Alors qu'une exposition
est consacrée au dialoguiste et scénariste Michel Audiard au musée
du cinéma et de la photographie Jean Delannoy de Bueil dans l'Eure
jusqu'à la fin octobre, il sera peut-être temps un jour de revenir
sur la carrière de l'un de nos plus grands dialoguistes. Sur un ton
sans doute moins argotique et familier que l'auteur des dialogues
d'Un taxi pour Tobrouk de Denys de La Patellière, Les
Tontons flingueurs de Georges Lautner ou de Mortelle
Randonnée de Claude Miller, Francis Veber a su marquer de sa
patte toute personnelle mais néanmoins identifiable chez d'autres
(Le prénom
d'Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte aurait tout aussi
bien pu être né de la plume de l'auteur de la trilogie La
chèvre/Les
compères/Les
Fugitifs),
le cinéma comique français. Avec une intelligence dans les
dialogues que ne partagent malheureusement que peu de réalisateurs
ou scénaristes. Et pourtant, de La chèvre en
passant par Le Dîner de cons
et jusqu'à Tais-toi !
au moins, le principe fut toujours le même. L'opposition de deux
personnages qui n'ont absolument rien en commun. Deux ans auparavant,
Francis Veber avait déjà cerné tout le potentiel comique de Gérard
Depardieu en lui offrant le rôle du chef du personnel Félix Santini
dans Le
placard
aux côtés de Daniel Auteuil et de Thierry Lhermitte. En 2002, le
réalisateur, scénariste et dialoguiste le réembauche pour la
cinquième fois et contrairement à la trilogie qu'il partageait avec
l'acteur Pierre Richard, Gérard Depardieu n'y incarne cette fois
plus la force brute, le rôle de celle-ci étant désormais confié à
Jean Reno...
Non,
désormais, celui qui incarna le détective privé Campana, le
journaliste Jean Lucas puis le braqueur de banques du même nom
interprète ici, Quentin... de Montargis. Un gentil gars, léger
d'esprit, très bavard, version pas très finaude du suicidaire
François Pignon de L'emmerdeur
d’Édouard Molinaro (film déjà écrit à l'époque par Francis
Veber lui-même). Face à lui, il fallait bien un acteur de la
trempe, du charisme et de la stature de Jean Reno pour faire oublier
au public cette force brute qu'incarne en général Gérard
Depardieu. Comparable lui aussi à l'un des personnages principaux
incarnés en 1973 par Lino Ventura (le tueur à gages Ralf Milan,
toujours dans L'emmerdeur),
Jean Reno campe celui de Ruby, un criminel qui après avoir dérobé
vingt millions d'euros lors d'un braquage se retrouve dans la même
cellule que Quentin. Un sujet dont l'originalité semble très
modeste puisque se revendiquant (in)volontairement du duo François
Pignon/Jean Lucas des Fugitifs.
Sauf que dans le cas présent, les deux hommes vont faire équipe
sous la contrainte du second, très attaché à son nouvel ami Ruby.
Loin d'être aussi remarquables que ceux du Dïner
de cons
réalisé quatre ans auparavant, les dialogues s'avèrent étonnamment
faibles, le film ne reposant que sur quelques saillies ''verbiales''
et surtout, sur son sympathique duo.
Entre
un Jean Reno froid et épris de vengeance envers celui qui a tué
celle qu'il aime (l'excellent Jean-Pierre Malo dans le rôle de Vogel
qui fut quinze ans auparavant l'ennemi public numéro un dans Le
Solitaire
de Jacques Deray face à Jean-Paul Belmondo) et un Gérard Depardieu
irrésistible en Quentin collé aux basques de son criminel ''d'ami''
et affublé d'une improbable coiffure, Tais-toi !
n'est peut-être pas aussi fin que tout ce qu'à pu mettre en scène
ou réaliser Francis Veber jusque là mais l'essentiel y est. À part
quelques séquences secondaires parfaitement inutiles comme la
rencontre des deux hommes avec la charmante Katia, l'actrice
franco-chilienne Leonor Varela qui interprète en outre la bien aimée
de Ruby qui se fait dessouder par Vogel au début du film, Tais-toi !
rempli
parfaitement sa tâche de comédie parfois hilarante, agrémentée de
quelques personnages secondaires plus ou moins amusants. Et parmi
eux, André Dussolier en psychiatre, Richard Berry en commissaire
Vernet, Vincent Moscato en homme de main de Vogel ou encore Ticky
Holgado dans le rôle de Martineau, seul véritable ami de Quentin.
En 2002, nous avions le choix entre Ah
! si j'étais riche
de Michel Munz, Astérix
et Obélix : Mission Cléopâtre
d'Alain Chabat, Le
Boulet
d'Alain Berbérian et Frédéric Forestier ou encore Ma
femme s'appelle Maurice
de Jean-Marie Poiré. On le voit, Tais-toi !
n'était certes cette année là sans doute pas la meilleure comédie
française à sortir sur les écrans, mais pas la pire non plus...
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