Jean Rochefort, Claude
Brasseur, Guy Bedos, Victor Lanoux. Quatre grand acteurs français,
et pourtant, je ne sais pas si tel est le cas de beaucoup de
spectateurs, mais malgré l'immense talent de chacun, le film me
renvoie surtout systématiquement aux fugaces apparitions de Christophe
Bourseiller, qui bien avant d'être journaliste et écrivain, montait
déjà sur les planches. Ou plutôt, traînait sur les plateaux de
tournage. Dès l'âge de quatre ans d'ailleurs, sur celui de La
Guerre des Boutons,
déjà réalisé par Yves Robert. Ensuite, Godard, à trois reprises,
puis de nouveau Yves Robert avec le diptyque dont j'évoquerai ici
pour commencer, le premier volet, Un Éléphant
ça Trompe Énormément.
Le genre de classique de la comédie française indémodable cadrant
son objectif sur quatre amis de longue date. Une chronique
irrésistible commentée en voix off par un Jean Rochefort qui sans
les images, paraîtrait beaucoup plus à son aise que son personnage ne le
montre en réalité. Christophe Bourseiller donc, l'inoubliable
documentaliste vouant un culte à l'inactivité, à l'absolu liberté
de ne rien faire, le quatrième comparse du quatuor incarné à ses
côtés par Patrick Bruel, Laurent Gamelon et Fabrice Luchini dans
P.R.O.F.S,
c'est ici ce gamin qui déclare sa flamme à l'épouse d’Étienne
Dorsay (Jean Rochefort), incarnée à l'écran par Danièle Delorme,
lui avouant être tombé amoureux de ses seins. Mais attention,
surtout le gauche ! Aussi vif qu'un adolescent sous perfusion de
valium, Christophe Bourseiller fait de chacune de ses interactions
avec l'actrice, une scène définitivement culte ! On regrette
de ne pas l'y voir incarner un personnage plus important, du moins,
plus présent à l'écran. Quoique. Peut-être sont-ce ces
instantanés d'une durée insuffisamment longue qui font justement le
sel de ses apparitions.
Ce
qui bien entendu n'évacue pas les autres interprètes qui, chacun à
leur manière, vont apporter leur pierre à l'édifice. Et pour
commencer, Jean Rochefort. Presque le personnage principal, se
détachant quelque peu des trois autres, se fabriquant un portrait
fort séduisant mais qui à l'image lui fait quelque peu défaut.
Marié de longue date à Marthe, il est 'victime'
ce que l'on a communément l'habitude d'appeler un 'coup
de foudre'.
Et ce coup de foudre, c'est Charlotte, une belle jeune femme,
grande, élancée, incarnée par l'actrice Anny Duperey. Un
bouleversement dans l'existence habituellement bien ordonnée
d’Étienne, car cette femme, le mari heureux va chercher à la
revoir...
Ensuite,
nous retrouvons l'acteur humoriste Guy Bedos qui dans la peau de
Simon est littéralement étouffé par sa mère, elle-même incarnée
par Marthe Villalonga. Née en 1932 à Fort-de-l'Eau en Algérie,
cette actrice célèbre pour avoir de nombreux seconds rôles n'est
l’aînée de Guy Bedos que de deux ans, lui étant né en 1934. Et
pourtant, le peu de différence qui sépare les deux interprètes
demeure invisible. Ils campent tous les deux un formidable duo
mère-fils, sans cesse tiraillé par les rapports beaucoup trop
'serrés' qu'ils
entretiennent. Le troisième bon copain d’Étienne, c'est Bouly,
incarné par Victor Lanoux. Contrairement à son ami qui va bientôt
entamer sa première relation adultère, Bouly est un habitué de la
chose. Ce qui mettra malheureusement son couple en péril. Enfin, il
y a Daniel, interprété par Claude Brasseur. Le plus mystérieux des
quatre hommes. On sait peu de choses sur le bonhomme, du moins
jusqu'à ce que nous soit révélée son homosexualité. Comme le
désirait l'acteur, qui contre l'avis de son agent accepta le rôle,
il ne voulait surtout pas faire de Daniel, une image trop
caricaturale de l'homosexuel. Le film bénéficiant ainsi d'un
personnage conservant un certain mystère.
C'est
la sixième fois qu'Yves Robert fait appel aux services de Vladimir
Cosma pour composer la bande originale du film après, entre autres,
Clérambard en
1969, et salut l'Artiste
en 1973. Un Éléphant ça Trompe Énormément
est une comédie joyeuse, traversée de moments plus délicats. C'est
la troisième fois que le cinéaste écrit à quatre mains le
scénario en compagnie du romancier, chansonnier, scénariste et
dialoguiste (entre autres casquettes) Jean-Loup Dabadie. On peut
affirmer sans risques que des œuvres telles que Le Cœur
des Hommes et ses suites ne
sont autre que les descendantes directes de Un Éléphant
ça Trompe Énormément et
de sa suite Nous Irons tous au Paradis qu'Yves
Robert réalisera l'année suivante. À noter que le cinéaste
américain Gene Wilder réalisera un remake en 1984 sous le titre La
Fille en Rouge.
Au
final, Un Éléphant ça Trompe Énormément
demeure après toutes ces
années comme l'une des meilleures comédies françaises de ce milieu
des années soixante-dix. Les scènes plaçant Danièle Dselorme face
à un Christophe Bourseiller amoureux sont irrésistiblement drôles,
tout comme certains passages avec Jean Rochefort (la rencontre en
pleine forêt et à cheval entre son personnage et celui incarné par
Anny Duperey), la scène durant laquelle Simon-Guy Bedos reçoit l'un
de ses patients dans son cabinet, ou encore celle où Claude Brasseur
simule la cécité dans un restaurant afin de redonner le sourire à
un Victor Lanoux plaqué par sa femme. Un classique indémodable, à
revoir sans conditions...
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