Alors
qu'au Danemark, plus les volets de la franchise Departement
V
se succèdent et plus celle-ci s’essouffle (les deux principaux
interprètes des quatre premiers longs-métrages ont d'ailleurs jeté
l'éponge), en 2016, l'Espagne nous a offert avec Que
Dios nos perdone,
une brillante alternative. La froideur des climats nordiques étant
presque généralement liée aux ambiances glaciales du cinéma
scandinave, l'Espagne prouvait à cette occasion que même sous un
soleil de plomb, une enquête policière peut très vite dégénérer
en une intrigue relevant autant du thriller que du film d'épouvante
à tendance morbide. Si rien ne vient confirmer qu'un futur nouveau
film accueillera en son récit les inspecteurs Luis Velarde et Javier
Alfaro (chose qui s'avérera bien difficile à mettre en place comme
le récit le confirmera dans ses derniers instants), Que
Dios nos perdone
s'avère si parfaitement accompli que l'on ne rechignera pas à
l'idée de voir ce curieux duo se remettre aux affaires et enquêter
sur une autre série de meurtres. L'un des intérêts de ce
long-métrage signé par le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen
(le premier qu'il réalisera véritablement seul) n'est pas tant dans
sa première partie de s'intéresser au cas de ce tueur insaisissable
qui s'en prend exclusivement aux vieilles dames que de se pencher sur
le caractère des deux inspecteurs chargés de l'enquête. D'un côté,
Luis Velarde (l'acteur Antonio de la Torre). Célibataire, bègue et
pointilleux, il est tout comme son coéquipier, soucieux de bien
faire son travail. Javier Alfaro est quant à lui d'un tempérament
bien différent. Impulsif, coléreux, marié et père deux enfants,
l'inspecteur est une véritable bombe à retardement déprécié par
ses collègues du commissariat et notamment par deux autres flics
chargés de les aider Velarde et lui mais avec lesquels il ne
s'entend absolument pas. C'est donc dans un climat délétère que
débute l'enquête sur de vieilles dames retrouvées mortes chez
elles, battues et violées. Si tout laisse à penser qu'elles ont
toutes été les victimes d'un homme âgé accroc aux drogues dures,
la vérité sera ailleurs...
Le
scénario de Isabel Peña et Rodrigo Sorogoyen est rigoureux dans sa
description d'une enquête notamment menée par un flic sur le fil du
rasoir. Que Dios nos perdone
mêle donc l'affaire de ce tueur de vieilles dames (un fait-divers
qui en rappelle un autre, bien réel celui-là et particulièrement sordide qui
fit des dizaines de victimes dans notre pays dans le courant des
années quatre-vingt : l'affaire Thierry Paulin (et celle de son complice
et amant Jean-Thierry Mathurin), le tueur de vieilles dames) aux
tracas de la vie courante qui prennent ici les allures d'une
véritable descente aux enfers. [Spoil] L'une des caractéristiques
du tueur de vieilles dames semble être d'ordre sexuel. Un tueur et
violeur gérontophile, ça ne court tout de même pas les rues et
certainement moins encore celles de la fiction. L'action se déroule
alors que se prépare l'imminente visite du Pape Benoît XVI. C'est
donc en pleine effervescence que celle-ci se situe permettant
notamment au réalisateur de mettre en scène une séquence de
course-poursuite dans les rues d'une ville grouillante de fervents
adorateurs du souverain pontife. Mais aussi et surtout noircies par
la présence de centaines de milliers de manifestants du Mouvement
des Indignés
qui émergea quelques mois auparavant. Que Dios
nos perdone
est une excellent film policier, tendu comme un string, moite,
violent et parfois même dérangeant. Surtout qu'après avoir fait le
tour de toutes les possibilités, le scénario prend la décision de
changer de point de vue pour s'intéresser de plus près à celui que
la police traque. Les spectateurs connaîtront donc avant les
inspecteurs l'identité du violeur et tueur de vieilles dames,
alourdissant davantage encore une ambiance déjà sacrément
irrespirable. Tout, absolument tout de la mise en scène, l'écriture
en passant par l'interprétation fait de Que Dios
nos perdone,
un thriller sombre et parfois désespéré. Autant dire que même si
l'idée peut paraître absurde au vu de la conclusion du récit, une
suite serait la bienvenue même si les années passent et qu'aucun
signe ne semble aller dans cette direction. Croisons cependant les
doigts...
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