Troisième collaboration
entre le cinéaste Pierre Jolivet et l'acteur Vincent Lindon, Le
Frère du Guerrier nous renvoie longtemps en arrière. Au
treizième siècle. A cette âpreté rurale où les dangers
guettaient. Où les brigands faisaient loi. Pillaient, violaient,
tuaient impunément. De cette existence austère où régnait
l'importance du travail soigneusement accompli. Dans ces espaces
encore épargnés par la grisaille du bitume mais où vivre n'était
cependant pas chose aisée. Que la France était belle. Et même si
à l'occasion, on imagine que les décors ayant servi au tournage
sont bien moins âgés que l'époque à laquelle est située
l'intrigue, Pierre Jolivet, en choisissant de tourner son œuvre près
du hameau des Boissets, sur le Causse de Sauveterre en Lozère, nous
plonge dans un univers dont on regretterait presque assurément qu'il
soit condamné à disparaître.
S'il est un fait qui
paraît immédiatement clair, c'est le travail accordé aux
personnages principaux. Thomas, Arnaud, Guillemette. Vincent Lindon,
Guillaume Canet, Mélanie Doutey. Pierre Jolivet s'est tant et si
bien appliqué à les approfondir que derrière la menace naît
l'inquiétude du spectateur. En effet, voici enfin des personnages
dont on redoute véritablement qu'il leur arrive quelque chose de
mauvais.
Le Frère du
Guerrier dure un peu moins de deux heures. Le cinéaste y
consacre une bonne partie à décrire la personnalité de ses
principaux protagonistes. Un passage obligé pour que ne tombe pas
dans l'indifférence l'individu au moment de rendre l'âme. Les
brigands eux aussi ont leur importance. Moins travaillés, leur
implication est cependant considérable et participe grandement à
ces moments de tensions extrême que cultivent, et le cinéaste par
l'apparente tranquillité de certaines scènes, et la partition
musicale de Serge Perathoner et Jannick Top voguant entre minimaliste
anxiogène et musique médiévale de toute beauté.
Vincent Lindon a depuis
sa précédente collaboration avec Pierre Jolivet, joué au cinéma
auprès des cinéastes Pascal Thomas, Claire Denis, et à nouveau
Coline Serreau. Quant à Mélanie Doutey, fille d'Alain Doutey et
d'Arièle Semenoff, c'est la première fois qu'elle interprète un
rôle de cette importance puisque jusqu'à maintenant, elle n'avait
participé qu'à deux longs-métrages dans lesquels elle avait de
tout petits rôles. Pour Guillaume Canet, c'est la seconde occasion
de tourner auprès de Pierre Jolivet puisque en 1998 il participa au
tournage d'En Plein Coeur en compagnie de Gérard
Lanvin, Virginie Ledoyen et Carole Bouquet.
L'un des aspects de
l’œuvre du cinéaste, c'est sa simplicité. Ici, pas de grande
épopée sauvage, de combats dantesques, ni de casting de figurants
monumental. Le climat est souvent asutère, et les dialogues
minimalistes. Tout se joue autour des interprètes. De la mise en
scène, et de l'intrigue qui mêle aussi bien, esprit de vengeance,
romance, et reconstitution d'une époque. Les décors sont
magnifiques. Les héros parcourent quelques édifices majestueux,
comme cette incroyable abbaye dans laquelle Thomas et Guillemette
espèrent se procurer un ouvrage sur des remèdes que l'on aurait pu
comparer en ce temps à la phytothérapie d'aujourd'hui.
Une histoire simple
finalement. Touchante aussi. De ce jeune homme qui pour avoir été
battu par des brigands a perdu la tête, de son frère qui depuis une
longue absence revient vers lui, et de l'épouse d'Arnaud, seule
désormais responsable de ses enfants, et inquiète pour leur
avenir. Le Frère du Guerrier mêle
diverses intrigues au cœur d'un monde rural sauvage. Le pillage de
la minuscule ferme d'Arnaud et Guillemette est vécu comme un viol.
Le clan des brigands principalement constitué par les acteurs
Thierry-Perkins Lyautey, Roch Leibovici et Manuel Le Lièvre a de
quoi faire peur d'autant plus que nos héros vivent isolés du reste
du monde. Un espace ouvert autour duquel, le danger peut surgir de
n'importe où. Pierre Jolivet s’approprie ainsi l'espace. Les
bruits de sabots des chevaux parcourant les collines devient le sujet
de maintes angoisses. Vincent Lindon incarne à l'époque un
personnage inattendu. Il s'en sort admirablement. Comme ses deux
complices sur le tournage. Guillaume Canet et Mélanie Doutey. Une
œuvre envoûtante...
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