Le voilà, tout frais,
tout chaud, le dernier né de l'un de nos cinéastes les plus
iconoclastes. Ce mauvais élève qui du fond de la classe, le cul
vissé près du radiateur, ne fait jamais rien comme tout le monde.
Plus productif que jamais (ses trois derniers longs-métrages sont
sortis en trois ans), Quentin Dupieux, aka Mr Oizo, signe avec
Mandibules
l'un de ces films dont lui seul a le secret. Sans jamais vraiment
rien changer, le réalisateur et scénariste qui à l'occasion, et
comme dans le cas présent, laisse à d'autres le soin de composer la
bande originale (elle est ici l’œuvre du groupe britannique
Metronomy)
continue son petit bonhomme de chemin sur la route de l'humour
surréaliste. Ce qui change par contre, c'est le casting. Ou plutôt
une partie de ses vedettes puisque la moitié du Palmashow
Grégoire
Ludig était déjà présent au générique du précédent
long-métrage de Quentin Dupieux Au Poste dans
le rôle de Louis Fugain, lequel affrontait Benoît Poelvoorde dans
celui du commissaire Buron. Son comparse David Marsais le rejoint
cette fois-ci et partage avec lui l'un des deux rôles principaux de
ce récit que les habitués du cinéaste ne s'étonneront pas de
découvrir aussi étonnant que ses précédentes œuvres. Cette
fois-ci, Quentin Dupieux nous convie à un curieux road movie dans
lequel deux copains prénommés Manu et Jean-Gab partent en mission
afin de livrer un colis et ainsi empocher la modique somme de 500
euros. Soit, ce qui pourrait figurer le budget de ce long-métrage
qui comme les autres, semble ne tenir que grâce à quelques bouts de
ficelle...
Mais
alors que Manu s'est emparé de la voiture d'un inconnu, une fois en
route pour sa mission accompagné de Jean-Gab, les deux hommes
découvrent très vite que dans le coffre arrière est nichée une
mouche. Mais pas n'importe quelle mouche. Une mouche de la taille
d'un caniche que Jean-Gab va s'empresser de dresser. Bon, jusque là,
rien de vraiment anormal dans l'univers de Quentin Dupieux. Sauf que
cela se gâte assez rapidement. Car ce qui peut paraître anormal
pour nous peut tout à fait s'avérer parfaitement logique dans
l'esprit du réalisateur et scénariste. Et donc, inversement. Pour
être plus clair, le film prend en court de route un virage qui
stoppe net les visions délirantes d'un réalisateur en panne
d'inspiration. Il préfère jeter en pâture ses deux héros façon
The Big ''Jeff''
Lebowski
des Frères Coen à un frère, sa sœur et deux copines sis au bord
de la piscine de papa/maman. Le road movie se mue alors en une
comédie d'été bancale qu'aurait percuté de front le scénariste
du Clochard de Beverly Hills
de Paul Mazursky. Entre nos deux rednecks pas finauds pour un sou, le
proprio d'une caravane perdue en plein désert, un vieux riche à
dentier plombé de diamants, une blonde à mémoire faillible et une
hurleuse pour cause de trauma crânien, il y avait de quoi faire. Et
si dans les apparences Quentin Dupieux fait le taf, il ne sera pas
interdit d'écouter cette petite voix intérieure qui nous parle et
nous fait réfléchir sur notre condition de fans inconditionnels du
réalisateur : Quentin Dupieux ne serait-il cependant pas en
train de se foutre de nous ?
Fascinés
que nous sommes devant une œuvre toute entière vouée au
surréalisme, à la folie douce, comme un David Lynch du dimanche en
moins complexe mais en beaucoup plus absurde, ce n'est qu'après
projection qu'il faudra se faire une raison. Oui le cinéma de
Dupieux est savoureux. Et oui il n'appartient qu'à lui. Mais en
revanche, nous nous ferons un devoir de reconnaître que le
bonhomme, tout détenteur d'un scénario qu'il puisse être,
s'est ce coup-ci un peu trop reposé sur ses deux principaux
interprètes qui pour le coup, semblent avoir un mal de chien à
improviser. Surtout avant leur rencontre avec le toujours excellent
Bruno Lochet. Surtout, l'on sent Quentin Dupieux glisser doucement
mais inexorablement vers des terres toujours plus laborieuses. À
moins que son œuvre n'agisse comme certains mets peu raffinés que
l'on fini finalement par apprécier à force d'en consommer au fil
des années. Peut-être son œuvre n'a-t-elle, en réalité,
foncièrement pas changée. Peut-être est-ce nous qui nous y sommes
trop facilement habitués. Reste que Mandibules
se
déguste comme nous purent nous repaître d'un Rubber
ou d'un Réalité.
Si même le film demeure en deçà de ces seuls exemples, BON DIEU
que nous avons hâte de découvrir son futur projet intitulé
Incroyable mais vrai...
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