Je suis descendu du train
avant la moitié du trajet. Malgré la présence du compositeur
italien Claudio Simonetti, malgré Jennifer Connelly, malgré Daria
Nicolodi et malgré Donald Pleasance. Plus envie de voir un Dario
Argento s'enlisant comme dans des sables mouvants. Poème en quatre
vers : ''Phenomena...
'' ''Pouahhhh...'' ''Phenomena...
'' ''Caca...''................. Donc, retour en arrière. Pas si
lointain, à l'échelle de l'humanité, mais approchant
dangereusement le quart de siècle. Et ça n'est pas le remarquable
remake que Luca Guadagnino réalisa il y a trois ans du film culte de
Dario Argento Suspiria qui
m'a donné envie de redécouvrir l'original, mais les résultats d'un
sondage, ouais ! Si le projet de remake de Luca Guadagnino
pouvait passer pour fou vu la réputation de l’œuvre originale de
Dario Argento, l'italien s'en est heureusement pour lui
particulièrement bien sorti. Pour autant, les trajectoires prises
par les deux hommes auront été bien différentes. Et lorsque l'on
redécouvre l'une et l'autre, leurs qualités respectives ne sont
sans doute pas à mettre sur un même plan. Chez Dario Argento, sa
mise en scène semble souvent tenir sur des fondations plutôt
fragiles. Et l'on ne parle pas du scénario qui là encore est de sa
propre initiative ainsi que de celle qui fut sa compagne, Daria
Nicolodi dont il s'agira ici de la première participation en tant
que scénariste. Souvent dans le cinéma fantastique italien de
l'époque et de la décennie suivante, la mise en scène et le
montage participent d'une logique commune à nombre de réalisateurs
transalpins parmi lesquels un certain Lucio Fulci...
Une
manière d'aborder le récit qui ne semble devoir appartenir qu'à
nos voisins à l'imagination et à l'inspiration pas toujours prompt
à donner lieu à d'authentiques chef-d’œuvre du septième art.
Plus dur est sans doute d'obtenir ce statut pour une œuvre, qu'elle
soit fantastique, d'horreur ou d'épouvante. Et c'est en cela que
Suspiria,
la version de 1977, est unique. Car l'on détient bien là l'un de
ces grands films, uniques en leur genre et qui dans le cas présent
n'est que l'aboutissement d'un travail esthétique flamboyant. Dario
Argento, si ce n'est plus, a signé au moins deux chefs-d’œuvre
dans sa carrière qui jusqu'à maintenant est vieille de
cinquante-cinq ans (son dernier-né Occhiali neri
est actuellement en pré-production). Et si depuis de nombreuses
années l'homme est en errance d'un point de vue artistique et
qualitatif, rien ne pourra jamais remettre en questions les immenses
qualités de Profondo Rosso
(1975) et de Suspiria.
Ce dernier est donc l'aboutissement de sa carrière car même si
Inferno
fera lui aussi trois ans plus tard figure de franche réussite, Dario
Argento devait en 1977, enfoncer littéralement le clou dans le
domaine de la recherche esthétique. Ryan Gosling saura d'ailleurs
s'en souvenir trente-sept ans après avec Lost
River
et son hommage très appuyé. Envoûté non seulement par la présence
à l'écran de la sublime Jessica Harper, vedette de l'incontestable
chef-d’œuvre de Brian De Palma Phantom of the
Paradise trois
ans auparavant, Suspiria est
d'abord une expérience qui se vit d'un point de vue sensitif.
Jamais
jusqu'alors Dario Argento n'aura autant repoussé et maîtrisé l'art
pictural. Il offre en effet à ce petit bijou d'effroi, une palette
de couleurs proprement hallucinante, donnant vie à des tableaux
d'une beauté à couper le souffle. Stylisant comme jamais l'art du
meurtre, se référant au giallo,
art dans lequel il fut passé maître dès le début de sa carrière
de cinéaste et malgré qu'il s'en éloigne ici beaucoup, l'italien
s'est entouré d'artistes tels que le décorateur Giuseppe Bassan et
le responsable de la photographie Luciano Tovoli pour donner vie à
une œuvre visuellement intense, en perpétuel renouvellement, jouant
tantôt sur un choix de couleurs (mon dieu ces éclairages!), sur des
perspectives géométriques et sur des décors proprement dantesques.
Participe également de cette élaboration, l'incroyable partition
musicale du groupe italien Goblin
(Zombie
de George Romero, Profondo Rosso,
Buio Omega
de Joe d'Amato) et notamment du claviériste Claudio Simonetti (et à
laquelle Dario Argento lui-même collaborera) qui avec Suspiria
propose une musique envahissant tout l'espace, le martelant avec une
précision et un acharnement inouï. Dario Argento y révèle le
pouvoir de l'image et du son sans lesquels tout ou partie de
Suspiria,
sans doute, aurait été proprement démuni. Une œuvre dont chaque
plan, chaque séquence s'étudie, se vit, se respire. Bref, un grand,
un TRES grand chef-d’œuvre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire