Si l'on avait dû parier
sur la pérennité du cinéaste Eric Lavaine dans le paysage
cinématographique français après la sortie de son désastreux
Poltergay
en 2006, ceux qui l'avaient peut-être d'ors et déjà enterré lui
auraient sans doute ri au nez s'il leur avait lui-même prédit qu'il
changerait son fusil d'épaule en se laissant glisser de la comédie
vulgaire, bourrée de clichés et surtout pas drôle, à celle un peu
plus profonde et surtout, beaucoup mieux écrite, treize ans plus
tard. C'est donc le cas en cette année 2019 avec Chamboultout
qui derrière son titre qui n'éclaire pas vraiment sur ses
intentions (Humour dévastateur ou émotion portée à son
paroxysme?) change carrément son fusil d'épaule, mais sans
brutalité puisqu'au fil de sa filmographie, Eric Lavaine est parvenu
à adoucir son approche de la comédie. Du plutôt convainquant
Incognito,
en passant par le médiocre Protéger et Servir,
jusqu'aux sympathiques Barbecue
(qui réconcilie Florence Foresti et Franck Dubosc avec leurs
détracteurs), Retour Chez ma Mère (les
débuts d'Alexandra Lamy chez le cinéaste) et L'Embarras
du Choix,
Eric Lavaine est parvenu à se rendre de plus en plus indispensable
dans un pays où la comédie se veut de plus en plus formatée...
Chamboultout,
effectivement, chamboule... tout... Ou presque puisque le réalisateur
choisit davantage d'appuyer là où ça fait du bien plutôt que
d'insister trop lourdement là où ça fait mal. Pourtant, le sujet
écrit à six mains par le cinéaste lui-même aidé par Bruno
Lavaine et Barbara Halary-Lafond aurait pu donner lieu à un
authentique drame mais les dialogues et les différentes situations
donnent surtout lieu à une succession de séquences savoureusement
drôles. Il faut dire qu'Eric Lavaine est accompagné en cela par un
casting des plus remarquable : à commencer par Alexandra Lamy
et José Garcia qui, touchés par un drame (le second incarne
Frédéric qui après un grave accident de la route et un coma de
quatre mois environs est demeuré aveugle et victime de troubles
cognitifs) tentent de surmonter cette épreuve depuis maintenant cinq
années. C'est ainsi que Béatrice décide de faire publier « La
Grande Traversée »,
un ouvrage qu'elle a décidé de consacrer à l'histoire qu'elle
partage auprès de Frédéric mais à laquelle a participé leur
entourage. Un livre dont le contenu ne plaira malheureusement pas à
tout le monde puisqu'elle y a inscrit des anecdotes plus ou moins
élogieuses envers ses proches. Un ouvrage qui sera au centre de
discussions bruyantes et houleuses lors d'un week-end organisé par
Béatrice...
Il
aura donc fallut patienter plus d'une décennie pour assister à
l'accomplissement d'un cinéaste pas toujours inspiré mais qui aura
peu à peu réussit à convaincre son auditoire au point de signer
sinon un chef-d’œuvre, du moins son meilleur film cette année.
Difficile de trouver le moindre défaut à ce Chamboultout
très
amusant qui délivre un message très optimiste tout en étant très
clairvoyant sur le comportement adopté par un panel d'individus aux
traits de caractère parfois diamétralement opposés. Même les
plus rigoristes et les plus vertueux ne pourront être que touchés
par la sensibilité et le soin apporté jusque dans la description
des personnages les moins impliqués (on pense notamment à l'actrice
Claudine Vincent qui incarne la mère de Frédéric, Mamoune ou à
l'amant de Béatrice interprété par l'acteur protugais Nuno Lopes).
Mais après avoir assisté à cet émouvant déballage de sentiments,
de rancœurs et de pardons où le rire s'offre une place de choix, il
demeure quasiment impossible de dissocier nos deux principaux
interprètes des remarquables Michaël Youn (oui, oui), Anne Marivin,
Medi Sadoun, Michel Vuillermoz, Olivia Côte, Anne Girouard,
Jean-François Cayrey, Ludivine de Chastenet, Guilaine Londez, et
Nuno Lopes... Chamboultout est
(et demeurera très certainement) l'une des meilleures comédies de
cette première moitié de l'année 2019. A voir absolument...
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