Cinéaste grec originaire
d'Athènes, Yórgos Lánthimos est une énigme du septième art.
Comme peut l'être David Lynch même si l'œuvre du premier est
davantage à rapprocher de celui des autrichiens Michael Haneke et
Ulrich Seidl. Un cinéma froid, rigoriste, pas toujours plaisant à
contempler comme en témoigne notamment son quatrième long-métrage
intitulé Alps.
Le film est un objet de curiosité tout en demeurant un curieux
objet. Une petite subtilité qui en dit beaucoup sur le double sens
que l'on peut faire prendre aux mots et qui définit, je trouve,
relativement bien le contexte dans lequel le réalisateur et
scénariste plonge le spectateur. Après s'être exporté à
l'étranger pour y remporter deux prix au festival de Cannes en 2009
(pour Canine),
les premiers d'une longue liste d'ailleurs, Yórgos Lánthimos
persévère deux ans plus tard dans son approche ascétique du cinéma
avec un long-métrage au titre tout d'abord énigmatique avant que
nous soit révélée sa signification au court du récit. Seul
élément ou presque à nous être directement transmis à travers la
voix d'un ambulancier lancé dans un projet aussi fou qu'honorable.
Fou de par son concept et honorable dans ce qu'il peut révéler
d'humanisme. Le titre évoque ainsi l'une des plus célèbres chaînes
de montagnes européennes traversant divers territoires mais dont
l'auteur ne se soucie, semble-t-il, que de son versant suisse !
Le groupe formé autour de ''Mont
Blanc''
semble être encore balbutiant. Aris Servetalis incarne ainsi un
''gourou''
beaucoup moins séduisant dans son apparat et dans son attitude qu'un
Raël Ô combien charismatique. Maître-d’œuvre d'un projet
apparemment farfelu et dont l'ambition est de gagner avant tout de
l'oseille, il a sous ses ordres trois ''Adeptes''.
Une infirmière (l'actrice Angelikí Papoúlia), un entraîneur
(Johnny Vekris) et une gymnaste (Ariane Labed) dont les deux premiers
sont respectivement identifiés sous les noms de ''Monte
Rosa'',
''Matterhorn''.
Mais alors, quel est donc ce projet très particulier pour lequel
ils s'emploient tous à donner le meilleur d'eux-mêmes ?
Simple
dans son évocation mais assez difficile à mettre en œuvre, ''Mont
Blanc''
mais SURTOUT ses employés vont devoir donner de leur personne afin
de convaincre, par exemple, un couple d'âge mûr dont la fille vient
de perdre la vie à la suite d'un grave accident de voiture
d'accepter de faire leur deuil en accueillant, toujours pour ce même
exemple, ''Monte
Rosa''
en lieu et place de leur chère disparue ! Pour être plus clair
s'agissant du concept, chacun des membres du groupe va devoir se
plier à une rigueur consistant à connaître la personne qui vient
de mourir afin de se fondre littéralement dans sa peau et ainsi
prendre sa place au sein de la famille endeuillée. Une manière de
rendre le passage obligé du deuil moins douloureux. Là où tout se
complique est dans le traitement que fait le réalisateur grec de son
sujet. Rien de plus délicat que d'aborder la disparition d'un être
cher. De ce point de vue là, Yórgos Lánthimos étant plutôt
économe en matière d'effets, Alps
peut être envisagé comme un film à l'idée quelque peu surréaliste
tout en demeurant très respectueux de son matériaux de base. Ainsi,
le réalisateur et son scénariste Efthýmis Filíppou effleurent la
mort avec toute la délicatesse propre au sujet tout en oubliant
malgré tout de nous donner les clés qui permettent la pleine
compréhension de ce qui se déroule devant nos yeux. Et d'une
certaine manière, on ne leur en voudra pas. Parce qu'à trop faire
tourner le concept en boucle, Yórgos Lánthimos parvient à travers
ce subterfuge alambiqué à retenir le spectateur dans cette quête
qui consiste à absorber les événements, les remettre dans l'ordre,
et ainsi comprendre enfin ce que signifie cette succession de
séquences qui paraissent parfois désordonnées quand bien même
elles furent planifiées de manière consciente et méticuleuse. Il
n'empêche que sa froideur, son rythme et l'absence quasi
systématique de caractérisation des protagoniste empêchent Alps
de devenir l'objet de fascination incroyable qu'il aurait mérité
d'être en d'autres temps et d'autres lieux s'il avait été traité
de manière beaucoup plus linéaire et accessible. La mort a beau ne
pas être un sujet a priori joyeux, la sécheresse de la mise en
scène nous fout quand même un sacré coup au moral tandis que notre
(im)patience est mise à rude épreuve chaque minutes que compte le
récit (c'est à dire, plus de quatre-vingt dix!). Bref, les
néophytes risquent de vivre une expérience assez délicates.
Peut-être plus encore que les œuvres respectives des deux cinéastes
autrichiens cités plus haut qui, à leur décharge, parviennent on
ne sait comment à insuffler une véritable énergie et un sens peu
commun du divertissement à un cinéma lui aussi généralement
ascétique...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire