito vogue donc entre réalité et fantastique et s'insère dans un contexte social relativement trouble. L'inconfort général dû au traitement visuel et à un scénario brouillon abandonne le spectateur à une évaluation personnelle le guidant à faire sa propre analyse de la situation. On est donc face à un long-métrage expérimental très éloigné des canons du genre, l’œuvre de Takashi Shimizu pouvant alors être définie comme une étude clinique sur la solitude et la folie qui peut éventuellement découler sur une distorsion de la réalité. Marebito se révèle au final complexe à aborder et ses qualités difficiles à évaluer. Intriguant, dérangeant et unique en son genre...

lundi 23 septembre 2019

Boxing Helena de Jennifer Chambers Lynch (1993) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



Mon dieu quelle vilaine chose que voilà. Jennifer Chambers Lynch, fille de l'illustre réalisateur américain David Lynch débutait sa carrière de cinéaste en 1993 avec un Boxing Helena, je m'en souviens très bien, réputé sulfureux. Mais ici, point du génie de son célèbre papa. Celle qui fut tout d'abord l'initiatrice d'une préquelle littéraire à l'excellente série Twin Peaks (éditée sous le titre Le Journal secret de Laura Palmer) se fend ici d'un premier long-métrage qui ne mérite pas du tout, du moins aujourd'hui, les éloges dont firent preuve les journalistes de l'époque. Un quart de siècle plus tard, certaines choses ont changé en terme d'esthétique, ou évolué, l’œuvre de Jennifer Chambers Lynch paraissant alors d'une très grande puérilité. Partant sur des bases solides dues à un scénario écrit par la réalisatrice et le scénariste américain Philippe Caland, Boxing Helena nous conte l'histoire d'un homme aussi passionnément que maladivement amoureux d'une femme qui l'ignore copieusement. On pourra déceler ça et là une sorte de jeu morbide initié par cette beauté incarnée par la belle et plantureuse Sherilyn Fenn (vue notamment dans Sailor et Lula de... David Lynch, trois ans auparavant) face à un Julian Sands sur le fil du rasoir entre passion et folie.

On peut porter aux nues ou dénigrer le principe plus que subjectif des Razzie Awards, mais concernant le premier long-métrage de Jennifer Chambers Lynch, le spectateur aura tôt fait de se ranger du côté des détracteurs qui voteraient pour octroyer à Boxing Helena le prix du pire film de cette année 1993 tant il repousse parfois les limites de l'indigent et du grotesque. Pour commencer, et la réalisatrice n'est évidemment pas à mettre en cause, son film n'a aujourd'hui plus l'effet escompté à l'époque. La faute à un art qui n'a eu de cesse de repousser les limites en matière de violence physique et psychologique. Par contre, ce que l'on peut mettre sur le compte de la fille de l'auteur des brillants Eraserhead, Blue Velvet, Mulholand Drive ou Inland Empire, c'est ce mauvais goût qui transpire à chaque plan. Cette esthétique de clip vidéo (les ralentis) couplée à une patine et des dialogues dignes des pire soap opera (Cœur de Diamant, Santa Barbara, Les Feux de l'Amour et consorts).

Boxing Helena porte l'horrible et indélébile marque des téléfilms érotiques diffusés tard le soir et dont le contenu est de nos jours beaucoup moins choquant que les quelques fugaces apparitions de tétons, pubis et sexes en érection que distille désormais encore au compte le cinéma traditionnel. Laid, mais également ennuyeux, car du sulfureux sujet, la réalisatrice propose une œuvre au jeu involontairement théâtral dont la responsabilité demeure celle de Jennifer Chambers Lynch mais aussi sans doute celle des acteurs incapables de l'alerter sur la puérilité de leur interprétation. Ne parlons même pas de la bande-son qui ferai pâlir papa Lynch et mieux, l'arrangeur musical et compositeur Angelo Badalamenti à côté des prouesses duquel, le fond sonore de Boxing Helena est un supplice presque constant. Niveau Casting, la présence de Julian Sands et Sherilyn Fenn n'est malheureusement pas un gage de qualité. Et sans doute encore moins celle du pourtant excellent Bill Paxton (ici affublé d'une abominable coiffure) ou d'Art Garfunkel (oui, oui, la moitié du duo Simon and Garfunkel) qui, le pauvre, semble errer sans savoir comment se positionner ou vers qui porter le regard. Au final, Boxing Helena est au mieux un gigantesque clip érotique de cent-cinq minutes, au pire, une pub bien trop longue pour lingerie féminine. À éviter...

Der Goldene Handschuh de Fatih Akın - ★★★★★★★☆☆☆



Bienvenue au Golden Glove (Der Goldene Handschuh), repaire des épaves où se côtoient des alcooliques, des prostituées en fin de carrière, des clochards ainsi que Fritz Honka. Un petit ouvrier sans envergure, d'une très grande laideur, arborant le cheveu gras, un nez en forme de grappe de raisin, un œil torve couplé à un important strabisme. Le Golden Glove est son terrain de chasse. C'est là et quelques rues plus loin qu'il pêche ses futures victimes. De vieilles femmes au regard embué par le schnaps, fripées, édentées, les seules qu'il est en mesure de ramener chez lui pour laisser libre court à ses fantasmes sexuels pervers avant de les tuer, de les découper en morceaux et de cacher ces derniers derrière une planque située dans l'un des murs du dépotoir qui lui sert d'appartement. Le domaine d'un tueur qui se fond littéralement dans ce portrait d'un individu, mais aussi d'une société qui se délite en cette moitié des années soixante-dix situant son action à Hambourg.

Pour son dernier long-métrage, Fatih Akın, qui n'est pas réputé pour avoir froid aux yeux, repousse un peu plus les limites en réévaluant sans doute ici le barème en matière d'environnement glauque. Le cinéaste allemand dresse le portrait d'un homme, d'une rue, d'un pays abandonnés aux mains des voyous, de l'alcool et de la prostitution en n'offrant que des visions nihilistes d'un coin de pays gangrené et conquis par une faune marginale et à ce point stéréotypée que Fatih Akın l'honore en l'érigeant telle une œuvre d'art malodorante, crue et craspect. Der Goldene Handschuh est l'antithèse du rêve outre-atlantique. Une vision de la vieille Europe désargentée. Un décor de fin du monde dans lequel rats et cafards n'osent même pas foutre les pieds.
Comme si l'histoire personnelle de Fritz Honka, cet authentique tueur en série qui tua au moins quatre prostituées durant la première moitié des années soixante-dix, ne suffisait pas à révulser, il fallait que le réalisateur y rajoute une couche de crasse bien profonde. Si l'on s'en tient uniquement à cet homme, nécrophile et complexé par sa petite taille qui choisissait parmi ses victimes des femmes édentées en raison de sa peur irraisonnée d'être mordu lors des fellations, le bonhomme possédait un sacré pedigree. Car non content de tuer des prostituées, il les découpait en morceau et les conservait chez lui, l'appartement dégageant alors une abominable odeur de viande en décomposition.

Ici, la mort est lente et douloureuse...

À l'écran, c'est l'acteur allemand Jonas Dassler, qui après avoir déjà tourné auprès de Fatih Akın dans La révolution Silencieuse l'année précédente, prête ses traits au personnage de Fritz Honka. Du moins, une partie à peine visible de sa personne puisque planqué sous un maquillage en latex lui offrant une apparence quelque peu repoussante, l'acteur incarne un monstre froid, violent, sexuellement déviant et aussi touchant que repoussant. C'est dans la misère que constitue l'existence de cet homme fade et répugnant vivant dans une crasse qui donnera sans doute quelques nausées à certains spectateurs que l'on perçoit l'humanité d'un individu qui a sans doute forgé sa personnalité en fonction des moqueries et des rejets dont il a toujours été victime mais également de ses propres complexes qui lui ont refusé une vie sociale normale et saine. À côté de lui, la galerie de portraits que nous présente Fatih Akın est proprement ahurissante. Des gueules brisées, cassées, détruites par la gnôle, la prostitution, ou par certains relents de l'histoire de l'Allemagne Nazie. Un spectacle où être un ''Freak'' est ici un atout majeur pour se fondre dans des décors ''dégénérés''...
Derrière la monstruosité du personnage, la deuxième partie de Der Goldene Handschuh constitue une sorte de rédemption de la part d'un homme qui après un accident choisi de laisser tomber l'alcool, de changer de boulot (pour celui d'agent de sécurité) et de mener une vie plus saine. Mais l'habit ne faisant pas le moine, ce Fritz Honka de fiction finira-t-il son existence comme celle du véritable tueur... ? Une belle réussite, entre drame et comédie morbide. Une œuvre qui suinte admirablement la vermine et dont la violence ne peut laisser indemne...
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