L'un des plus grands
péplums de l'histoire du cinéma, et sans doute l'un des plus grands
films de tout le septième art n'a pas perdu de sa superbe, même
après soixante-trois ans d'existence. Réalisé par le réalisateur
et producteur américain Cecil B. DeMille, trente-trois ans après le
long-métrage éponyme qu'il réalisa lui-même en 1923, Les
Dix Commandements
demeure la plus flamboyante des adaptations cinématographiques
basées sur le ''Assereth
ha-Dibberoth''
ou Décalogue, l'ensemble des instructions morales et religieuses
reçues par Moïse au sommet du Mont Sinaï en Égypte. Transmises par
Dieu apparaissant sous la forme d'un buisson ardent, ces instructions
prirent la forme de tables gravées sur lesquelles, selon la Torah,
Dieu posa son doigt.
Alors
que dans la version de 1923 le cinéaste abordait son œuvre en deux
parties, la seconde se situant dans les années 1920, Cecil B.
DeMille choisit de se concentrer dans celle de 1956 sur la vie de
Moïse, de sa naissance et son sauvetage par Lilia, la fille du
Pharaon Séthi 1er qui régna de -1294 à -1279, jusqu'à la seconde
rencontre entre Moïse et Dieu suivant l'exode du peuple hébreux au
pied du Mon Sinaï dans la péninsule égyptienne du même nom et à
la suite de laquelle furent gravés les dix commandements.
C'est
grâce à sa connaissance de l’Égypte Ancienne que celui qui
demeurera comme l'un des plus grands acteurs américains de son
époque décroche le rôle principal de Moïse. Alors que le propre
fils de la star, Fraser Clarke Heston, incarne le futur prophète du
judaïsme alors qu'il n'a qu'un an, son père, l'immense Charlton
Heston irradie ensuite de sa présence une œuvre qui aura coûté à
la production, treize millions de dollars. Une somme qui peut
paraître dérisoire aujourd'hui mais qui à l'époque était
exceptionnelle (je rappelle que nous sommes alors dans la seconde
moité des années cinquante). Face au charisme de l'acteur qui
interprétera plus tard le personnage principal d'un autre immense
péplum, celui du Ben-Hur de
William Wyler, affrontera les nouveaux maîtres d'une planète Terre
futuriste dirigées par des primates dans La
Planète des Singes
ou découvrira l'effroyable vérité sur le Soleil
Vert
de Richard Fleischer, il fallait opposer un acteur capable d'avoir
une certaine ascendance. C'est ainsi donc que le rôle de Ramsès II,
fils de Séthi 1er et futur Pharaon D’Égypte est confié à l’acteur
américain d'origine russe et mongole, Yul Brynner, dont la carrière
débuta à la télévision en 1944 (Mr. Jones and
His Neighbors)
avant d'exploser au cinéma dans le film de Cecil B. DeMille, avec notamment Les Sept Mercenaires
de John Sturges, Tarass Boulba de
J. Lee Thompson, ou encore Mondwest de
Michael Crichton dans lequel il incarnerait un robot à l'effigie
d'un cow-boy, hommage au mercenaire Chris Adams qu'il incarna treize
auparavant.
Énumérer
la totalité des personnages, et donc de leur interprète respectif,
prendrait sans doute des heures tant le casting des Dix
Commandements est
remarquable. On pourrait citer l'acteur Edward G. Robinson qui dans
le rôle de Dathan y incarne un hébreux à la solde de l’Égypte.
Pleutre, ambitieux, violent et ayant oublié ses origines. Yvonne De
Carlo, qui dans celui de Sephora interprète la future épouse de
Moïse rencontrée près d'un puits à Madian alors qu'il vient de
vivre un long exode solitaire à travers le désert. Cedric Hardwicke
qui dans la peau de Séthi 1er se pose en Pharaon honnête et droit
envers son peuple mais inflexible envers les esclaves hébreux. Mais
on retiendra sans doute en troisième position dans l'ordre
d'importance après Charlton Heston et Yul Brynner, le personnage de
Néfertari, interprétée par la sublime Anne Baxter, déchirée ici
entre son indéfectible amour pour Moïse et sa crainte de devoir
épouser Ramsès II. Personnage complexe (la personnalité des deux
demi-frères étant facile à mettre en évidence), elle irradie elle
aussi l'épopée de Cecil B. DeMille de sa grâce et sa beauté. En
dehors des interprètes à proprement parler, il faudrait également
citer les nombreux figurants, ces anonymes qui au nombre de dix-mille se
sont fondus dans une reconstitution historique gigantesque (parmi les décors
les plus vastes jamais réalisés pour un long-métrage à l'époque) et qui
participent par leur seule présence à l'incroyable spectacle qui
nous est offert.
D'ailleurs,
il serait inconcevable de les évoquer sans parler du travail
notamment effectué sur les costumes, mais plus encore les effets-spéciaux par le superviseur et
directeur de la photographie américain John P. Fulton (de l'American
Society of Cinematographers) qui reçut à l'occasion de sa
participation à leur élaboration, l'Oscar des meilleurs effets
visuels, lequel fut assisté du concepteur d'effets-spéciaux
mexicain Paul Lerpae. Ce dernier employa la technique du
''Cache/contre-cache''
(ou ''travelling
matte'')
consistant à placer un décor peint en trompe-l’œil tandis que
l'américain Farciot Edouart usa de la technique de la ''Projection
Arrière''
(ou ''Process
Photography'')
consistant à projeter une image sur un écran depuis l'arrière de
l'écran principal. Mais de tous les effets-spéciaux, celui que le spectateur
retiendra sans doute davantage que n'importe quel autre (la majeure
partie d'entre eux se fondant si naturellement dans le décor qu'ils
deviennent spontanément invisibles) demeure la séquence durant
laquelle Moïse, à l'aide de son bâton, sépare les eaux de la Mer
Rouge en deux afin de permettre à son peuple d'échapper à ses
assaillants. Une séquence difficile à monter mais qui depuis toutes
ces années n'a pas perdu de sa force et sa beauté.
Si
tant est que l'on soit peu enclin à accorder du crédit à certains
événements se produisant lors de certains passages, on peut
considérer l’œuvre de Cecil B. DeMille comme un formidable film
fantastique plongeant ses personnages dans un univers où se mêlent
Histoire, récit biblique, aventures, drame et romance. D'une durée
avoisinant les trois heures et quarante minutes, Les
Dix Commandements fut une véritable manne pour la société de production Paramount
puisque le film rapporta en cette seule année 1956, soixante-cinq
millions de dollars sur le seul territoire américain. En France, il
faudra attendre plus d'une année entière et le 17 janvier 1958 pour
pouvoir découvrir le film en salle où il dépassa les quatorze
millions d'entrées. À noter que cette seconde version des Dix
Commandements par
Cecil B. Demille fut aussi son dernier long-métrage. Alors qu'il
avait en tête la réalisation d'une œuvre portée autour de la
Vierge Marie, l'immense cinéaste américain qu'il fut devait s'éteindre d'épuisement le 21
janvier 1959 à l'âge de soixante-dix sept ans...
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