Si la chose ne
transparaît pas forcément à l'écran, il faut savoir que
l'excellent duo formé par les acteurs Gene Wilder et Richard Pryor
ne reflétait absolument pas leur vie intime respective (les deux
hommes ne se fréquentant effectivement pas en dehors des jours de
tournage). En effet, alors que Gene Wilder avait pour habitude de
travailler avec rigueur, Richard Pryor avait quant à lui pour
coutume d'arriver en retard sur les plateaux de tournage. Une
habitude qui n'allait pas sans une importante consommation de drogues
et d'alcool. Des penchants qui privèrent les deux hommes de
travailler sur ce qui allait devenir en 1983, l'une des plus
remarquables et des plus drôles des comédies américaines traduite
chez nous sous le titre Un fauteuil pour deux
de John Landis. Remplacés par l'excellent duo Eddie Murphy et Dan
Akroyd, on n'ose imaginer à quoi aurait ressemblé le film s'il
avait été interprété par le duo formé par Gene Wilder et Richard
Pryor, lequel n'est au fond pas si éloigné que celui que formèrent
donc pour un court moment les deux autres vedettes de cinéma.
Bêtement traduit sous le titre Pas nous, pas
nous,
le vingt-sixième long-métrage cinématographique du réalisateur
Arthur Hiller See No Evil, Hear No Evil
sera l'avant-dernière collaboration entre Gene Wilder et Richard
Pryor après Transamerica Express
(également signé d'Arthur Hiller en 1976), Faut
s'faire la malle
de Sidney Poitier en 1980 et avant Another You
qui lui, sera réalisé en 1991 par Maurice Phillips. Rien d'étonnant
à ce que See No Evil, Hear No Evil
soit une comédie, nous retrouvons donc les deux acteurs au centre
d'un récit burlesque dans lequel un aveugle (Richard Pryor dans le
rôle de Wally Karue) et un sourd (Gene Wilder dans celui de Dave
Lyons) s'avèrent être les témoins uniques d'un assassinat !
Ces deux hommes, qui ne se connaissent pas, tentent tout d'abord de
cacher qu'ils sont l'un et l'autre atteints d'un handicap. Ce qui
nous vaut parfois quelques situation particulièrement absurdes mais
drôlatiques. Comme celle mettant en scène l'aveugle aidant un autre
aveugle à traverser la rue ! Ou celles lors desquelles
l'attention du sourd est détournée (il est en effet capable de lire
sur les lèvres).
Arthur
Hiller met bien évidemment ses deux interprètes dans des situations
qui se joueront de leurs inaptitude à voir ou à entendre. Richard
Pryor se retrouvera notamment au volant d'une voiture et Gene Wilder
devra taper du pied au sol ou tenir la main de son comparse s'il veut
que celui-ci parvienne à le suivre dans la rue. D'abord connu pour
avoir réalisé en 1970 la romance dramatique Love
Story
avec Ali McGraw et Ryan O'Nea, ce film qui rencontra le succès et
qui remporta un certain nombre de récompenses dans les festivals
n'empêcha pas son auteur d'investir avant et après les domaines du
film de guerre (Tobrouk, commando pour l'enfer),
de l'horreur (Morsures)
ou de la comédie, genre qu'il aborda à de multiples reprises (Ras
les profs ! en
1984 avec Nick Nolte). Duo savoureux et antinomique (comme dans la
vie, le personnage incarné par Gene Wilder apparaît moins loufoque
que celui interprété par Richard Pryor). Nous sommes au États-Unis
et comme le veut la ''tradition'', nous sommes face à une comédie
jouant davantage sur les mimiques de ses deux principaux interprètes
que sur la subtilités des dialogues. See No
Evil, Hear No Evil
joue sur deux tableaux. L'humour, bien sûr, mais également le
policier puisque soupçonnés de meurtre, ils seront traqués par la
police. Mais aussi et surtout par un duo de criminels interprétés
par Joan Sevenrance (dans le rôle de Eve) et... Kevin Spacey, oui,
l'un des charismatiques personnages du film culte de Bryan Singer
Usual Suspects,
du bouleversant La vie de David Gale
d'Alan Parker ou l'auteur lui-même de l'excellent thriller Albino
Alligator en
1996. Arthur lui offre un petit rôle, celui du bras droit d'Eve,
Kirgo ! Même si See No Evil, Hear No Evil
n'est certes pas remarquablement fin (ils s'y sont tout de même mis
à six pour écrire ou adapter le scénario), il n'est pas rare que
l'on rigole ou que l'on sourit lors de courtes séquences ubuesques
(Richard Pryor se faisant notamment passer pour le gynécologue
suédois Johansson !). Mais la multiplicité des scénaristes a pour
conséquence, un imprévu : le film d'Arthur Hiller ressemble
parfois à un patchwork de séquences humoristiques lui donnant les
allures d'une compilation de sketchs dont seraient les héros presque
exclusifs, Gene Wilder et Richard Pryor. See No
Evil, Hear No Evil
est notamment l'occasion de quelques balades en voiture ou à pied
dans le New York des années soixante-dix... Richard Pryor et Gene
Wilder rejoueront une dernière fois ensemble et iront longtemps
après rejoindre les étoiles du cinéma à dix ans d'intervalle. Le
premier en 2006 et le second en 2016...
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