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lundi 22 mars 2021

Mandibules de Quentin Dupieux (2021) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Le voilà, tout frais, tout chaud, le dernier né de l'un de nos cinéastes les plus iconoclastes. Ce mauvais élève qui du fond de la classe, le cul vissé près du radiateur, ne fait jamais rien comme tout le monde. Plus productif que jamais (ses trois derniers longs-métrages sont sortis en trois ans), Quentin Dupieux, aka Mr Oizo, signe avec Mandibules l'un de ces films dont lui seul a le secret. Sans jamais vraiment rien changer, le réalisateur et scénariste qui à l'occasion, et comme dans le cas présent, laisse à d'autres le soin de composer la bande originale (elle est ici l’œuvre du groupe britannique Metronomy) continue son petit bonhomme de chemin sur la route de l'humour surréaliste. Ce qui change par contre, c'est le casting. Ou plutôt une partie de ses vedettes puisque la moitié du Palmashow Grégoire Ludig était déjà présent au générique du précédent long-métrage de Quentin Dupieux Au Poste dans le rôle de Louis Fugain, lequel affrontait Benoît Poelvoorde dans celui du commissaire Buron. Son comparse David Marsais le rejoint cette fois-ci et partage avec lui l'un des deux rôles principaux de ce récit que les habitués du cinéaste ne s'étonneront pas de découvrir aussi étonnant que ses précédentes œuvres. Cette fois-ci, Quentin Dupieux nous convie à un curieux road movie dans lequel deux copains prénommés Manu et Jean-Gab partent en mission afin de livrer un colis et ainsi empocher la modique somme de 500 euros. Soit, ce qui pourrait figurer le budget de ce long-métrage qui comme les autres, semble ne tenir que grâce à quelques bouts de ficelle...


Mais alors que Manu s'est emparé de la voiture d'un inconnu, une fois en route pour sa mission accompagné de Jean-Gab, les deux hommes découvrent très vite que dans le coffre arrière est nichée une mouche. Mais pas n'importe quelle mouche. Une mouche de la taille d'un caniche que Jean-Gab va s'empresser de dresser. Bon, jusque là, rien de vraiment anormal dans l'univers de Quentin Dupieux. Sauf que cela se gâte assez rapidement. Car ce qui peut paraître anormal pour nous peut tout à fait s'avérer parfaitement logique dans l'esprit du réalisateur et scénariste. Et donc, inversement. Pour être plus clair, le film prend en court de route un virage qui stoppe net les visions délirantes d'un réalisateur en panne d'inspiration. Il préfère jeter en pâture ses deux héros façon The Big ''Jeff'' Lebowski des Frères Coen à un frère, sa sœur et deux copines sis au bord de la piscine de papa/maman. Le road movie se mue alors en une comédie d'été bancale qu'aurait percuté de front le scénariste du Clochard de Beverly Hills de Paul Mazursky. Entre nos deux rednecks pas finauds pour un sou, le proprio d'une caravane perdue en plein désert, un vieux riche à dentier plombé de diamants, une blonde à mémoire faillible et une hurleuse pour cause de trauma crânien, il y avait de quoi faire. Et si dans les apparences Quentin Dupieux fait le taf, il ne sera pas interdit d'écouter cette petite voix intérieure qui nous parle et nous fait réfléchir sur notre condition de fans inconditionnels du réalisateur : Quentin Dupieux ne serait-il cependant pas en train de se foutre de nous ?


Fascinés que nous sommes devant une œuvre toute entière vouée au surréalisme, à la folie douce, comme un David Lynch du dimanche en moins complexe mais en beaucoup plus absurde, ce n'est qu'après projection qu'il faudra se faire une raison. Oui le cinéma de Dupieux est savoureux. Et oui il n'appartient qu'à lui. Mais en revanche, nous nous ferons un devoir de reconnaître que le bonhomme, tout détenteur d'un scénario qu'il puisse être, s'est ce coup-ci un peu trop reposé sur ses deux principaux interprètes qui pour le coup, semblent avoir un mal de chien à improviser. Surtout avant leur rencontre avec le toujours excellent Bruno Lochet. Surtout, l'on sent Quentin Dupieux glisser doucement mais inexorablement vers des terres toujours plus laborieuses. À moins que son œuvre n'agisse comme certains mets peu raffinés que l'on fini finalement par apprécier à force d'en consommer au fil des années. Peut-être son œuvre n'a-t-elle, en réalité, foncièrement pas changée. Peut-être est-ce nous qui nous y sommes trop facilement habitués. Reste que Mandibules se déguste comme nous purent nous repaître d'un Rubber ou d'un Réalité. Si même le film demeure en deçà de ces seuls exemples, BON DIEU que nous avons hâte de découvrir son futur projet intitulé Incroyable mais vrai...

 

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