Étrange expérience que
ce Nocturama,
avant dernier-long métrage du cinéaste français Bertrand Bonello,
qui semble se vouloir autant une réflexion esthétisante d'une
opposition entre la République et la jeunesse révoltée de notre
pays qu'un hommage contemporain à ¿Quién puede
matar a un niño?
réalisé par Narciso Ibáñez Serrador en Espagne quarante ans plus
tôt. Plutôt que de filmer une jeunesse s'abandonnant au triste sort
des banlieues, le cinéaste donne à ses personnages un but illusoire
et doré qui débute par des travelling répétés nous présentant
une poignée d'individus n'excédant sans doute pas les dix-huit ou
dix-neuf ans. Des garçons et des filles de tout âge, de toutes
origines, et de tous milieux qui tendent vers un même but. Si
l’œuvre de Bertrand Bonello ne s'étend que sur un peu moins de
vingt-quatre heures, il étire cependant son premier acte jusqu'au
moment même où il précédera le détachement du spectateur le
moins patient et donc le plus excédé qui sera libéré de cette
accumulation de séquences pourtant bien vivantes et partageant avec
nous les longs couloirs du métro parisien lorsque le monde s'éveille
pour aller gagne sa vie.
On
est d'abord saisi par le regard froid et brut du cinéaste qui filme
ses interprètes avec beaucoup d'attention tout en évitant de les
caractériser (les dialogues sont rares), ce qui, dans un certain
sens nuira à l'éventuelle empathie ressentie lors du tragique
final. David, Greg, Yacine, Sabrina, Mika, Sarah et les autres
tendent vers un but unique donc. Et même si dans un premier temps
ils ne partagent que dans de rares occasions le même plan, on devine
assez rapidement qu'à un moment du scénario, tous vont finir par se
rejoindre. On assiste alors à un drôle de manège dont chaque
séquence aurait pu donner lieu à de superbes plans-séquences, mais
que le découpage nous refuse. Tant pis, puisque de toute manière,
le montage se révèle très bien construit. Vient ensuite le second
acte suivant une série d'actes criminels commis par le groupe lors
duquel ces derniers se réunissent dans un centre commercial de luxe
en pleine capitale. Si on en apprend davantage sur certains
personnages à travers quelques timides échanges verbaux accompagnés
de gestes, cette facette de Nocturama
s'avère assez pesante et ne repose sur rien de véritablement
concret.
Quel
est donc le but de ces adolescents ? Pourquoi avoir commis les
actes terroristes désormais diffusés en boucle sur les chaînes de
télévision ? Et sont-ils conscients des enjeux de leurs
agissements ? Bien que cela ne soit pas immédiatement évident,
Nocturama est
nimbé d'un perpétuel climat de noirceur dans lequel l'absence
d'explications et surtout, le comportement d'adolescents qui
davantage que de s'amuser de la situation (celle d'être enfermés
dans un centre commercial rempli de victuailles et d'objets de divertissement) agissent comme des
individus majoritairement dénués d'émotions, constituent
l'essentiel du malaise que l'on pourra ressentir tout au long de la
projection. Un sentiment d'oppression qui culmine avec l'horreur
absolue d'un dernier acte dérangeant qui rétrospectivement, lorsque l'on repense
à l'absence de caractérisation des personnages, est finalement
beaucoup moins sinistre qu'il aurait pu l'être même s'il demeure
assez épouvantable dans son traitement. Froid et pessimiste,
Nocturama s'avère
une très bonne expérience cinématographique même si elle s'avère
un peu longue à certains endroits (le film dure cent-trente
minutes).On notera la présence de l'acteur Luis Rego en ''guest''.
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